Je me souviens encore distinctement, au milieu des années ‘90, que mon père et ma mère nous avaient emmenés, mon frère et moi, au cinéparc pour voir un programme double d’enfer : Batman d’abord suivi de Jurassic Park. Ça avait été une soirée cinéma remarquable qui avait éveillé, comme plusieurs enfants de ma génération, une passion pour les dinosaures. Les anniversaires et les Noëls suivants seraient peuplés de livres et de figurines de ces créatures préhistoriques dont l’existence passée défie l’entendement. À cette époque, je ne pouvais que rêver de mettre la main sur un jeu vidéo, comme Jurassic World Evolution 2, dont la prémisse serait de bâtir et d’administrer un parc où l’attraction principale sont des dinosaures vivants.
Éventuellement, les films de la série Jurassic Park se sont succédés et je dois admettre avoir cessé de les suivre. Jusqu’à un certain point, c’est pas mal toujours la même recette – wow, ils ont recréé des dinosaures, oh non il y a un traître parmi nous, les dinosaures nous attaquent, tous les personnages principaux, surtout les enfants, s’en sortent indemnes – et je me suis mis à questionner le jugement d’à peu près tous les protagonistes de cet univers : “Pourquoi, mais pourquoi recréer des monstres à sang-froid gigantesques à chaque opportunité ? Et pourquoi commencer par les raptors ! ? !”.
Bref, dans l’optique de réaliser cette critique, j’ai dû faire mes recherches et donc regarder les deux opus de la nouvelle mouture de la franchise : Jurassic World. Heureusement qu’il ne s’agit pas ici d’une critique des films – Geekbecois a déjà réalisé une revue sur le dernier film de la série – parce que j’en aurais long à dire sur le casting de Chris Pratt ou sur l’existence d’un genre de conflit entre les bons et les méchants dinosaures (depuis quand des lézards gigantesques sont dotés d’une fibre morale ?). Ce travail m’a néanmoins permis de me familiariser avec les personnages que l’on retrouve dans le jeu ainsi que sur certaines intrigues associées à la campagne.
Jurassic World Evolution 2 est sans surprise la deuxième mouture du jeu vidéo Jurassic World Evolution paru en 2018. C’est donc seulement après trois ans que nous avons droit à une nouvelle itération de ce jeu de construction et de gestion de parc – voire de zoo – d’attractions dédié à des dinosaures en chair et en os. Et il faut l’admettre, c’est une nette amélioration.
- Studio de développement : Frontier Developments
- Éditeur : Frontier Developments
- Plateformes disponibles : PC, PlayStation 4, Xbox Series, Xbox One, PlayStation 5
- Plateforme de test : PC
- Date de sortie : 9 novembre 2021
- Classement : Teens (Violence et sang)
- Prix : 68,99$
- Page Steam du jeu
Si, à ce moment-ci, vous vous demandez si nous avions vraiment besoin d’une deuxième mouture d’un jeu somme toute récent, la réponse à cette question est clairement « oui » et nous allons voir pourquoi.
Un prédécesseur qui était tout en spectacle, rien en substance
Que ce soit le premier ou le second opus des jeux Jurassic World Evolution, ils ont la même prémisse : vous êtes responsable de bâtir un parc d’attractions dans lequel des dinosaures vivront et pourront être visités par des touristes venus des quatre coins de la planète. Vous devrez reconstituer ces créatures à l’aide d’ADN obtenus dans des opérations paléontologiques sur les cinq continents puis en faire naître une couvée. Vous serez responsable des éléments logistiques de votre parc, comme l’alimentation en électricité, ainsi que d’assurer la sécurité des visiteurs entre autres en mettant à leur disposition des bunkers, s’il devait survenir une catastrophe. Notons également qu’une de vos principales tâches sera d’assurer le bien-être des dinosaures en leur attribuant et en personnalisant un enclos qui répond à leurs besoins.
Il y a une longue lignée de prédécesseurs dans le domaine des parcs d’attractions de dinosaures. Entre autres, Zoo Tycoon paru en 2001, avait une extension qui ajoutait des dinosaures. Ceci dit, le plus marquant est probablement Jurassic Park : Operation Genesis paru en 2003 qui offrait une proposition similaire en s’inspirant des succès de l’époque, comme Roller Coaster Tycoon. On peut donc dire que la série Jurassic World Evolution est en quelque sorte le successeur d’Operation Genesis dans un cadre plus moderne.
