Into the Breach : un jeu de stratégie innovateur, un pari réussi ?

FTL : Faster Than Light a conquis les amateurs de jeux indépendants (et s’est mérité une mention d’honneur de notre part) il y a de cela près de quatre ans. Après le succès phénoménal de cette première création, Subset Games a débuté l’élaboration de son second titre avec une ambition honorable ; concevoir un jeu différent qui serait à la hauteur de FTL. Le produit fini fut lancé le 27 février dernier et arbore un titre évocateur : Into the Breach. Immédiatement, il fallait que je sache : Subset Games a-t-il réussi le défi qu’il s’est donné ?

Into the breach - Couverture
À première vue, c’est déjà très charmant.

Une armée de deux hommes

« Dis-moi d’où tu viens et je te dirai qui tu es » est un adage que j’aime beaucoup. S’il s’applique bien aux personnes, il s’applique encore mieux aux oeuvres ; connaître leurs origines nous aide à mieux les apprécier. Or, le studio indépendant derrière ce jeu vidéo n’est constitué que de deux personnes – Justin Ma, artiste, et Matthew Davis, programmeur. Certes, ils ont engagé d’autres professionnels, notamment pour la musique et pour l’écriture, mais le travail repose principalement sur leurs quatre épaules. FTL, leur premier jeu, constituait un véritable tour de force tant il proposait des mécaniques complexes, authentiques, variées et balancées.  Les attentes envers Into the Breach sont conséquentes ; on espère que Subset Games réaffirme son génie tout en démontrant l’acquisition d’une certaine expérience aidée du budget acquis grâce au succès de FTL. Voyons ce qu’il en est.

Qu’est-ce qu’Into the Breach ?

La planète Terre est rongée par les Vek, des insectes géants, qui surgissent du sol pour détruire la civilisation. Grand malheur, l’humanité est rayée de la surface du globe. Heureusement, une station spatiale abrite un arsenal militaire compétent – des robots géants – et développe une technologie inestimable : le voyage dans le temps. Vous êtes choisis pour piloter une escouade de trois robots, remonter le temps et sauver l’humanité.

Into The Breach est un jeu de stratégie sur grille se jouant tour par tour. Comme son prédécesseur, il emprunte énormément au style roguelike dont la tête de proue est The Binding of Isaac. Le tout est donc un Fire Emblem où chaque partie est aléatoire et où l’échec signifie un retour à la case départ. Mais pas seulement.

Into the Breach - Mission
Heureusement, on nous offre un peu d’aide.

Un rouage bien huilé

Into the Breach présente des mécaniques excessivement bien travaillées ; les nouveautés proposées sont ingénieuses et bien intégrées. On a ici un petit bijou de design : son côté roguelike est accrocheur, son côté stratégie innove.

Un roguelike gratifiant

Le roguelike se caractérise par une génération aléatoire de l’environnement ainsi qu’un niveau de difficulté élevé mêlé à la fatalité de l’échec. Chaque partie est donc une expérience nouvelle, difficile, qui s’achève souvent par une mort définitive et rarement par une victoire. Néanmoins, la plupart des jeux de type roguelike proposent des éléments qui transcendent l’échec, augmentant ainsi les chances de réussite pour la partie à venir. Par exemple, lors d’une partie, on peut débloquer un nouveau personnage qu’on pourra choisir pour l’essai suivant.

Ce concept est finement exploité : dans les premières heures de jeu, on débloque souvent de nouveaux éléments. On y retrouve des pilotes, qui augmentent les capacités des robots, ainsi que des escouades de robots offrant chacune des stratégies différentes. C’est une des forces du jeu ; chaque nouvelle acquisition offre une richesse nouvelle aux mécaniques en place. Ainsi, les nuages de poussière empêchant quiconque d’attaquer peuvent sembler nuisibles, mais deviennent utiles quand on débloque l’escouade des Rusty Hulks qui s’en sert pour faire des dégâts supplémentaires.

Bref, le côté roguelike d’Into the Breach offre une progression constante qui ajoute, au fur et à mesure, de nouvelles stratégies envisageables. Chaque nouvelle acquisition est intéressante et lorsqu’on l’essaie, c’est absolument gratifiant.

Into the Breach - Escouade
Un exemple d’escouade et de pilotes, tous absolument uniques.

Un jeu de stratégie unique

Quand on pense jeu de stratégie, on s’imagine des batailles longues, voire épuisantes, comme celles que l’on peut retrouver dans la série Fire Emblem. Or, Into The Breach se démarque en ce sens ; les combats sont courts et sont joués sur une toute petite grille. On a donc l’impression de faire des combats éclair, ce qui évite de nous ennuyer rapidement. De plus, chaque combat est généré aléatoirement et propose un défi variable. On doit donc constamment renouveler ses stratégies pour maximiser son potentiel. C’est extrêmement stimulant et jamais ennuyant.

