L’un des créateurs les plus populaires du monde des jeux de société est sans aucun doute Uwe Rosenberg. Connu principalement pour son style hermétique et très Euro, il connait coup sur coup des succès à chaque nouvelle sortie. Son trio fétiche, constitué de Agricola, Le Havre et Caverna, figure encore aujourd’hui parmi le top 40 de BoardGameGeek. Il n’est toutefois pas à l’abri des critiques : plusieurs lui reprochent de réutiliser sans cesse les mêmes mécaniques dans ses jeux. Le placement d’ouvriers, l’accumulation de ressources, la conversion de ressources en biens… toutes des mécaniques que l’on retrouve dans chacun de ses plus grands succès.
À la gloire d’Odin n’y fait pas exception. Qu’on soit clair : ce jeu est sans doute la plus grande exacerbation de toutes ces mécaniques. Il comporte plus d’espaces d’ouvriers que vous pouvez en compter. Il est basé sur la conversion de ressources en toutes sortes de biens. Rosenberg y a même intégré ce qui a fait le succès des Patchwork et compagnie, c’est-à-dire le placement de tuiles. Et encore une fois, il l’exacerbe : un plateau de joueurs bondé de cases à couvrir par des tuiles, des bâtiments supplémentaires et des îles entières à couvrir… Si vous adorez déjà Rosenberg, pas besoin d’aller plus loin : ce jeu est pour vous.
- Nombre de joueurs : 1-4
- Durée : 30-120 minutes
- Auteurs : Uwe Rosenberg
- Éditeur : Z-Man Games (Filosofia pour la version française)
- Année : 2016
Mais pour nous, qui ne sommes pas des inconditionnels, que nous prépare À la gloire d’Odin ?
Tu aimes placer des ouvriers ?
En 2014, Terres d’Arle proposait une formule vraiment intrigante : un jeu à deux joueurs comprenant un plateau avec plus d’une trentaine de cases disponibles pour placer les ouvriers. Aucun risque de se bloquer, n’est-ce pas ? Et pourtant… Cette fois, Rosenberg double la mise. Une soixantaine d’espaces de jeu, répartis en quinze catégories et quatre colonnes. On voit que l’auteur mise sur la complexité, puisque c’est exactement ce que ça prend pour plaire aux adeptes de « sandbox ». Tu veux accumuler des ressources ? Tu as des dizaines de manières de le faire. Tu veux convertir des biens ? Tu peux transformer un bijou en vêtement comme par magie ! Tu veux immigrer, acheter des terres, combattre, chasser, pêcher ? Tout ça est possible. Définitivement, Uwe Roserberg pousse ici la mécanique à son plus élaboré.
Le déroulement et la longueur du jeu n’en sont toutefois pas trop affectés (qu’on me comprenne bien, une partie à trois ou quatre joueurs dure deux heures minimum). La partie se déroule sur six ou sept rondes, où tous les joueurs obtiennent un ouvrier supplémentaire à chaque nouvelle ronde. Avec la quantité de contenu, chaque ronde nécessite un total de douze phases. Pour la plupart d’entre elles, ce n’est que de la régulation classique de partie. On gagne des ressources, on obtient le revenu, les animaux se reproduisent, on enlève des tuiles, on en ajoute d’autres, on paie la nourriture… C’est véritablement la phase des actions qui prend la majorité du temps de jeu. Le joueur y place de un à quatre ouvriers sur une case d’action, puis la résout. Ensuite, on passe au suivant et on répète jusqu’à ce qu’aucun joueur n’ait d’ouvrier restant.
Inspiré de Patchwork ?
Comme je le mentionnais, À la gloire d’Odin se place en continuation directe avec les Agricola et Caverna qui le précèdent, mais également avec le petit Patchwork (et son successeur Cottage Garden). Rosenberg intègre le placement de tuiles à la manière d’un casse-tête. Encore une fois, les tuiles servent surtout à annuler la perte de points causée par les espaces non remplis. Les joueurs sont donc amenés à vouloir les pièces qui couvrent le plus d’espaces, tout en demeurant vigilants quant aux règles de placement. Là encore, l’auteur a mis le paquet. En plus des quatre-vingt quelques espaces à couvrir sur notre plateau de départ, on peut se procurer jusqu’à quatre îles, dont certaines qui ont plus de 30 espaces (je n’ai pas compté, mais croyez-moi, il y a du stock à couvrir), ainsi que des villages supplémentaires également à couvrir. Vous aimez Tetris ? Vous serez servi.
