L’année dernière, lorsque j’ai interviewé dj-pretzel, le fondateur du site et de la communauté OverClocked Remix, vieille d’au moins 20 ans, je lui avais demandé quels jeux faisant le plus l’objet de demandes spéciales pour la reprise de sa musique. Sans détour, sans même avoir parlé du jeu en question précédemment, il me répond : « Hé bien, tout le monde aime Chrono Trigger… »
Le musicien, compositeur et co-fondateur de l’orchestre Video Games Live créé en 2005, Tommy Tallarico, jasait aussi lors du passage du groupe à Montréal il y a plusieurs années que les chansons leur étant les plus demandées n’étaient pas celles de Super Mario, ni de The Legend of Zelda, mais bien celles de Chrono Trigger.
On suppose donc que plusieurs seront ravis d’apprendre que le célèbre RPG de la fin des années 1990 fait l’objet d’un énième hommage. Mais cette fois-ci, avec l’album EPOCH, on a (vraiment) monté la barre.
Car, en effet, les pièces de Chrono Trigger du compositeur Yasunori Mitsuda ont été reprises des milliers de fois. Mais là, on vient de voir paraître ce qui est probablement le plus grand hommage sur album avec EPOCH. 60 pièces s’étirant sur pas moins de 3 heures 40 minutes et ayant requis, me dit-on, le travail d’environ 200 musiciens.
L’album EPOCH qui joue dans la cour des grands
Cet album se compare très bien à un autre exercice similaire datant de quelques années, soit Balance and Ruin, un album de cinq disques reprenant Final Fantasy 6, par OverClocked Remix.
Il n’y avait pas tellement de directive ni contrainte émises aux artistes de la part des producteurs Jeff Brenneman et Daniel Romberger. Par conséquent, on y retrouve une belle variété de styles : jazz, acoustique, musique de chambre, électronique, rock, métal, rap, et même de la chanson, une comédie musicale et une chorale.
Il y avait bien sûr certaines considérations de qualité. « Par exemple, un groupe travaillant sur une pièce, seraient-ils en mesure de bien livrer, dans un style qui se tient ? », dit Daniel.
Mais outre cela, ce qui se retrouve dans l’album, « c’est pas mal n’importe quoi que les musiciens étaient le plus intéressés à créer. »
Les reprises des musiques de jeu bonifiées de chants originaux sont plutôt rares. L’une des raisons, un producteur m’a-t-il déjà dit lors d’une entrevue passée, est que ça ne fait pas du tout l’unanimité dans le milieu.
Voici d’ailleurs une pièce fort originale reprenant une scène du jeu dont tout le monde se souvient : le procès.
On vise la créativité et l’éclectique plus que la directive
Le seul souhait rattaché au projet d’album du collectif Materia Collective est qu’on puisse y entendre des versions musicales jusqu’ici jamais entendues, insiste Jeff. Comme on l’a dit plus tôt, la trame sonore du jeu a été reprise abondamment.
« Chrono Trigger est saturé dans la communauté VGM (ndlr : musique de jeux vidéo). Nous espérions vraiment entendre des idées fraîches, et je pense qu’on a eu énormément d’idées fraîches ! On a aussi des favoris plus classiques, et on les adore, mais on a donné plus de poids aux idées plus créatives », ajoute Jeff.
On fait ce qu’on aime
Mais quand même, pourquoi se lancer dans ce projet, même si le jeu est « saturé » en termes d’hommages musicaux ?
« Parce que c’est mon jeu préféré de tous les temps et je l’adore en mautadit (traduction très libre mais juste). » Le choix du jeu était juste manifeste. « Je n’en avais pas grand chose à faire qu’il ait déjà plusieurs albums de Chrono Trigger déjà disponibles. »
On a bien fait de lui donner le bénéfice du doute. Même si on n’accroche pas à toutes les pièces, l’album en contient suffisamment pour qu’un réel amateur de Chrono Trigger y trouve son compte.
La piste ci-bas par exemple s’attaque à la pièce la plus intrigante, voire angoissante du jeu. Jordan Chin est d’ailleurs l’un des deux producteurs derrière LAUNCH, l’album hommage à StarCraft du même collectif.
String Player Gamer, un grand habitué de Materia Collective, reprend une pièce qu’il a lui-même déjà fait antérieurement. On y a ajoute toutefois un élément rap.
On a aussi droit à une belle chorale que ceux et celles qui ont réellement complété le jeu reconnaîtront.
Enfin, non sans ironie, le thème de Robo est repris ici avec une surenchère d’auto-tuning et dans un style qui fait un peu trop penser au Daft Punk récent. C’est probablement plus comique qu’autre chose.
EPOCH : un énorme projet qui n’a pourtant requis que quelques mois de production
Comme c’est toujours le cas avec Materia Collective, mais aussi pour les autres collectifs VGM, l’album a dû être proposé à un comité de sélection. Il revient ensuite aux producteurs du projet sélectionné d’entamer un second processus quant au choix des pièces soumises par les artistes.
À 60 pistes, donc quelques dizaines d’artistes, ce n’est pas rien à gérer. Malgré tout, le processus de production n’a duré que cinq ou six mois. En fait, Jeff me dit qu’il a probablement passé plus de temps à mettre en place et peaufiner des documents Google Sheets qu’à travailler à la programmation des pièces de l’album.
Pour acheter ou écouter l’album EPOCH, c’est par ici, pour toutes les plateformes possibles.