La semaine dernière, Geekbecois était de passage à la deuxième édition du Forum numérique qui se tenait à l’UQAM les 23 et 24 mars. Il s’agit d’un colloque académique interdisciplinaire réunissant les différentes facultés sous le thème du numérique. Des chercheurs et des candidats des cycles supérieurs y ont exposé leurs projets de recherche en cours.
Parmi les problématiques de recherche présentées, en voici quatre ayant retenu notre attention.
1. Nous sommes nombreux à ne pas pouvoir différencier un réel article journalistique d’une « publicité native »
La publicité native consiste en une publicité imitant la forme et l’apparence d’un article du site web, du blogue ou même du média imprimé retenues pour l’annonce. Par exemple, voici un article légitime et voici un article publicitaire du même blogue.
Une publicité déguisée en nouvelle ou en chronique, finalement. Celle-ci contient habituellement une mention minimale comme « publication commanditée ». Généralement, on n’en compte pas des tonnes sur un site web ou blogue donné.
Cette forme de publicité existe depuis plusieurs années déjà. À priori, nous n’avons pas l’impression ici de vous apprendre trop de choses. Une publicité sous forme d’article, avec une mention spéciale prévenant l’internaute de la nature publicitaire de l’article. On n’a qu’à l’éviter si ça nous embête. Surtout si ça donne un bon coup de main financier au média qui en a probablement besoin. Or, le chercheur Dany Baillargeon ébranle un peu notre préjugé ici. Dans une étude menée auprès d’universitaires âgés de 18-35 ans à Stanford en Californie, plus de 80 % des cobayes n’ont pas différencié le contenu commandité des articles authentiques, malgré la mention « Sponsored content » en tête de l’article en question.
Imaginez lorsqu’on s’assure que ce soit le moins clair possible. Parfois, on ne le mentionne juste pas. Le seul indice dans ce cas-ci, par exemple, est que le journaliste s’appelle Reebok. Beaucoup de personnes partagent des articles sans les lire. Beaucoup d’autres lisent le titre puis l’article en diagonale ou sa moitié. Le nom de l’auteur(e) de l’article ? N’y pensons pas.
Un marché de plus en plus lucratif
L’approche porte probablement ses fruits, car le seul marché de la pub native s’élevait à 9 milliards $ en 2015 et on prévoit parler de 28 milliards $ en 2018. Évidemment, on pourra blâmer les bloqueurs de publicité, ou le fait que les gens ne veulent plus tellement payer pour leur information. Certains médias, surtout ceux très branchés, en font le centre de leur modèle d’affaires. Mais des médias plus sérieux s’y adonnent aussi, beaucoup plus sélectivement toutefois.
Peu de médias ont le luxe de s’en passer catégoriquement, sans doute. C’est peut-être un bon compromis. Si vous vous demandiez, ce blogue n’en contient que très peu et dans un but de transparence, nous tentons de bien l’indiquer lorsque c’est le cas.
2. Télétravail : impacts sur les conditions de travail et les relations entre collègues
Dans l’étude de cas d’une organisation dont une équipe opère en télétravail, la doctorante en communication Lucie Enel a pu dégager à ce jour des avantages et des inconvénients clairs du télétravail. Certains sont moins intuitifs, et d’autres pourraient vous confirmer si vous seriez à l’aise de vous convertir au travail à distance.
Il s’agit d’une étude de cas dans une seule organisation, et les résultats pourraient varier d’une organisation ou d’un secteur d’activité à l’autre. N’empêche, les trouvailles quant aux conditions de travail sont assez concrètes. Dans le plus négatif, on note une intensification du travail. En effet, l’urgence permanente de toute demande, l’absence de pauses formelles, l’imprévisibilité des temps morts et la gestion très proactive des boîtes courriel nécessairement plus sollicitées nuisent au contraire à la flexibilité qu’on associe pourtant souvent au télétravail.
On a également observé des tensions entre les travailleurs du bureau en question et l’équipe œuvrant à distance. Les premiers tendent à moins reconnaître le travail des seconds.
Des avantages indéniables à ne pas se croiser quotidiennement
Plus positivement, on note des marques d’attention agréables et des plaisanteries dans les communications informelles, l’existence de réseaux d’amitié attribuable à un recrutement davantage par référence et une flexibilité accrue des remplacements. Le roulement de personnel est bas, on apprécie l’accessibilité en tout temps aux collègues et le sentiment d’appartenance est réel malgré la distance.
De plus, l’absence d’interaction en face à face semble libérer les travailleurs à distance des conflits propres au bureau physique et favoriser un climat de bonne humeur. « Vu qu’on est loin, on est toutes proches parce qu’il n’y a pas vraiment de chicanes vu qu’on ne se voit pas, » expliquerait un télétravailleur. Cette harmonie plus constante entre ces travailleurs distants serait davantage attribuable au manque d’interactions en face à face qu’à l’absence réelle de désaccords.
