Le DreamHack, le plus gros événement de sport électronique et de jeux vidéo, était à Montréal la fin de semaine dernière. Pour sa troisième édition, l’événement avait lieu cette année au Stade olympique de Montréal. Pour la première fois de sa jeune histoire, les organisateurs ont utilisé les services d’une porte-parole. Qui de mieux que la pionnière au Québec dans le sport électronique et quintuple championne du monde de CS:GO, Stéphanie Harvey pour occuper ce poste ?
Voilà un peu plus de cinq ans que votre humble serviteur suit cette personnalité publique à travers les différents médias sociaux. Geekbecois était présent comme média lors de l’événement, ce qui nous a permis de demander et d’obtenir une entrevue avec la porte-parole. C’est donc dimanche matin, dernière journée de l’événement, que nous avons rencontré Stéphanie pour discuter avec elle de son rôle de porte-parole, de sa saison d’esports, de son influence dans le milieu et de son avenir.
Une rencontre sans artifice
C’est tôt dimanche matin dans la salle des médias que nous attendait une Missharvey sans maquillage, sans flafla, à la fin d’une semaine très chargée. Elle a gentiment pris le temps de répondre à nos quelques questions.
Pour ceux et celles qui ne la connaissent pas encore, Stéphanie Harvey est originaire de Beauport dans la région de Québec et joue à des jeux vidéo depuis son jeune âge. Elle a découvert le jeu CS:GO pour se faire inviter à son bal par un gars. En s’intéressant à ce jeu, elle ne pensait pas sûrement pas à la carrière qui l’attendait. Cinq fois championne de Counter-Strike : Global Offensive, elle a été nommée dans le passé parmi les personnes les plus influentes âgées de moins de 30 ans par le magazine Forbes. Elle a également remporté le titre de l’émission Canada’s Smartest Person et le titre de personnalité de l’année par ICI Québec en 2017.
Une porte-parole hors-pair
Missharvey est la première porte-parole pour le DreamHack et elle a accepté le poste pour plusieurs raisons. Évidemment, il fallait d’abord que ceci puisse s’intégrer dans son horaire fort chargé. Son agent lui a certifié qu’elle pouvait le faire lors de cette fin de semaine et que ce serait bon pour elle. Évidemment, elle le fait aussi parce que les compétitions de BYOC (Bring your own computer), les LAN et le DreamHack lui tiennent à coeur. Ce qui a du sens, car c’est dans ces événements qu’elle a commencé sa passion. Elle était très contente d’avoir accepté le rôle de porte-parole, parce que selon elle l’événement a été un succès sur toute la ligne.
Et les chiffres sont là pour le démontrer, tous les billets du samedi pour les spectateurs avaient été vendus. Le dimanche matin, l’organisation avait déjà doublé ses ventes face à l’an dernier. Les commentaires de CS Group étaient que c’était le meilleur DreamHack open au monde et les joueurs du BYOC abondaient dans le même sens.
Stéphanie dit qu’uniquement quatre personnes, des anciens étudiants de l’ETS, planifient et organisent à temps partiel cet événement durant l’année. Ce sont les mêmes quatre personnes qui organisent l’annuel rassemblement du LAN ETS. Selon ses propos, c’est leur énergie qui permet à cet événement d’être une réussite et qu’il soit devenu si gros et populaire en trois ans. Elle signale également l’importance du travail des bénévoles. Est-ce que le LAN peut encore exister malgré le DreamHack ? Selon elle oui, mentionnant que nous retrouverons probablement de plus en plus des joueurs amateurs au LAN et des professionnels au DreamHack.
Une réussite sur toute la ligne
C’est certain qu’elle pense qu’ils auraient pu faire encore plus de petites choses. Elle nous confie que l’organisation avait prévu une semaine pour monter le site, et que finalement ils avaient eu besoin d’un peu moins de temps. S’ils avaient su, ils auraient changé un peu leur planification et ainsi rajouté des infimes petits détails en bonus. À savoir si l’événement peut déménager dans un plus gros espace, elle ne pense pas, car le Stade n’a pas été exploité à sa pleine capacité. Le DreamHack de Montréal peut grossir mais au Stade olympique. Il reste plusieurs étages dans le stade, car seul le parterre a été utilisé pour cette première fois. Et même au parterre, la zone BYOC pourrait être déplacée plus loin sous les gradins et ainsi donner encore plus d’espace aux exposants et aux compétitions.
