Laissez-moi vous dépeindre la scène. Pour les plus âgés d’entre nous, ce sera un plongeon dans le passé. Pour les plus jeunes, laissez aller votre imagination. Nous sommes à la toute fin des années ‘90, voire au début des années 2000. C’est vendredi soir, après l’école, vous vous rendez au club vidéo. Dès le seuil de la porte franchi, une odeur de maïs soufflé vous accueille. Dans la rangée « horreur », un groupe d’adolescents se chamaille sur la location à privilégier. Vous vous dirigez vers la section « jeux vidéo » de la boutique et mettez la main sur une copie de Caesar III, le nouvel opus de Sierra dans le domaine de la construction de cité. Le cœur rempli d’espoir, vous aurez trois jours, toute la fin de semaine plus vendredi soir, pour vous montrer digne de César et prendre le contrôle de l’Empire romain.
- Studio de développement : Impression Games (Équipe pilotée par l’utilisateur Keriew pour Augustus sur la base des travaux de Bianca pour le mod Julius)
- Éditeur : Activision
- Plateformes disponibles : PC et MacOs
- Plateforme de test : PC
- Date de sortie : 30 septembre 1998 (Caesar III original) et 25 novembre 2021 (Augustus)
- Classement : E
- Prix : 7,79 $
- Page Steam du jeu
- Page GitHub du mod
Eh oui, il existait une époque où il y avait des clubs vidéo, avant l’avènement d’Internet, où on allait louer des VHS ou, à la fin, des DVD des films à l’affiche. Il y avait aussi une section « jeux vidéo » pour emprunter les derniers CD de l’heure. C’était également avant de pouvoir facilement cloner les disques et/ou les pirater afin de ne plus avoir besoin du disque physique. Ainsi, on pouvait se rendre et emprunter un jeu pour quelques jours. Puis le rapporter et attendre la prochaine location pour continuer, ou simplement l’acheter après l’avoir testé. C’est à cette époque que j’ai pu tester de grands classiques comme Lords of the Realm II ou RollerCoaster Tycoon en les louant au club vidéo du coin.

Or, cette chronique n’a pas pour seul but de vous plonger dans la nostalgie d’une époque révolue ou dans la fantaisie d’un monde que vous n’avez jamais connu, celui d’avant Internet. Elle vise plutôt à vous présenter l’existence d’un mod qui donne véritablement une seconde vie à ce titre vieux de plus de 25 ans. Penchons-nous donc sur Caesar III : Augustus, un projet qui insuffle un nouvel élan au jeu classique, sans pour autant le dénaturer.
Le classique : Caesar III
Commençons par le début : Caesar III est un jeu de construction de ville classique, situé dans l’environnement de la Rome antique. En suivant la trame historique de la fondation, puis de l’expansion du Royaume, de la République et enfin de l’Empire romain, le joueur doit, dans le cadre de la campagne, construire plusieurs villes successives, chacune avec ses propres objectifs à remplir. Une fois les missions de tutoriel passées, deux options de cartes seront toujours proposées pour la ville suivante : une option « généralement » pacifique, centrée sur l’économie et la prospérité de la cité, et une option militaire, dans laquelle le joueur devra repousser les envahisseurs et répondre aux besoins en sécurité de la population.
Le joueur a à sa disposition divers services destinés aux citoyens, comme un réseau d’aqueducs et d’eau courante, des marchés, des bains publics et des lieux de divertissement. Il contrôle également la mise en place des industries primaires et secondaires, le commerce avec les cités romaines avoisinantes, ainsi que la défense de la cité. Il doit trouver le moyen d’atteindre les objectifs de chaque mission tout en équilibrant son budget et en protégeant ses citoyens. Chaque bâtiment de service public libère périodiquement un employé, qui parcourt les rues de la ville et fournit ses services ou vend des biens aux habitations croisées sur son chemin.

