Twitter s’est libéré de sa cage des 140 caractères pour prendre un nouvel envol potentiellement stratosphérique. En effet, bien que ce nid de gazouillis ne battait pas nécessairement de l’aile, les derniers mois de travail ont laissé place à l’éclosion d’une expérience médiatique largement bonifiée.
Dans le cadre d’une récente discussion de presse tenue à Montréal, le directeur de gestion chez Twitter Canada, Rory Capern, a étalé ce qui a gardé son équipe occupée depuis un peu moins de deux ans. Voici le portrait à vol d’oiseau.
Un peu plus haut
Le nombre d’utilisateurs n’a qu’augmenté durant les 15 derniers mois. Non seulement cela se poursuit, mais le taux de croissance lui-même croît. Les trois premiers mois de l’année ont vu les utilisateurs quotidiennement actifs de la plateforme augmenter de 14 %. Et d’un janvier à l’autre avant cela, on a comptabilisé pas moins de 1,3 million d’utilisateurs canadiens s’étant nouvellement inscrits en 2016.
Du côté des impressions, elles ont régressé de 3 % il y a un peu moins d’un an, perte qui a été largement essuyée à la fin de l’année avec une hausse de 11 %. Plus encore, selon les données de ComScore, 62 % des utilisateurs Twitter auraient montré quelque chose provenant de la plateforme à un ami dans la dernière semaine. Aussi, 69 % de tous les internautes au pays voient du contenu provenant de Twitter chaque mois en moyenne. Ainsi, aujourd’hui au Canada, le réseau social interagit d’une façon ou d’une autre avec pas moins de 12,6 millions d’utilisateurs mensuellement.
Plus concrètement pour les utilisateurs, Twitter a lancé à ce jour une quarantaine de partenariats avec divers médias d’information, de divertissement et autres générateurs de contenu. Une part remarquable de ce changement de cap est l’apparition assez récente des diffusions vidéo en direct de toutes sortes d’événements et de contenus.
Toujours plus haut
Ainsi, Twitter en avait probablement marre d’être résumé à ses 140 caractères. On mise sur le contenu, l’information, le divertissement, sur ce qui se passe.
La NFL a déjà diffusé sur le réseau quelques parties. Live Nation a fait de même avec des concerts de musique. On s’est aussi associé de diverses façons avec les Country Music Awards, les Golden Globes, les tournois de la PGA, La Voix, les Canadiens de Montréal, Just For Laughs et Bell Cause.
En bref, Twitter a vu son audience s’envoler et son influence grandir. Elle perce plus fréquemment tout le web et s’invite sur une base régulière à la télévision et dans les journaux.
D’où sort ce nouveau décollage ? D’un repositionnement prononcé, une plateforme et une expérience utilisateur revue et une augmentation/diversification de l’offre médiatique, tous précédés d’une vaste recherche sur ses propres utilisateurs.
Peut-être que quelques facteurs externes hors de contrôle se sont invités aussi (plus sur ceci un peu plus loin, mais je suis sûr que vous avez un individu en tête). Regardons de plus près ce à quoi Twitter s’est adonné ces deux dernières années.
Twitter, c’est l’oiseau bleu qui sert à… ?
C’est ici que le problème origine : alors qu’environ 9 personnes sur 10 prises au hasard dans la rue associeraient avec succès le logo de l’oiseau bleu à Twitter, bien peu de gens arrivaient correctement à énoncer ce à quoi sert précisément la plateforme, en quoi elle diffère des autres lieux de jasette 2.0 de ce monde. En d’autres mots, la reconnaissance de la marque est très forte, mais on ne lui connaissait aucune utilité qui faisait consensus, même parmi les utilisateurs, les partenaires, les annonceurs et les équipes internes de Twitter. Tout le monde avait une réponse qui allait différer de la suivante.
Manifestement, on avait là un problème d’identité, d’essence. C’est à ce moment que l’organisation se met en mode recherche sur ses utilisateurs. Beaucoup de recherche. Il y avait là tout un monde entre l’utilité (ce à quoi le réseau sert officiellement, en fonction de quoi il a été pensé) et l’utilisation (ce qu’en font réellement les utilisateurs, sans égard nécessairement à son utilité officielle).
