Encore peu de geeks du 514 le savent, mais Montréal est l’hôte, parmi d’autres, d’une jeune, mais grande multinationale du jeu vidéo et de la cinématique. En fait, elle ne crée pas de jeu ni trop de films elle-même, mais elle a permis à une infinité de vos titres préférés d’exister. Surtout si vous jouez aux jeux mobiles, vous lui devez beaucoup.
Bienvenue chez Unity Technologies, l’entreprise qui, essentiellement, domine le marché des moteurs de création de jeux vidéo. En d’autres mots, la plupart des jeux existants depuis quelques années utilisent son moteur de création, son logiciel de développement. Il faudrait peut-être lui dire merci (je l’ai fait pour vous, pas de souci).
Pour une « petite » idée de grandeur, sachez que l’on compte mensuellement de 1,2 à 1,5 milliards d’installations de jeux faits à un moment ou l’autre avec l’engin Unity. La grande majorité de celles-ci proviennent des jeux mobiles. Cela inclut évidemment les jeux qui sont désinstallés peu après ou qui dorment dans les appareils des gens.
Geekbecois était de passage dans les bureaux montréalais de Unity pour jaser de l’état du développement du jeu, de cinématique, des réalités virtuelles et augmentées. Les développeurs et créateurs seront d’ailleurs heureux d’apprendre que la maison de développement recherche des perles rares pour grossir ses rangs.
Unity Technologies et Unity Montréal, concrètement
Depuis le début de ses activités en 2012 environ, Unity Montréal a oeuvré une majeure partie de son temps et de ses ressources en recherche et développement. Du haut de sa vingtaine d’employés en 2015, elle en occupe maintenant 90 à temps plein. L’entreprise entend élever ce nombre à la centaine d’ici la fin de l’année.
Les projets développés par Unity Montréal commencent à être bien présents dans ce marché niché. Parce qu’il s’agit toujours de projets longs à livrer, les « bébés » d’Unity Montréal ne se comptent pas dans la centaine, mais les accomplissements sont toutefois notables. Parmi les projets liés à l’engin Unity auxquels le bureau a participé, pour les connaisseurs, on compte Cinémachine, Visual Scripting, le Digital Content Creation, Maya et d’autres logiciels hors moteur à venir.
Les cinéastes numériques devraient apprendre à « jouer » leurs films
Le bureau du Québec est aussi derrière le logiciel Timeline, un outil de gestion de la cinématique lié au moteur de création Unity. Grâce à une collaboration avec le bureau de Paris, on arrive dès lors à créer un rendu, un look beaucoup plus réaliste. Cela a maintenant permis de positionner Unity dans le marché de la simple cinématographie, puisque la qualité des cinématiques le permet dès lors. La preuve en est le Adam Demo ci-bas, un bref métrage de science-fiction qui servait justement à tester le nouvel engin avec Timeline. Avant cela, Unity n’était pas exactement une référence dans le milieu plus cinématographique.
Ceci ouvre beaucoup de perspectives de marché au groupe Unity, et donc d’opportunités de développement et de carrière. De nos jours, plusieurs émissions et films numériques sont maintenant simulés dans ce genre de moteur de création, originalement destiné au jeu vidéo. Le rendu des films et du jeu s’apparente de plus en plus. Parce que cette frontière s’effrite, on peut maintenant carrément réaliser son film en contrôlant un personnage, comme on le ferait dans un jeu vidéo. Vous faites maintenant vos prises ainsi, plutôt que d’organiser toute une animation. Cette façon de faire est plus efficiente en termes de coût et permet une rétroaction plus rapide. Cela est énormément pratique pour les séries, celles pour enfants particulièrement.
Bien sûr, « […] on ne fait pas le prochain Jurassic Park avec ça. Mais quand même, un rendu de jeu vidéo est maintenant suffisant pour beaucoup de projets, celui du milieu du cinéma n’étant plus toujours nécessaire. » C’est là, par accident, un tout nouveau marché qui vient de s’ouvrir à Unity.
