Le jeu vidéo Dear Esther avait été une page tournante à sa sortie en 2012. Il a grandement aidé à popularisé le genre du walking simulator ainsi que celui de l’histoire interactive. Grand fut mon étonnement, lorsque 7 ans plus tard, Dear Esther sortit à nouveau de l’ombre pour illuminer les plateformes iOS et iPadOS. Développé par The Chinese Room, le jeu a été rapidement acclamé par la critique. Avec plus de 1 million de copies vendues, PC Gamer a affirmé que Dear Esther « provoque des émotions et une réflexion que peu de jeux parviennent à faire. » Qu’est-ce qui rend ce titre autant unique ?
Développement de Dear Esther
Produit par Dan Pinchbeck, le jeu a connu un développement sur plusieurs années. Croyez-le ou non, il était, auparavant, un mode pour Half Life 2. Dans une entrevue pour Gamasutra, Pinchbeck a affirmé que le développement de Dear Esther remonte jusqu’en 2007, lorsqu’il créait de nombreux modes pour un projet. Finalement créé avec l’engin de Portal 2, force est d’avouer que le visuel est incroyable, même encore aujourd’hui. Puisque c’était la première fois qu’un jeu avec une telle envergure n’avait aucun élément d’un jeu vidéo classique, Pinchbeck était plutôt inquiet. Quelle allait être la réception du publique ?
Quel type de joueur allait vraiment être attiré par un jeu d’aventure en première personne, mais qui était purement narratif ? Heureusement, son inquiétude s’est estompée rapidement lorsque les critiques ont commencé à apparaître. En fait, Dear Esther est un exploit tant techniquement qu’esthétiquement, mais apporte également de nombreux questionnements. Qu’est-ce qui fait que ce titre est si spécial alors qu’il est pourtant minimaliste au plus grand degré ? Lorsque des jeux comme System Shock et Doom ont déjà des histoires intrigantes et en plus de l’action à revendre, qu’est-ce qui va attirer le joueur à changer son approche ?
Un retour aux sources
Je le répète dans un bon nombre de mes articles, mais la nostalgie est l’aspect qui va toucher le plus les gens à tous les niveaux. Dear Esther a été reçu comme un vent de fraîcheur dans la communauté des joueurs, alors que pourtant, ce type de jeu était commun dans un passé récent. Dès 1970, le jeu en mode texte était très commun, car les graphismes étaient complexes à réaliser. Ce type de jeu stimulait l’imagination à un autre degré, car nous devions créer l’univers intégralement dans notre tête. C’est exactement le même principe de lorsque nous dévorons un livre. La narration n’a alors d’autres choix que d’être riche pour nous faire entrer dans l’histoire et le monde selon la vision de l’écrivain. Donc Dear Esther ne serait pas réellement un nouveau genre en soit, mais plutôt une nouvelle interprétation moderne de celui-ci.
Dans un monde où tout doit aller vite, s’arrêter un moment pour prendre le temps d’apprécier est incomparable. Je crois que c’est le type de joueur que Pinchbeck a réussi à hameçonner. Ceux qui ont besoin de vivre une expérience qui rappelle notre jeunesse. Ces moments où on n’avait rien « d’important » à faire et qu’on ne savourait que le moment présent. Ceux qui ont soif de s’isoler dans un monde imaginaire pour vivre une vie qui ne nous appartient pas, mais qu’on aimerait s’approprier. C’est la magie qui réside dans un jeu comme Dear Esther.
Questionner la nature de la vie
Dear Esther a une histoire qui peu sembler très ambiguë au premier contact. Bien que ça peut sembler déroutant, Dan Pinchbeck a affirmé que c’était prévu. Ça permet au joueur d’interpréter l’histoire au lieu de se la faire donner toute crue dans la bouche. C’est aussi un excellent facteur de rejouabilité au jeu, car le joueur aura tendance à y retourner pour découvrir de nouveaux passages et faire des liens entre eux. L’histoire tourne surtout autour du mystère d’un accident de voiture entre trois personnes : le narrateur, Esther et Paul. Ce dernier est accusé d’être la cause de l’accident, car, selon Esther, il était hautement intoxiqué à l’alcool. Cependant, est-ce vraiment ce qui est arrivé ?
Le but premier de Dear Esther est de récolter des fragments de l’histoire derrière l’accident et c’est à nous de les recoller. Il est impossible de mourir dans ce jeu. En fait, si vous essayez de vous suicider en sautant d’une falaise, vous entendez une voix qui vous dit « come back… » (revient). Vous ne pouvez échapper au jeu tant qu’il n’est pas terminé et que vous n’avez pas découvert la vérité. Tout au long du jeu, vous allez souvent croiser le nombre 21. Symbolisant l’âge à lequel vous devenez un adulte, c’est vue comme un point tournant dans la vie de plusieurs personnes. L’indépendance est merveilleuse, mais en même temps, elle fait peur. L’incertitude a tendance à s’installer et vous questionnez vos choix que vous avez pris jusqu’à présent. Et si je prenais le bon chemin dans la vie ? C’est la métaphore qui est omniprésente dans Dear Esther. Il y a de nombreux chemins, mais il n’y pas vraiment de bons ou mauvais choix. Chacun raconte une histoire différente à vivre et il faut l’attraper, sans regarder en arrière, pour continuer à avancer. La vie n’est pas une ligne tracée d’avance, c’est plutôt plusieurs morceaux de casse-tête que nous construisons en vieillissant, chacun avec ses bons et mauvais moments.
La sortie sur iOS et iPadOs de Dear Esther est une excellente nouvelle pour ceux qui ont cette plateforme et n’ont pas eu la chance d’essayer ce superbe jeu. Disponible pour seulement 4.99$, je vous conseille vivement de vous lancer à l’eau et de vivre l’expérience d’un titre qui a marqué l’histoire des jeux vidéo modernes.