Heureusement (ou malheureusement, pour certains), Rosenberg met à notre disposition seize sortes de biens qu’il est possible d’utiliser pour recouvrir ces tuiles. Des bijoux, des vêtements, des accessoires de maison… tout pour occuper de l’espace. Et c’est sans compter les trésors qui sont mis à la disposition de tous. Vous voulez un beau chandelier ou une magnifique couronne ? Encore une fois, c’est possible avec À la gloire d’Odin. Ou encore les cartes d’objectifs, qui donnent une direction à la partie, mais impliquent tout autant de symboles à interpréter et analyser (certaines cartes offrent même des pouvoirs passifs qui demeurent pour toute la partie). Ah, et j’allais oublier : on peut s’acheter des bateaux, qui peuvent nous servir à pêcher à l’aide d’un dé, coloniser des îles ou immigrer pour marquer des points.
Ça vous semble compliqué ?
Bon, je passe un peu vite sur tout ce que le jeu offre. Il faut dire qu’il y en a tellement. Ajoutez le besoin de nourrir les ouvriers, la gestion du revenu à chaque tour, le nécessité de s’assurer de récolter quelques ressources dans les montagnes… et vous avez un jeu complexe. Personnellement, ça ne me dérange pas. Même que ça me plait bien. Mais je suggère fortement de se familiariser avec les autres jeux de Rosenberg au préalable.
Aussi, l’explication des règles est longue, très longue… peut-être jusqu’à 45 minutes. Soyez avertis : ce n’est ni pour les débutants, ni pour les impatients. Par contre, une fois entamé, le jeu est extrêmement fluide. Certains seront peut-être submergés par toutes les options, mais en général, j’ai remarqué que les joueurs n’avaient pas trop de difficulté à choisir quand leur tour venait. Avec tant de choix, il y en a toujours un qui nous semble bon. La paralysie analytique peut se présenter à quelques reprises, mais moins qu’on pourrait le croire. Pour les optimisateurs absolus, par contre, ce sera une torture ; vous ne pourrez pas évaluer toutes les possibilités !
Appréciation générale
Je ne vous ai pas parlé du thème. La raison est simple : il n’y en a pas vraiment. Oui, on chasse et on pêche. Oui, le look fait « viking ». Il y a des chapeaux à corne, des drakkars, des références aux voyages vers le Groenland et Terre-Neuve. Mais ça pourrait être bien d’autres choses. Avant tout, ce sont les mécaniques qui ressortent. Si vous aimez les histoires et l’immersion thématique, ce n’est pas pour vous. Par contre, si vous aimez réfléchir, analyser, optimiser, organiser, prévoir et surtout essayer toutes sortes de stratégies, À la gloire d’Odin saura vous occuper pour longtemps.
Vous l’aurez donc compris, je ne recommande pas ce jeu pour les familles ou pour les non-initiés. En fait, même pour les plus stratèges, je crois que À la gloire d’Odin est plus niché qu’il n’y parait. En voulant intégrer toutes ses mécaniques favorites, Rosenberg a créé un monstre. On doit aimer toutes sortes de mécaniques différentes pour réellement apprécier ce jeu. Pour moi, c’est parfaitement réussi. Mais je vois très bien comment il aurait pu en être différent. Je conseille fortement de s’informer plus précisément que je ne l’ai fait sur les règles et le déroulement d’une partie : cela vous permettra d’écourter un peu la phase d’explication et vous sauver une partie potentiellement décevante.
Page officielle chez Z-Man Games | Page chez Asmodee France | Page BoardGameGeek
À la gloire d'Odin
Graphisme
Matériel
Thématique
Mécanique
Plaisir
Élaboré
Sans surprise, le thème n'est pas particulièrement présent. Par contre, pour les amateurs de sandbox, ce n'est pas un problème : les mécaniques sont nombreuses et bien ficelées. Les stratèges en auront pour des heures à s'amuser !