Une dynamique centrale du jeu, qui était relativement novatrice à l’époque, est l’évolution des habitations. Comme dans plusieurs jeux du genre, le joueur peut désigner des zones où des quartiers résidentiels peuvent se développer. Des immigrants provenant de l’Empire romain apparaîtront alors sur la route impériale pour venir occuper ces espaces. Au départ, ils n’auront que de maigres tentes et des conditions de vie déplorables. Il ne tient alors qu’au joueur de leur fournir les besoins et services essentiels (eau, nourriture, sécurité, hygiène) pour que les maisons évoluent, deviennent plus jolies et confortables, et puissent accueillir davantage d’habitants. À un certain stade, lorsque des ressources plus luxueuses comme le vin et l’huile deviennent accessibles à la population, ces maisons se transforment en palais abritant des patriciens : une classe de citoyens romains qui, bien qu’ils ne participent pas à l’économie active de la cité, versent de généreuses taxes au trésor public.
C’est donc par toutes ces actions que le joueur pourra atteindre les niveaux requis de population, de culture, de prospérité et de sécurité. Il devra aussi maintenir voire augmenter l’appui de Jules César (qui représente une abstraction de l’empereur alors en poste à Rome) envers sa cité. Le souverain envoie périodiquement des requêtes en ressources ou en soldats, que la ville doit satisfaire sous peine de provoquer son courroux. Si jamais le joueur tombe en disgrâce, l’Empereur peut aller jusqu’à envoyer ses troupes pour raser la ville. À cela s’ajoutent des événements aléatoires comme des tremblements de terre, des fluctuations du marché ou des invasions surprises. Et n’oublions pas les dieux romains ! Au nombre de cinq, il faudra les vénérer adéquatement pour obtenir leurs bénédictions… ou risquer de subir de redoutables malus s’ils sont négligés.

La chute de l’Empire romain
Le jeu a été un grand succès à son époque, non seulement pour son ancrage dans l’univers de l’Empire romain, mais aussi pour ses innovations dans le domaine. En plus des maisons « évolutives », Caesar III a introduit, dans le monde du jeu vidéo, les prémices des chaînes de production. On y voit apparaître et se raffiner les concepts d’extraction, puis de transformation des ressources. Ainsi, le bois récolté par les bûcherons servira à la construction de meubles, indispensables pour atteindre le niveau intermédiaire des insulae, ces appartements romains emblématiques. D’autres jeux se spécialiseront par la suite dans la collecte et le raffinement de ressources, pensons notamment à la série Anno.
Mais si les innovations de Caesar III ont marqué l’industrie à l’époque, force est d’admettre que le titre a mal vieilli. Le moteur graphique d’origine rendait pratiquement impossible de jouer sur des machines modernes, la résolution d’écran étant tout simplement exécrable. De plus, le jeu avait du mal à gérer les cartes avec un grand nombre de personnages en simultané, une faiblesse restée problématique même sur des ordinateurs bien plus puissants aujourd’hui.

Et même si vous pouvez vous habituer aux limitations d’une autre époque, ou jouer via une machine virtuelle ou un émulateur, il n’en reste pas moins que bon nombre d’améliorations apportées par ses successeurs sont tout simplement absentes. Pensons, par exemple, aux employés des bâtiments qui parcourent vos rues. C’est un véritable irritant lorsqu’ils partent vers la droite alors que le quartier à visiter se trouve à gauche. Certes, il existe des placements optimaux, mais Pharaoh, successeur de Caesar III, avait permis aux joueurs de prendre le contrôle en offrant la possibilité de bloquer certaines rues aux vendeurs (Pharaoh : A New Era – Le retour d’un grand classique).
Autre absence notable dans Caesar III : les monuments et travaux épiques, de grands projets d’infrastructure aux bénéfices significatifs pour la ville. En toute honnêteté, dans l’état actuel du jeu de base, il aurait été impensable d’écrire une chronique moderne sur le sujet…
Le grand retour de Caesar III : Augustus
… si ce n’était du travail d’amour de la communauté de moddeurs qui ont pris en main le jeu et l’ont ramené au goût du jour. D’abord grâce au travail d’un internaute opérant sous le pseudonyme de Bianca, qui a recréé le moteur graphique en modèle « source ouverte », de telle sorte que Caesar III est désormais jouable sur des ordinateurs modernes. C’est le mod Julius qui permet de retrouver l’expérience originale, la version « vanille », de Caesar III mais fonctionnelle sur nos machines.