Réalité virtuelle versus réalité augmentée : nous avons une gagnante
Bien que la réalité virtuelle (RV) divertisse de plus en plus de joueurs, on ne prévoit plus trop de développement pour le médium. En d’autres mots, me dit-on, la RV a presque déjà atteint son potentiel d’attrait, d’utilité et donc de commercialisation. Outre le jeu, la RV offre certaines caractéristiques intéressantes pour le cinéma ou d’autres formes d’art, mais on demeure dans le ludique. Toutefois, pour l’instant, on n’anticipe pas plus d’avenir qu’il ne faut pour ce médium.
Et si certains peuvent penser qu’il est encore vachement tôt pour annoncer la stagnation de la RV, on n’a qu’à penser à ces montres intelligentes qui tardent à générer une demande de masse, ou même la Google Glass, qui a dû se réinventer bien autrement.
« Ce qu’on me dit de San Fransisco, c’est que la RV, ça ne « partira » pas. On me dit par contre que la porno est partie en fou avec cela. Mais pour le reste, ça ne semble pas lever, m’affirme sans jeu de mots Shanti Gaudreault. Si ça devait lever, ça va prendre encore bien du temps. Les manettes ne sont pas pratiques, le casque est un peu lourd, les batteries doivent s’améliorer, les fils qui courent partout, etc. La réalité augmentée va probablement devenir mainstream bien avant cela. Pas mal plus d’avantages du côté travail, là où on passe tous 40 heures par semaine au moins. » Le potentiel de marché est vraiment plus là.
Les écrans, tous désuets d’ici 10 ans ?
Car la réalité augmentée (RA), c’est la réalité virtuelle qui se décloisonne. Alors que pour cette dernière, vous vous en tenez à votre monde dans votre casque, vous en partagez un avec vos semblables en RA, par le biais de simples lunettes. Shanti, qui est Lead chez Unity Montréal, y va même d’une prédiction téméraire :
« Je mettrais de l’argent pour que d’ici 10 ans seulement, les écrans prennent la porte. Tu peux voir par exemple ce qu’arrive à faire Magic Leap, qui a récemment obtenu un support financier de plus de 500 millions de la part de Google, et Holo Lens. Le hardware n’en est pas encore là, mais l’entreprise a réussi à prouver la commodité et l’intérêt pour le monde du travail. Modélisation, architecture, biologie, prise de note avec nos doigts, à main levée, capture de mouvement. Les moteurs de création de jeu devront donc rouler sur ces futures applications. »
Un autre exemple intéressant est celui de Google Tilt Brush, qui est un peu le Ms Paint de la réalité virtuelle, en plus beau bien sûr. On imagine très bien la même application transposée en réalité augmentée.
Sans Windows ni Apple
Et pourquoi jase-t-on de RV et RA chez Unity ? « Toutes ces activités de création, faites sur desktop ou laptop, pour beaucoup de celles-ci, il y a avantage à ce que ce soit fait en RV/RA. Et si c’est en RV/RA, alors là ce n’est plus Windows ni Mac, tu fais un game engine [moteur de création de jeu]. On espère donc être le game engine, que ce soit nous qui roulions toutes ces applications-là. Dans notre groupe, on fait le UI, l’interaction usager, le human interface, pour essayer de pousser ces paradigmes d’interaction différents. »
Être au coeur du futur du jeu, de la cinématique et de l’animation
En d’autres mots, si ces nouveaux médiums vous interpellent, ou si c’est plus la destruction imminente des écrans qui vous fait de l’oeil, Unity sera sans doute une bonne place à être pour y participer dans les prochaines années. L’organisation est en mode recrutement auprès des développeurs, des programmeurs, mais aussi des créateurs. En effet, on insiste beaucoup sur l’importance d’avoir des ambassadeurs de l’art, même si l’entreprise oeuvre surtout en R et D. Pour se faire comprendre des éventuels créateurs-utilisateurs des plateformes Unity, il faut connaître leur langage, leur mode de fonctionnement, leurs habitudes de création.
Même si vous êtes appelés à effectuer un travail très précis dans une telle entreprise, un pied vous permet d’être aux premières loges des nouvelles et des développements du secteur. J’ai personnellement pu apprendre beaucoup de choses d’un simple entretien ponctuel de la part d’Unity.