Une fois cela dit, la première mouture de Jurassic World Evolution était particulièrement décevante. Le paquet avait été mis sur le visuel des dinosaures et leur animation, si bien que le jeu ne présentait presque pas de défis de gestion. La majorité du temps, le jeu était particulièrement directif et, trop souvent, il versait dans la microgestion. Ce qui devrait être de l’anecdote, par exemple se promener en vue à la première personne au volant d’une JEEP dans l’enclos des dinosaures devenait une tâche obligatoire et répétitive. Finalement, la proposition manquait cruellement de modes de jeu, si bien qu’on se lassait rapidement.
C’est donc que Jurassic World Evolution, premier du nom, était extrêmement pauvre en contenu, même si les dinosaures en soi étaient très jolis et bien animés. Ceci dit, comme tout le monde, je peux apprécier une petite balade à la première personne dans mon parc, mais si l’objectif du jeu est de gérer une entreprise de tourisme jurassique, pourquoi est-ce que je passe le plus clair de mon temps en safari ?
Force est de constater que le développeur Frontier Developments a pris acte de ces lacunes parce que ce nouvel opus m’a surpris par ses correctifs impressionnants tout en doublant la mise sur des éléments à succès de son prédécesseur.
Des modes de jeu diversifiés et un retour dans le temps
Premier item de la liste des améliorations à souligner : l’abondance des modes de jeu et un souci de plaire à la nostalgie des joueurs. Dès l’ouverture du jeu, il faudra choisir selon quel mode l’on préfère bâtir notre prochain parc. Des éléments classiques, comme le bac à sable pour s’amuser sans se casser la tête ou le mode campagne sont présents. Notons par ailleurs que la campagne est somme toute très brève, environ 3 heures, et place le joueur dans les événements entre la fin de Jurassic World : Fallen Kingdom, le 5e film de la franchise paru en 2018 et la prochaine (et dernière ?) itération, Jurassic World : Dominion qui devrait atterrir sur les grands écrans en 2022. Sans vous dévoiler la finale de Fallen Kingdom, elle permet d’expliquer pourquoi la campagne de Jurassic World Evolution 2 est centrée sur la capture de dinosaures en liberté dans plusieurs endroits des États-Unis.
Dans les faits, en dehors du scénario amusant, la campagne pourrait être perçue comme un long tutoriel puisque de mission en mission, de nouveaux éléments de gestion du parc deviendront disponibles. Le mode de jeu dans lequel les joueurs passent le plus de temps est le mode défi où des cartes peuvent être débloquées en performant adéquatement dans celles qui sont déjà disponibles. Ce mode permet de choisir son niveau de difficulté, qui s’accompagne d’objectifs à atteindre et de restrictions. Ça m’a beaucoup fait penser à l’excellent mode “Carrière” des Roller Coaster Tycoon et cie.
L’ajout d’un autre mode, celui intitulé de “La théorie du Chaos”, permet au joueur de choisir l’un des parcs des cinq films (notons qu’il y a un espace pour un sixième parc, je ne pense pas être devin en prétendant qu’un futur contenu téléchargeable devrait accompagner le lancement du sixième film) et d’en prendre le contrôle. Un peu à la manière du mode campagne, mais en beaucoup moins restrictive, il sera possible d’atteindre des objectifs liés aux scénarios de ces films. Il s’agit d’une addition très intéressante pour permettre un retour dans le passé en répondant à la question “et si j’avais été en charge ?”. Cela permet un contenu plus narratif que les modes défis et bac à sable.
Une gestion de parc repensée, mais qui flirte toujours avec la microgestion
Le premier constat dans Jurassic World Evolution 2 est que le joueur dispose de davantage de liberté pour placer et développer son parc comme il l’entend. Il peut choisir ses priorités de recherche et les embryons de dinosaures à développer en fonction de rendre son parc attractif selon des priorités qu’il se fixe. Il peut choisir de plaire à différents types de clientèles touristiques – par exemple ceux à la recherche de sensations fortes ou de confort luxueux – et développer en conséquence les animaux et les attractions qu’il déploiera.