Bon, le mod remet au goût du jour les fonctionnalités de Caesar III, mais il ne peut pas faire de miracles. Les brèves séquences vidéo entre les missions ne manqueront pas de nous rappeler l’âge de ce jeu vidéo.
Rendant le jeu désormais modifiable grâce à son accès « source ouverte », la communauté n’allait pas laisser le projet en suspens. Nous avons ainsi eu droit à Augustus, un méga mod développé par une équipe menée par l’utilisateur Keriew, qui propose une refonte complète et modernisée du jeu. Partant des bases de Julius, qui permet de jouer à Caesar III convenablement, il a exploré et continue d’explorer comment ajouter des fonctionnalités et tendre vers le plein potentiel de Caesar III, un potentiel dont on n’aurait pas rêvé il y a 25 ans.
La liste complète des changements qu’apporte Augustus à Caesar III serait trop longue à énumérer ici. Notons toutefois quelques améliorations notables en matière de qualité de vie pour les joueurs : ajout de barrages routiers pour guider les vendeurs, plus d’options d’autorisations ou de refus pour les entrepôts, système de transport de marchandises entre les entrepôts et accès simplifiés aux menus. L’expérience devient beaucoup plus simple et surtout plus moderne en termes de prise en main.
Les moddeurs ne se sont pas limités à améliorer la fluidité du jeu. Des changements importants sont également présents. On peut mentionner d’abord l’ajout d’une campagne alternative avec des cartes plus difficiles, conçues pour mettre au défi les améliorations apportées par Augustus. L’introduction de monuments à construire, comme le fameux Colisée, ainsi que de nouvelles ressources à exploiter et à raffiner, viennent complètement renouveler l’expérience. Sans parler d’une foule de nouveaux bâtiments qui enrichissent les choix du joueur.
Une mention spéciale revient aussi au travail de recompilation des fichiers audio, qui permet de revivre les musiques grandioses et orchestrales du jeu original sur un support de haute qualité adapté à nos ordinateurs modernes. Les voix et les bruits d’ambiance ont également été remastérisés pour une immersion complète, évoquant sans faillir l’atmosphère de 1998.

Panem et circenses
Et ce mod gigantesque est absolument gratuit et ne prend que quelques instants à télécharger et à installer. Il faudra le jeu de base, bien entendu, qui ne se vend qu’une bouchée de pain sur Steam. Le tutoriel pour l’installation est clair, même les moins habiles en matière de mods devraient s’en sortir.
La facilité à maîtriser le jeu et son adaptation aux machines d’aujourd’hui sont sincèrement remarquables. Les ajouts donnent une deuxième, voire une troisième vie au jeu classique tant adoré des amateurs. Les nouveaux défis et les options de personnalisation sauront conquérir les joueurs les plus endurcis de jeux de construction de cité.

Ne boudez pas votre plaisir. Que ce soit une première incursion dans le monde de Caesar III ou un grand retour, plongez dans l’aventure d’Augustus. Si vous êtes un puriste nostalgique du jeu de base, pensez au mod Julius pour une expérience adaptée à la technologie actuelle. Mais pour tous les amateurs de construction de cité, ceux qui ont fréquenté les clubs vidéo et ceux qui sont nés avec Netflix, il n’y a pas de bonne raison de ne pas relancer Caesar III avec Augustus et montrer que vous êtes digne de Jules César lui-même.
J’aime
- Mise à jour du moteur graphique et de la musique d’origine
- Levée des limitations de taille pour les villes et les habitants
- Amélioration et modernisation de la qualité de vie
- Ajout de nouveaux bâtiments, cartes, campagnes et plus
- Caesar III, ce jeu novateur de 1998, de retour en grande pompe
J’aime moins
- Comment se plaindre ? C’est un grand classique, un chef d’œuvre, rendu fonctionnel sur les appareils modernes et actualisé au goût du jour
- Sincèrement, on en aurait pris plus !
La copie de Caesar III a été achetée par l’auteur (en plus de quelques locations à la fin des années 90). Le mod, lui, est totalement gratuit.
Caesar III : Augustus
Scénario
Graphisme
Bande sonore
Jouabilité
Durée de vie
Quae sunt Caesaris, Caesari
Caesar III : Augustus donne une nouvelle vie au grand classique en permettant non seulement de revivre l’expérience originale, mais également en l’améliorant, notamment en ce qui concerne la qualité de vie des joueurs. Bâtiments supplémentaires, missions alternatives, nouveaux menus et ajout d’événement, ce mod saura plaire aux plus expérimentés des gestionnaires de cité aux nouveaux venus, à la recherche d’un défi original.