CMON est un éditeur qui s’est fait connaître en 2012 pour sa superbe campagne de sociofinancement du jeu Zombicide. Un des premiers succès Kickstarter du monde des jeux de société, le jeu a lancé la compagnie sur la scène des éditeurs reconnus. Aujourd’hui, ses sorties sont très attendues et sont synonymes de réussite. Arcadia Quest, ce jeu d’aventure aux allures d’anime et aux figurines chibis, n’a pas fait exception. Sorti en 2014 après une campagne ayant amassé plus de 700 000 $, il a figuré pendant longtemps parmi les jeux les plus populaires de BoardGameGeek, et figure toujours parmi le top 100 presque quatre ans plus tard.
Avant d’entamer ma critique, je dois être parfaitement honnête. C’est ma fête bientôt et j’ai décidé de me faire un petit cadeau à l’avance : je vous parle aujourd’hui de mon jeu favori de tous les temps. Pour moi, Arcadia Quest est le signe d’une balance parfaite entre stratégie, confrontation et plaisir. Jamais je n’ai joué une campagne qui s’est soldée par autre chose que des rires et de l’étonnement. L’immersion est totale, la rejouabilité illimitée et la production est magnifique. Ceci dit, je vais tenter de demeurer objectif, en essayant même de vous pointer quelques éléments qui pourraient déplaire. C’est à garder en tête.
- Nombre de joueurs : 2-4
- Durée : 60 minutes
- Auteur : Thiago Aranha, Guilherme Goulart, Eric M. Lang, Fred Perret
- Éditeur : CMON
- Année : 2014
- Page officielle
- Page BoardGameGeek
Maintenant que c’est hors du chemin, commençons à parler d’Arcadia Quest !
Scénarios courts et efficaces
Arcadia Quest propose deux modes de jeu. D’une part, on peut faire un scénario singulier d’environ une heure et déterminer un gagnant en fonction des objectifs atteints. Beaucoup de plaisir en perspective. Or, là où se déploie véritablement son brio, c’est dans le mode campagne. Les joueurs s’embarquent alors pour six missions consécutives, qu’ils peuvent faire en une seule soirée, ou sauvegarder et reprendre plus tard. Leurs choix et le développement de leurs personnages sont conservés de partie en partie. Il est même possible de décrocher des titres spéciaux, qui donnent accès à des objets uniques et des avantages de jeu lors de scénarios ultérieurs. Rien de débalancé, mais juste assez pour motiver les joueurs à les vouloir.
Chaque scénario est relativement semblable (Arcadia Quest n’est pas vraiment un jeu à histoire) : avancer dans le tableau, abattre des vilains (lire : des machines à sous), tuer le boss principal ou acquérir des jetons placés de manière peu avantageuse. Avec tout cela, on ajoute un peu de PvP : chaque joueur peut tenter d’abattre les personnages de ses adversaires pour remplir une mission. Encore une fois, rien de trop pénalisant, mais juste assez pour ajouter de l’interaction entre les joueurs. La mécanique centrale est assez simple : on avance, on attaque, on roule les dés, on résout. Le jeu a un rythme incroyable, très peu de temps mort. En plus, après notre tour, l’adversaire active des vilains : chaque joueur est impliqué dans la moitié des tours. Superbe implémentation !
Le mode campagne : j’adore
Laissez-moi revenir un peu sur la notion de campagne. Ici, je m’adresse surtout à vous, amateurs de jeux de stratégie et de jeux à long terme. Je suis un peu comme vous. J’aime quand j’ai l’impression de développer quelque chose d’unique. Quand ce développement prend du temps, quand je réussis à me démarquer des adversaires, mais surtout quand cette différence peut être exploitée et optimisée toujours davantage. J’aime aussi quand tout est fluide, efficace. Quand, en un regard, j’ai une idée d’où vont les choses. Arcadia Quest propose toutes ces choses, et d’une manière parfaitement gracieuse.
Autant les missions sont immersives, autant les intermissions sont incroyablement bien ficelées. Trois choses essentielles s’y déroulent et tissent tranquillement une toile qui solidifie tout le jeu. D’abord, on obtient les sous bonis et on compte le total de chaque joueur. Ensuite, pour chaque héros qui possède au moins un jeton de mort (obtenu lorsqu’il meurt pendant le scénario), celui-ci reçoit une carte Malédiction, qui peut parfois prendre la place d’un équipement. Donc, attention à ne pas mourir trop souvent pendant le scénario ! Enfin, le moment tant attendu : le marché. Vous avez combattu et exploré abondamment, il est maintenant temps d’améliorer vos héros. Épées, boucliers, armures, massues, bijoux, pouvoirs magiques… Parmi six cartes que vous obtenez, vous en achetez un maximum de trois, que vous pouvez équiper à vos héros. Une personnalisation d’une énorme profondeur, que chaque joueur attend avec impatience.
Le PvP : superflu ?
