Je sais, je sais, pogner la trentaine, ça fait mal. D’un autre côté, t’as toujours eu l’air d’un bonhomme de 40 ans qui porterait la plumbers crack avec fierté, donc je ne sais pas à quel point t’es affecté.
M’enfin.
Cela dit, pour te remonter le moral au cas où tu serais vraiment depress, je vais te rappeler la fois où tu m’as fait vraiment péter ma coche.
Je sais, je sais, je n’ai pas été ton ami le plus fidèle, mais j’étais là la plupart du temps quand tu te montrais le bout du nez. En plus, je suis sûr que tu te rappelles à quel point j’étais énervé quand tu as eu la brillante idée de mettre de côté ton beef avec Bowser (2Pac et Biggie auraient dû suivre l’exemple. M’enfin.) et d’appeler tes copains chez Square, question de vous faire une grosse fiesta, RPG style.
Là tu savais que tu gagnerais mon cœur, hein, mon coquin ! En plus, t’as gagné ton pari. Tes patrons ont bien fait de faire confiance à Square, les gars sont des génies. Tu sais de quoi je parle, hein. Des jeux malades comme FF3, Chrono Trigger, Xenogears ou FF Tactics, y’en mouillent pas et, pourtant, grâce à cette judicieuse collaboration entre deux géants du jeu vidéo, Super Mario RPG – Legend of the Seven Stars siège non seulement au sein de mes RPG favoris, mais également au sein de mes jeux favoris tout court.
C’est tu pas un compliment, ça ?
Pourtant, c’est aussi au cours de cette glorieuse aventure que tu m’as le plus fait pogner les nerfs. Tu te rappelles quand on est parti explorer le Sunken Ship et qu’on devait trouver le mot de passe pour enfin rencontrer King Calamari ? Tous les indices laissaient supposer que le bon password était « Pearl », mais non, ce mot n’as que cinq lettres et ton tab… de mot de passe en contient six.
À cette époque, c’était facile de voir mon état de frustration évoluer. T’avais juste à compter les emballages de Werthers Original et les boîtes vides de jus Oasis qui s’accumulaient sur le plancher (oui, des bonbons au beurre pis du jus de pomme. J’avais 14 ans, donne-moé un break !), et cette journée-là, j’aurais pu passer pour un hoarder.
Pis comme t’as eu la brillante idée de te lancer dans cette quête en 96, on ne pouvait pas vraiment faire comme Kid numérique et vérifier sur les internets ! Non, on était des guerriers, nous autres ! Dans notre temps, on allait au magasin de jeux, on regardait son listing de magazines, qui traînaient par centaines dans des boîtes, et on espérait en trouver un qui parlait du jeu désiré. Surtout, on espérait en trouver un qui parlerait du bout problématique.
J’abdique après avoir passé une bonne partie de la journée à chercher ma réponse dans cette boutique, quand, finalement, le dude au comptoir décide d’arrêter de lire et de me demander si j’ai besoin d’aide.
Je lui explique que toi et moi, on est coincé, qu’on voudrait bien aller faire un petit bonjour au King, tsé. Pis là le crapet (sérieusement, il n’était vraiment pas charmant. Ça fait 20 ans pis son visage hante encore mes cauchemars !) me lance un : « Ben là, la réponse c’est PearlS, c’est évident, non ? »
Je sais, je sais, j’aurais dû y penser que d’ajouter un « S » pouvait faire toute la différence, mais tu ne m’as pas aidé ben ben non plus, hein ? Je me revois encore pogner un tic dans l’œil gauche quand le commis à la face de Freddy Kruger m’a dit ça.
Tic que j’ai toujours grâce à toi.
M’enfin.