La création des enclos est une activité amusante qui rappelle les jours glorieux de Zoo Tycoon alors qu’on devra agencer l’environnement aux besoins des dinosaures qui y habiteront. Certains préféreront des espaces désertiques peuplés de pierres alors que d’autres préféreront beaucoup d’eau et un couvert forestier important. Notons également des enclos spécifiques pour les dinosaures aériens, comme les ptérodactyles, ou les dinosaures marins.
Le joueur devra porter attention à ses finances et s’assurer d’un revenu décent pour poursuivre l’agrandissement de son parc. Le succès du parc sera mesuré selon plusieurs critères en fonction des missions et des défis. Bien sûr, il y a la rentabilité financière, mais également la diversité des dinosaures, la qualité des attractions, le nombre de visiteurs et… l’absence d’incidents. Parce que nous sommes dans l’univers Jurassic Park, une catastrophe peut survenir à tout moment et ces jolis raptors qui vous rapportent une fortune en manne touristique pourraient se développer un appétit pour les flâneurs en chemise hawaïenne qui errent dans votre parc à la recherche de sensations fortes.
Tout cela est très positif et nous permet presque d’excuser plusieurs manipulations qui s’apparentent à la microgestion. Un exemple serait les dinosaures qui tombent malades ou qui se blessent, ce qui arrive fréquemment. Il faudra alors déployer un véhicule afin de diagnostiquer les animaux, puis un hélicoptère pour les mettre sous sédatif, ensuite un autre hélicoptère pour le transport du dinosaure au centre médical et, finalement, un autre hélicoptère pour ramener la bête dans son enclos. Toutes ces opérations sont répétitives et distraient de la gestion du parc. Il est par ailleurs possible de mettre davantage les mains à la pâte en prenant le contrôle des véhicules avec une vue à la première personne ou de manier le fusil-tranquillisant. Heureusement, ces manœuvres sont optionnelles, il est possible de simplement donner l’ordre à l’unité, par exemple le camion médical, de se rendre auprès des animaux.
Un autre exemple est la fausse bonne idée d’ajouter un écran de sélection de ses scientifiques. Les développeurs ont voulu donner une certaine personnalité aux employés du parc en permettant au joueur de choisir, parmi une sélection de candidats, ses futurs scientifiques. Ceux-ci sont responsables d’à peu près tout ce qui est essentiel au parc, que ce soit les soins aux animaux, la recherche de fossiles, la création d’embryons ou l’avancement dans l’arbre de technologies. Le joueur doit alors choisir quel scientifique associer à quelle tâche. C’est là que l’opération devient répétitive, puisqu’en général, un spécialiste d’un domaine sera associé à la tâche dans ce domaine, ce qui ne requiert aucune prise de décision de la part du joueur. Notons également l’ajout d’une mécanique selon laquelle des scientifiques pourraient devenir renégats, ce qui se gère aisément à l’aide d’une jauge d’insatisfaction qu’il est possible de remettre à 0 en envoyant l’employé en vacances quelques minutes.
D’ailleurs, cela m’amène une autre critique d’une mécanique de jeu qui semble en voie de devenir la norme même dans les jeux solo et hors ligne : l’ajout de chronomètres à tout un paquet d’actions. Aller recueillir des fossiles afin de synthétiser des dinosaures prendra 3 à 5 minutes, temps réel. L’incubation prendra quelques minutes aussi. Comme mentionné, les vacances des scientifiques se comptent aussi en minutes. Il y a donc des moments de temps morts où le joueur n’a rien d’autre à faire que d’attendre la fin des chronomètres, ce qui brise sévèrement le rythme. Notons qu’il est possible d’accélérer la vitesse de déroulement du temps pour que les chronos passent plus rapidement, mais il n’en demeure pas moins que, périodiquement, le joueur se retrouve les mains croisées au-dessus de son clavier à attendre bêtement.
Des dizaines de dinosaures !