Il reste des salles libres et elle suggère peut-être même des partenariats avec d’autres installations autour du Stade. Selon Stéphanie, dans quelques années l’événement va être très gros, mais cela n’empêcherait pas de garder l’esprit olympique du Stade. Elle était très satisfaite de sa première expérience même si elle ne savait pas encore si elle reviendrait l’an prochain.
J’en ai profité pour lui demander si au Québec nous pouvions tenir plus d’événements de sport électronique, par exemple au Centre Vidéotron à Québec qui n’est pas prêt de recevoir une équipe de la NHL. Elle dit que oui, mais ça prend des éléments présents pour y arriver. Selon elle, le dynamisme et le travail acharné des promoteurs, l’enthousiasme de l’endroit, et évidemment l’implication des investisseurs et de la foule. Si l’un des trois éléments fait défaut, alors ce sera un échec. Donc dans les faits, elle ne pense pas que le Centre Vidéotron soit propice pour tenir ce genre d’événement, alors que le Stade a fourni la sécurité, la promotion et des installations.
Une année bien remplie
Les derniers quatre mois ont été très occupés pour la joueuse professionnelle. En plus de ses pratiques hebdomadaires avec son équipe, plus de 35 heures par semaine, Stéphanie Harvey est la nouvelle égérie de la gamme d’ordinateur de jeux d’Omen de HP. Elle n’a pas caché être fatiguée après ces mois de voyages pour la promotion et les tournois. Sans nécessairement parler de vacances, elle a dit avoir besoin de se reposer quelques jours. Elle nous a avoué qu’elle pourra souffler un peu cette semaine, n’ayant rien de prévu à son horaire sauf une journée d’enregistrement pour Vlog. De plus, elle pouvait participer au tournoi en ligne la prochaine fin de semaine, donc pas besoin de se déplacer.
Comment fait-elle pour conjuguer pratiques, tournois, promotion et événements ? Une bonne gestion de son horaire. D’abord, il n’y a pas de parties les vendredis ni les samedis, ce qui tombe bien, car ce sont souvent les journées d’événements. Mais elle tient à ses pratiques et tournois. Si elle a un conflit, elle va refuser un événement pour jouer. Deuxièmement, pour l’aider, souvent un setup d’ordinateur pour jouer est installé dans son hôtel lors d’événements. Heureusement elle n’a pas eu à annuler de pratique cet été, ce qui selon elle est un miracle. Est-ce que le rythme est le même toute l’année ? Non, autour des mois de décembre et janvier c’est plus calme au niveau des événements. Mais c’est aussi le temps des visites de famille pour le temps des fêtes. On peut donc conclure que du temps libre de qualité pour Missharvey, c’est rare.
La compétition avant tout
J’en ai aussi profité pour savoir comment se passait la saison de son équipe depuis son retour avec celle-ci. Missharvey mentionne que cette saison allait quand même bien, vu que l’équipe avait réussi à se maintenir dans la ligue ESL One. Comme dans tous les sports, les équipes ont des équipes plus difficiles à battre ou qu’elles aiment moins affronter. Pour CLG Red, il n’y a pas d’exception. Stéphanie avoue qu’effectivement il y a des équipes qu’elle aime moins affronter en tournoi. Mais comme elle mentionne, quand nous les battons en pratique ça nous rassure, donc qu’elle peuvent sûrement réussir à les vaincre en tournoi. Il existe plusieurs cartes de compétition pour CS:GO et la préférée de MissHarvey est Overpass. Pour savoir qu’elle est son arme favorite, cela lui a pris plus de réflexion, mais elle mentionne que la AK-47 est sa préférée.
Olympienne ?
À 32 ans, elle a réalisé beaucoup de choses, donc on voulait savoir, Stéphanie Harvey, athlète olympique, est-ce possible ? En toute sincérité, elle raconte qu’il reste beaucoup de chemin à faire avant de voir le eSports aux Jeux olympiques. Ayant été présente lors des premières discussions à Lausanne, elle pense qu’il risque de s’écouler peut-être dix ans avant que le eSport devienne officiel aux Olympiques. Trop de détails à régler, tel que les jeux qui seraient en compétition. Les compétitions seront-elles des équipes féminines ou masculines ou mixtes ? Selon elle, il est vrai que le eSport évolue très rapidement. Elle dit dix ans, mais admet que ce sera peut-être dans cinq ans. Malheureusement, il est donc peu probable de la voir comme une olympienne, mais elle aimerait si ça se concrétise, faire partie de la délégation canadienne ou s’impliquer d’une façon ou d’une autre dans l’organisation pour le Canada.