Ce qui se passe là, maintenant, en ce moment même, dans ma communauté et dans le monde – pas chez l’autre
Le principal insight, ou plutôt la croyance qui a été renforcée est que les utilisateurs apprécient la plateforme principalement pour savoir ce qui se passe à un moment précis dans sa communauté ou ailleurs. Peut-être pas la révélation du siècle, en effet, mais en marketing ce qui est évident dans la tête d’un utilisateur donné est peut-être un angle mort pour l’entreprise elle-même. C’était ce qui se démarquait un peu plus du reste.
Mais il y a plus : on veut savoir ce qui se passe ici ou ailleurs de manière générale par opposition à ce qui se passe chez nos amis. Facebook, Snapchat et Instagram ne peuvent se targuer de répondre aussi habilement à ce besoin de sortir de son entourage (on doit être « amis », ou accepter un abonnement, les publications sont souvent privées, etc.). Dans le champ des gazouillis, nous sommes moins dans le « regardez-moi donc ! » que dans le « regardez ça ! ».
Une typologie probablement perfectible et partiale des réseaux sociaux, mais non moins intéressante
À ce titre, les gens de Twitter Canada ont même imaginé le quadrant suivant pour expliquer la typologie des plus populaires réseaux sociaux de l’heure et en quoi le réseau est, selon eux, à peu près le seul à combler un des quatre quadrants :
L’axe vertical correspond au degré d’intimité de l’utilisation d’une plateforme donnée, si vous montrez ce que vous y faites à vos amis. On retrouve Google au bas, puisque vos recherches Google, vous préférez probablement les garder pour vous. L’axe horizontal traduit quant à lui si le sujet d’un contenu est un utilisateur lui-même ou quelqu’un/quelque chose d’autre.
Bien entendu, il s’agit d’un point de vue, et Twitter n’est probablement pas aussi seul dans son créneau que l’organisation l’affirme, mais il est manifeste que les autres gros joueurs de l’heure se font compétition entre eux dans un tout autre quadrant.
Nouvelles, divertissement, sports, amusement
En fait, l’oiseau bleu viendrait peut-être de se glisser quelque part entre Reddit et YouTube. Le premier pour la réorganisation de son interface surtout, la mise en avant de contenus, de nouvelles et de divertissements venant d’un peu partout et les interactions illimitées avec d’autres personnes d’un même intérêt, sans devoir se connaître ; le deuxième, pour sa diffusion vidéo (évidemment), mais aussi ses diffusions en direct. Bloomberg vient d’ailleurs tout juste de lancer la première chaîne de diffusion 24/7 de Twitter.
À la différence de ces deux réseaux sociaux, Twitter n’offre pas une infinité de thèmes pour son volet plus informatif. On s’en tient pour l’instant aux nouvelles générales, au divertissement, aux sports puis au strictement ludique.
« Pourtant, je n’ai pas remarqué de changement dans la plateforme ? »
Le fil régulier de gazouillis de vos abonnements, soit la page d’accueil, n’a quant à lui pas vraiment changé. Pour observer tout ce dont il vient d’être question, il faut au moins être en mode recherche pour le mobile, cliquer sur les « Moments » pour les appareils fixes ou choisir un mot-clic dans les deux types d’appareils. Les diffusions vidéo en direct sont habituellement promues aussi à côté du fil régulier et en mode recherche sur mobile, entre autres.
Pas certain que tous aient observé ces améliorations non plus. Sans doute la page d’accueil (le fil des Tweets) est-elle appelée à devenir la page des « Moments » (nouvelles et divertissement de toutes sortes) éventuellement, pour pallier à ce problème.
Gazouilleur compulsif
Évidemment, en ce qui concerne la croissance de l’audience puis de l’influence de plateforme, l’initiative de Twitter n’explique peut-être pas tout. À lui seul, le type élu à la présidence du pays au sud de la frontière donne vraisemblablement un sacré coup de pub à la plateforme depuis plusieurs mois. De l’aveu même de la haute direction de Twitter inc., Trump lui serait fort bénéfique.
Il sera intéressant de voir où en sera Twitter dans les prochaines années suite à ce grand repositionnement de la marque et de son offre. Pour la suite des choses, on nous dit que le réseau social en est à combattre les faux comptes et les fausses nouvelles. Au rythme actuel de la twittosphère, c’est-à-dire un demi-milliard de gazouillis par jour, l’entreprise entend certainement aiguiser son intelligence artificielle pour accélérer le nettoyage de ces mauvaises herbes, mais du coup admet également mobiliser beaucoup de ressources humaines en matière de détection et de validation. Pareillement, l’entreprise travaille également à éviter que des utilisateurs se retrouvent devant des contenus inappropriés.