3. Inégalités… des habiletés numériques
On a beaucoup parlé des inégalités de revenus ces dernières années. On parle maintenant aussi des inégalités de la joie de vivre. Enfin, on a pu parler des inégalités numériques des enfants à l’occasion du Forum numérique.
Et qu’est-ce qui favorise ces inégalités d’habiletés ? C’est-à-dire l’accès, la distribution des connaissances numériques, en d’autres mots la maîtrise des outils, des appareils, des langages, des logiciels ? Il y a beaucoup de facteurs, parmi lesquels on trouve des coupables qui ne surprennent pas trop.
Il y a évidemment le milieu socioéconomique de l’enfant. Parmi les facteurs externes à l’élève, il y a le revenu familial, le degré de scolarité des parents, l’intérêt du foyer pour les appareils et outils numériques et donc la disponibilité de ceux-ci chez soi. La géographie y est pour beaucoup aussi, les milieux ruraux étant bien moins souvent desservis. La responsabilité liée à l’infrastructure, le rôle de l’État et les incitatifs des entreprises privées varient assez pour marquer des différences sur les habiletés d’une région à l’autre.
Les garçons ne sont pas plus intrinsèquement habiles que les filles
Outre certains facteurs, la différence entre les genres est quant à elle incertaine. En effet, la littérature scientifique est partagée sur ce. Plusieurs études observent des variations en faveur des filles, mais plusieurs autres n’en observent pas. Peu d’autres concluent en faveur des garçons. Par contre, les filles déclarent un niveau d’intérêt moindre, des croyances moins positives et un sentiment de compétence moins élevés. Ce dernier aspect est d’ailleurs communément observé dans presque n’importe quel autre domaine.
À toutes ces couches de variables, on redoute aussi l’influence des croyances et perceptions des enseignants. Dans leurs pratiques pédagogiques, on observe, sans surprise, une influence déterminante sur les habiletés numériques dans la littérature.
« Compte tenu de ceci […] si les perceptions des enseignants sont trop « optimistes » et ne prennent pas en considération les inégalités numériques, le risque est probablement qu’ils ne prendront pas la peine de développer les compétences des élèves avec les TIC, car ils ne jugeront pas que ce soit nécessaire de le faire (alors que les études nous démontrent bel et bien que les jeunes en ont besoin), » explique Dominic Chartrand, candidat à la maîtrise en didactique des langues. En d’autres mots, on estimerait un peu trop que les enfants se situent tous au même niveau et à un niveau excellent. On assume qu’ils sont tous nés là-dedans, sans égard aux multiples facteurs externes mentionnés plus haut.
4. Cartographier tous les jardins urbains du Grand Montréal… mais vraiment tous
Depuis quelques années, un important projet de cartographie des jardins urbains de Montréal est en marche. À la veille d’une refonte, le site et la base de données Agriculture urbaine Montréal récolte (sans jeu de mots) ses informations de diverses façons : sondages, données publiques, images satellites, réseaux sociaux, autodéclaration via un formulaire en ligne et des sondages, même. Tout un travail de programmation, de nettoyage de données. Le projet est coordonné par le professeur associé Eric Duchemin de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM et directeur du Laboratoire sur l’agriculture urbaine.
De toutes ces données, on espère éventuellement mesurer des variables comme les taux de productivité et les dollars générés par pied carré. Le site en est toutefois encore à collecter des données et à travailler à ce dont toutes les sources de données se parlent. Les développeurs n’en sont pas encore à analyser les données puisque le portrait est encore incomplet.
N’empêche, Agriculture urbaine Montréal a déjà servi de modèle direct pour la région de Paris et l’Île-de-France et Toronto.
Si vous entretenez une quelconque sorte de jardin dans votre cour ou ailleurs sur le territoire, vous pouvez vous-mêmes l’inscrire dans la base de données, peu importe sa superficie. Soyez rassurés d’ailleurs, le site web ne diffuse pas la localisation trop exacte, se gardant une petite gêne. Les administrateurs filtrent aussi les inscriptions pour en assurer l’authenticité.
Le Réseau de recherches sur le numérique
L’événement organisé par le Réseau de recherches sur le numérique en était à sa deuxième édition. C’était l’occasion de se familiariser avec plusieurs projets de recherche en cours mêlant le numérique aux sciences de l’éducation, la communication, les sciences environnementales, la philosophie et la politique internationale, parmi autres choses.
L’organisation accepte de nouveaux chercheurs pour augmenter ses rangs. Il ne s’agit pas tant d’un centre de recherche mais bien d’un réseau interdisciplinaire de chercheurs partageant cet intérêt de recherche pour le numérique dans le cadre de leur discipline respective.