Une influenceuse malgré elle
On avait le droit à trente minutes et le temps s’écoule rapidement. Sachant qu’elle a un horaire très serré on lui a posé ces deux dernières questions. D’abord, après avoir été invitée à venir parler dans un événement où elle partageait la scène avec notamment des femmes officiers de l’armée américaine, est-ce qu’elle se rend compte de l’influence qu’elle a ? Il est bon de rappeler qu’elle est fondatrice de l’ancien canal Missclick sur Twitch. Également qu’elle fait plusieurs fois du streaming pour ramasser des dons pour des organismes qui combattent la cyber intimidation. Alors candidement, elle répond non.
Pour elle, le fait de parler et s’occuper de promouvoir de l’acceptation des gens et des filles dans le eSport c’est son quotidien. Mais elle mentionne qu’elle a de la difficulté à gérer le négatif. Par exemple, samedi selon ses dires, la plus belle journée à vie. Mais un message sur les réseaux sociaux en fin de soirée l’a beaucoup affectée, au point qu’elle y pensait encore lors de cette entrevue. Elle admet avoir de la difficulté à gérer le négativisme. Mais pour en revenir à la question, non elle ne se voit pas comme une influenceuse.
Et la retraite ?
Finalement, on voulait savoir si malgré son jeune âge, elle pensait à la retraite. Tout en riant, elle répond que depuis l’âge de 19 ans elle pense à la retraite. C’est certain, nous avoue t-elle, que depuis cinq ans, à chaque année elle pense se retirer de la compétition. Encore plus maintenant depuis qu’on lui a annoncé que la saison prochaine elle serait substitut avec CLG Red. Stéphanie en a même parlé à son copain. Celui-ci a dit que cela ne signifiait aucunement qu’elle n’était plus joueuse professionnelle. Elle en profitera donc pour se consacrer davantage à la compétition de WESG en Chine l’an prochain. Là-bas, elle jouera pour le Canada et aimerait bien battre les américaines qui seront représentées par les membres de CLG Red. Juste pour leur montrer qu’ils ont eu tord de la mettre sur le banc, dit-elle en riant.
Mais la retraite ne l’inquiète pas. Elle dit être rendue où elle voulait dans sa carrière. Elle a des opportunités de travailler dans les médias, pour une organisation professionnelle de sport électronique ou bien travailler pour des événements comme le DreamHack. Cependant, Stéphanie Harvey nous confie que c’est un travail soutenu de plusieurs années qui lui offre toutes ces possibilités. Elle a toujours refusé ces offres, et aujourd’hui alors qu’elle pourrait cueillir le fruit de ses efforts, elle pense encore plus à jouer et être joueuse professionnelle. Il y a donc fort à parier que même si elle devait se retirer du circuit professionnel, elle continuerait à jouer comme amatrice.
D’ailleurs, à savoir si le goût de jouer lui avait manqué en fin de semaine dans cet environnement du DreamHack. Elle répond en riant ne pas s’être approchée de la zone du BYOC. Avoir été trop près de la zone l’aurait probablement dérangée avoue-t-elle et elle aurait alors voulu jouer pour gagner. Elle est d’ailleurs la championne en titre avec une équipe d’amis du dernier tournoi LAN ETS.
Merci et bonne chance, Stéphanie !
C’est donc une joie d’avoir pu s’entretenir avec une femme d’exception et que vers 10h30 du matin nous disons au revoir à Missharvey. Elle a une dernière grosse journée devant elle. Ce fut un plaisir pour moi et ma collègue Claudia de lui parler. En espérant pouvoir la recroiser dans d’autres événements bientôt. On lui souhaite bonne chance pour ses prochains tournois et compétions. Et aussi un peu de repos pour continuer à nous divertir et nous représenter sur la scène mondiale du sport électronique.
J’espère que cette petite entrevue vous en appris un peu plus et vous aura plu. À bientôt chers lecteurs.
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