La mission au coeur du jeu

Into the Breach ne fait pas différent que dans la durée et la variété. On se le rappelle, le but du jeu est de sauver l’humanité. Or, il nous le fait ressentir ; chaque fois qu’un bâtiment est détruit, on perd une portion de notre « grid », source d’alimentation des robots sans laquelle ils ne peuvent fonctionner. Alors que dans la plupart des jeux de tactique, l’échec se traduit par la défaite de nos combattants, ici on est appelé à défendre les édifices des attaques ennemies. Trop d’édifices détruits, trop de gens morts et la partie est terminée. Ça semble simple comme principe, mais ça va beaucoup plus loin ; la division du tour est faite en conséquence. Je m’explique.

Dans ITB, le tour est divisé en trois phases (quatre, en réalité, mais je résume pour le bien de l’article) : le mouvement et l’anticipation ennemie, puis le tour du joueur, puis l’attaque ennemie. Un tour va donc comme suit : les ennemis se déplacent et rendent leur attaque visible en rougissant les carrés qui seront affectés ; ensuite, le joueur déplace ses robots et attaque en tenant compte des attaques ennemies à venir ; finalement les monstres attaquent. Je ne passerai pas par quatre chemins : c’est absolument génial. Cela rend la jouabilité extrêmement riche et profonde, tout en conservant l’idée que l’important, c’est de limiter les dégâts. En effet, comme on est appelé à agir avant que les Vek infligent des dégâts, on nous permet de les minimiser.

En somme, la portion stratégique de ce jeu est organisée autour d’une idée simple et forte, la mission avant tout, appuyée par des combats courts et dynamiques. De plus, d’autres mécanismes simples viennent ajouter un peu de piquant. Vraiment, la conception frôle le génie !

Une broderie efficace

Une mécanique de jeu, si étoffée soit-elle, ne saurait être mise en valeur sans une parure convenable. Alors qu’il est évident que le principal effort fut dirigé vers la jouabilité, Subset Games a quand même pris la peine de donner une couleur vivante à Into the Breach. Le design artistique n’a absolument rien à se reprocher ; c’est beau, c’est fluide. La bande sonore remplit très bien son rôle ; on ressent l’urgence, l’importance de la mission grâce au style planant de Ben Prunty qui a aussi signé FTL. Cependant, de toute la broderie entourant les mécaniques du jeu, l’écriture brille d’une force inouïe. On doit ça à la collaboration de Chris Avellone sur le projet. Oui, le même Chris qui a travaillé sur des jeux acclamés pour leur scénario fantastique tels que Fallout 2 New Vegas et Baldur’s Gate.

Faire beaucoup avec peu

Le premier titre de Subset Games s’appuyait sur une écriture riche et immersive qui concordait beaucoup avec le style du jeu. Après avoir vu quelques images d’Into the Breach, j’ai vite abandonné l’idée de retrouver cette immersion par les mots. J’ai été étonnamment surpris. Malgré un scénario relativement simple, l’écriture habile de Chris Avellone resplendit à travers les différents personnages : chaque pilote possède une personnalité propre, chaque continent est dirigé par un leader qui expose des traits de caractère évidents. On ressent – et on subit – leur personnalité. C’est un exploit incroyable considérant la faible portion de texte qui leur est consacrée ; une phrase ou deux pour les introduire, puis une ou deux à la fin de chaque mission. C’est assez subtil pour passer sous le radar, mais lorsqu’on s’y arrête, on est tout de suite charmé.

Into the Breach - Civils
On ressent même la joie des civils à notre arrivée… et la déception des dirigeants lorsqu’on peine à sauver leur peuple.

Into the Breach en bref

Subset Games a remporté son pari : Into the Breach est absolument excellent. On y exploite des nouveaux concepts au sein de mécaniques qui ont fait leurs preuves. La progression est constante et gratifiante. La difficulté est ajustable, offrant ainsi la liberté au joueur d’opter pour une expérience plus hardcore ou pas, au goût. Les graphiques et la bande sonore jouent bien leur rôle et l’écriture est impressionnante. Je suis persuadé que j’y rejouerai souvent pour combler mon envie de stratégie tour par tour. Avec son prix plus qu’abordable (17$ CAN à la sortie !), je recommande ce jeu à tous les curieux, quitte à l’ajouter à votre liste de souhaits. Avec ce deuxième titre, Subset Games s’inscrit assurément dans la lignée des petits studios indépendants ingénieux capable d’accoter les géants de l’industrie.

Page officielle du jeu | Page Steam

Into the Breach

Scénario
Graphismes
Bande sonore
Jouabilité
Durée de vie

Excellent !

Une jouabilité unique en son genre, une progression constante, des mécaniques intéressantes, le tout agrémenté d'une musique et de graphismes qui remplissent bien leur rôle et d'une écriture courte, mais efficace. C'est un ajout essentiel à la collection des amateurs de jeux de stratégie tour par tour.

À propos de Jonathan Paradis

Futur enseignant, passionné de jeux vidéos, de jeux de rôles sur table et autres geekeries. J'espère pouvoir vous transmettre ces passions ou, au moins, vous offrir une bonne lecture.

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