En immersion ludique, nous sommes captifs de la narration. Que l’on joue devant un écran, un plateau de jeu ou bien un rôle, nous faisons partie de son histoire.
Après avoir approfondi nos connaissances sur les paradoxes et les émotions de l’immersion ludique, nous nous sommes penchés sur la trame narrative du jeu. Dans ce second bloc thématique de deuxième édition de la Journée professionnelle sur le jeu qui a eu lieu le 24 février 2020 à la Grande Bibliothèque de Montréal, nous avons accueilli Olivier Hamel, Jean-Christophe Pelletier et Mathilde Savoie.
Immersion et narration
Olivier Hamel – La présentation dont vous êtes le héros
- Bibliothécaire jeunesse à la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB)
Injustement dénigrés, les livres dont vous êtes le héros nous confrontent à nos propres choix. utilisant une architecture similaire au jeu vidéo Diablo, ils sont une excellente façon de combattre les écrans. En effet, nous vivons une aventure en s’amusant et en laissant aller notre imagination. De plus, ils stimulent le calcul, la négociation, la résolution de problème et l’argumentation.
Olivier Hamel nous a fait vivre une expérience immersive tirée du défi fantastique La sorcière des neiges.
Lorsque joué en classe, le défi de l’enseignant est de devenir le maître du jeu et d’oublier les règles. L’intérêt premier étant de s’amuser, il n’y a aucun mal à « tricher ». Il est permis d’ajouter ou de retirer des règles pour gagner la bataille finale. Les élèves restent captifs et ne sont pas découragés à réaliser les faibles probabilités de l’emporter.
Mon expérience personnelle
Quand j’ai compris que la conférence nous ferait vivre une expérience de livre dont vous êtes le héros, j’ai eu des réticences. En effet, je me sentais confrontée à mes grandes difficultés de lecture. Jusqu’à il y a quelques années, j’étais une grande lectrice. Je dévorais les livres, peu importe le sujet. Suite à un choc nerveux, mes capacités ont diminué drastiquement et cela me frustre quotidiennement.
Puis, je me suis laissée emporter par le dynamisme d’Olivier Hamel et je me suis prêtée au jeu. Je criais avec les autres, encourageait le lanceur de dés. J’étais totalement immergée avec la narration, les jets de dés, les points de vie et les combats à l’épée.
J’admire le travail du Biblioboxeur depuis sa conférence lors de la Journée de réflexion sur le jeu en 2019 et j’ai été ravie de le voir à nouveau.
Jean-Christophe Pelletier – Générer la narration par l’évocation : l’exemple du jeu Mon Samsara
- Plus de vingt ans d’expérience en design et production multimédia (dont onze chez Ubisoft)
- Formateur en design et communauté virtuelle
- Conférencier
Jean-Christophe Pelletier a fondé Les Productions Fougarou, sa propre petite entreprise de production, consultation et formation en jeux vidéo et expériences interactives en 2013.
Durant sa conférence, il a démontré les trois types de narration à travers de son jeu Mon Samsara. Il s’agit d’un jeu contemplatif sur nos habitudes de vie en termes de relation et de consommation.
Premièrement, dans la narration explicite, l’histoire a déjà été inventée. Il y a des dialogues et un narrateur. Ensuite, l’implicite (ou environnementale) demande de l’observation de la part du joueur. Enfin, dans la narration émergente (ou systémique), le joueur interagit avec le système. L’histoire n’a pas été définie, elle varie selon l’imagination personnelle.
Dans Mon Samsara, quand une silhouette apparaît, nous nous approprions le personnage et cette même silhouette change de sens selon l’effort du joueur. Par contre, tout est aléatoire, nous n’avons donc aucun contrôle. Tout est totalement imprévisible.
Pour en savoir plus à propos de Mon Samsara, je vous invite à consulter l’article de ma collègue Suzanne Clemente.
Mathilde Savoie – Le jeu de l’interprétation : influence du mode narratif de la série Half-Life sur l’engagement de sa communauté de joueurs
- Étudiante au doctorat en communication à l’UQAM
Half-Life est un jeu vidéo de tir à la première personne. Neuf jeux sont parus entre 1998 et 2007. Fascinée par son mode narratif, Mathilde Savoie a poussé ses recherches afin de comprendre l’engagement de sa communauté de joueurs.
Qu’il soit au moment du jeu (micro) ou en dehors (macro), l’engagement est un prérequis à l’immersion.
La narration est comme un jeu dans le jeu. En jouant à Half-Life, l’univers fictionnel se construit avec la narration dissimulée (« pull narrative ») et la narration indicielle (tracée par le joueur en remportant des énigmes). Le joueur vit les événements et découvre l’univers avec le narrateur.
Les joueurs de Half-Life forment une vaste communauté à travers des forums, fils de discussion et sites web non-officiels. Bien que le dernier opus date de 2007, ils continuent d’en attendre la suite.
Immersion dans la narration d’un jeu de société ?
Bien entendu, les jeux de société racontent également une histoire. En effet, une mise en contexte est inscrite en introduction des jeux dans les livrets de règles. Par exemple, dans Azul, l’origine des tuiles du jeu est racontée et nous sommes transportés au 16e siècle pour embellir les murs du Palais Royal de Evora, la demeure du roi Manuel 1er.
Ensuite, Au Feu ! 911 pompiers est une aventure immersive. Les coups sont exécutés en fonction de l’avancement du jeu. Les priorités changent en fonction de la propagation de l’incendie. Ainsi, l’extinction d’un foyer d’incendie devient plus urgent que de s’approcher d’une victime qui semble en sécurité pour le moment. Si le feu devient trop vif, il peut faire s’écrouler l’immeuble, asphyxier nos pompiers ou même tuer une victime évanouie.
Jeux narratifs
Certains jeux sont plus narratifs que d’autres et leur mécanique principale est axée sur la construction d’une histoire. Construit à la façon d’un jeu vidéo, Château Aventure est un jeu coopératif dans lequel un joueur joue le narrateur (ou le maître du jeu). Il guide les autres à l’aide d’un scénario afin de réussir leur quête. Pour vous donner une idée, l’éditeur IELLO a mis quelques aventures en téléchargement libre à imprimer à la maison.
Finalement, dans Histoires de peluches, l’action se passe à même le livre de règles. Les joueurs incarnent une courageuse peluche cherchant à sauver son enfant d’un esprit magique et diabolique. Je n’y ai pas encore joué, mais il me tarde tant de le découvrir avec mes mini-geeks de dix et douze ans.
Ce deuxième bloc nous a rappelé que lorsque nous sommes immergés dans un jeu, nous faisons partie de son histoire et vivons des aventures. Nous vous invitons à lire nos impressions des autres blocs (paradoxes et émotion) de la Journée professionnelle sur le jeu.