Un aspect que je redoutais lorsque j’ai appris les règles d’Arcadia Quest, c’était l’intégration d’une mécanique d’agression entre les joueurs. Effectivement, au cours d’un scénario, les joueurs peuvent (et sont même encouragés à) attaquer les héros de leurs adversaires. Ce faisant, ils peuvent compléter une quête et obtenir des sous, si précieux pour la phase d’achat. Ma crainte était donc que la dynamique soit possiblement trop agressive, et que le « take that » prenne toute la place. Qu’on me comprenne bien : je n’ai rien contre ce genre d’interaction en général. Mais pour un aussi gros jeu, avec autant d’éléments et un potentiel si intéressant, je redoutais qu’un joueur devienne rapidement « victime » des autres, sans possibilité de se défendre, et que tous les autres joueurs trouvent un avantage (toujours un peu regrettable) à profiter de cette faiblesse.
Que nenni mon ami ! La dynamique n’est que très peu teintée par ce type d’interaction négative. En fait, étant donné que ce sont les adversaires qui contrôlent les vilains, il devient très risqué de s’aventurer en territoire adverse, puisque la vengeance peut être infligée par tous. Le joueur averti constatera bien vite que, pour abattre un adversaire, il devra sans doute sacrifier lui-même un de ses propres héros. Et de toute façon, le jeu n’en vaut pas toujours la chandelle : une fois qu’il a abattu un héros adverse et accompli la mission correspondante, il n’y a qu’un maigre avantage à utiliser du précieux temps de jeu à poursuivre ce même adversaire. C’est donc un PvP assez doux et équilibré, et ça me plait parfaitement.
Thème léger, jeu complexe
Arcadia Quest a une présence de table impressionnante. La production est sublime : les miniatures sont rigolos, les vilains imposants, les jetons colorés, les dessins de cartes fort sympathiques. Personnellement, j’adore le plateau de jeu. Comme dans Zombicide, il est constitué de plusieurs petits plateaux carrés et peut être configuré différemment à chaque partie. Et pour Arcadia Quest, c’est tout à fait de mise. Chaque scénario permet de se différencier des autres, certains sont plus grands, d’autres plus restreints. Certains permettent une interaction constante, d’autres laissent les joueurs dans leur coin respectif. Aussi, le thème est très amusant, et ne m’apparaît pas surfait. Certains ont critiqué le choix d’un style « chibis ». Pour moi, ça ajoute de la valeur : Arcadia Quest ne doit pas être pris trop au sérieux.
Par contre, ne croyez pas pouvoir apporter ce jeu dans les soirées familiales. Il est avant tout pour les joueurs expérimentés. Ce jeu est plus complexe qu’il n’y parait. Les novices n’auront sans doute pas autant de plaisir à personnaliser trois héros simultanément, à gérer tous les pouvoirs spéciaux, à optimiser leurs tours afin d’éviter de reposer leurs héros trop souvent. Pour les plus habitués, ce n’est rien de trop nouveau, cela fait partie du rythme d’un tel jeu. Mais pour beaucoup, je peux très bien concevoir que le jeu offre trop de temps mort et d’analyse paralytique pour être vraiment appréciable. Certes, ce n’est pas un Euro, mais certains coups sont assez critiques pour obliger un moment de réflexion. Et à trois ou quatre joueurs, cela peut être plus long. Aussi, ce n’est pas tout le monde qui aimera s’investir dans une campagne de six scénarios. Soyez avertis.
Appréciation générale
Je l’ai dit en début d’article : Arcadia Quest est mon jeu favori de tous les temps. Il fait partie de cette catégorie de jeux qui, peu importe les circonstances, peu importe les adversaires, je serai toujours partant pour une partie. Immersif, amusant, délirant, stratégique, il porte en lui tout ce qui existe de mieux dans le plaisir des jeux de société.
En fait, ce n’est certainement pas le cas de tout le monde, mais je crois qu’il représente parfaitement cet âge d’or des jeux de société dans lequel nous sommes aujourd’hui : production solide, thème et graphisme incroyable, mécanique efficace, contenus nombreux et diversifiés. Si, dans les dernières années, vous avez eu la chance d’être piqué par le plaisir des jeux de société, prenez quelques minutes pour regarder celui-ci. Vous ne serez pas déçu.
Je tiens à préciser ceci : les complétionnistes d’entre vous seront portés à éviter ce jeu par peur de ne pas l’avoir dans son intégralité, notamment en raison de l’énorme quantité de contenu qui était exclusif à la campagne Kickstarter et qui est aujourd’hui très difficile à trouver. Croyez-moi : la boîte de base suffit. Et si vous adorez, les extensions disponibles en magasin sont largement suffisantes.
Arcadia Quest
Graphisme
Matériel
Thématique
Mécanique
Plaisir
Parfait !
Arcadia Quest est mon jeu favori. Dois-je vraiment vous en dire plus ?