Jurassic World Evolution 2 ne s’en cache pas ; ce qui fait sa force sont ses dinosaures. Dès le départ, il y a plus de 75 espèces de dinosaures à développer et à abriter dans son parc, dont certains rendus célèbres par la franchise de films comme les vélociraptors, les tyrannosaures rex, le rex indominus ou les tricératops. Par rapport au premier opus, c’est deux fois plus de dinosaures qu’au lancement et l’équivalent de ce que l’on pouvait acheter avec les contenus téléchargeables additionnels (les DLC).
Et il faut l’admettre, ils sont magnifiques. Les visuels sont particulièrement réussis et on peut se surprendre à passer plusieurs minutes à les observer dans leurs enclos. Les dinosaures se déplacent, s’abreuvent et se nourrissent, bien sûr, mais un individu de la meute deviendra l’alpha du groupe et combattra ses congénères pour garder son titre. Périodiquement, il faudra envoyer un JEEP de rangers pour évaluer l’état de santé des dinosaures et il sera intéressant d’observer les interactions entre les employés du parc et les animaux. Notons finalement qu’au moment de l’incubation, il est possible de personnaliser les dinosaures, par exemple, en leur donnant des traits plus dociles ou une plus grande longévité. Il est possible d’en profiter pour personnaliser leur apparence également. Le souci du détail à ce sujet est remarquable.
Pour compléter le portrait, notons la trame musicale grandiose inspirée de l’œuvre de John Williams des deux premiers films de la série. Quand la musique thème se met à jouer alors que votre tour guidé traverse les portes des enclos, bondés de touristes assoiffés de voir les créatures préhistoriques que vous avez soigneusement choisies, faites éclore puis placées dans des milieux adaptés à leurs besoins, vous avez vraiment l’impression d’être en charge, d’être le nouveau John Hammond.
Bienvenue… à Jurassic Parc !
Jurassic World Evolution 2 présente donc quelques faiblesses, mais celles-ci sont grandement compensées par ses innombrables forces. Si tous les opus supplémentaires des séries de jeux vidéo s’inspiraient de ce qui a été fait par Frontier Developements afin de tabler sur les forces du premier volet tout en proposant des correctifs intelligents, il y aurait moins de deuxièmes opus dont le but semble visiblement de soutirer des sous aux admirateurs de la série.
Nous avons une proposition qui démontre une certaine maîtrise du genre des jeux de gestion de parc d’attractions qui, même s’il demeure quelques mécaniques répétitives ou insignifiantes, donnera aux amateurs du genre de nombreux défis dans un environnement somptueux et selon une thématique très engageante. Le sentiment de liberté dans les cartes du mode “défi” est total. Notons toutefois que Jurassic World Evolution 2 est assez gourmand en performance de votre PC, il faudra bien vérifier les configurations recommandées pour pleinement profiter de l’immersion proposée.
Si j’abordais cette critique avec un brin d’appréhension, m’attendant à être déçu, j’aimerais vous partager ma surprise d’avoir passé de nombreuses heures, sans m’en rendre compte, dans l’univers de Jurassic World Evolution 2. Pour les amateurs de gestion de parc ou de dinosaures, c’est un fidèle successeur à Jurassic Park : Operation Genesis qui nous est proposé ici. À essayer absolument.
J’aime
- L’animation et les graphiques à couper le souffle
- La multitude de cartes et de modes de jeu
- La liberté accordée aux joueurs pour bâtir leurs parcs comme ils le veulent
- La trame sonore énergique qui plaira à tous, surtout aux nostalgiques
- La diversité des environnements et des dinosaures
- Le mode “Théorie du Chaos” pour rebâtir le premier parc jurassique
J’aime moins
- Certaines activités apparentées à la microgestion
- Des chronomètres superflus
La copie de Jurassic World Evolution 2 a été fournie par Frontier Developments.
Jurassic World Evolution 2
Scénario
Graphisme
Bande sonore
Jouabilité
Durée de vie
La vie... trouve toujours son chemin
Jurassic World Evolution 2 est une nette amélioration du premier opus, en permettant davantage de modes de jeu et de liberté aux joueurs dans leur création et administration d’un parc touristique peuplé de dinosaures. Bien que certaines tâches soient répétitives ou bloquées derrière des chronos, l’ensemble donne une expérience très complète de gestionnaire et propose des défis plus intéressants les uns que les autres. Le souci du détail et les options de personnalisation font en sorte que chaque parc sera unique.