C’est devant une salle comble que les Rencontres du documentaire (RIDM) projettent pour la deuxième fois David Lynch : The Art Life. L’auteur d’Eraserhead a attiré son lot de spectateurs plus colorés, moins conformistes à la Cinémathèque québécoise dimanche soir. Cela donnait le ton au spectateur non expert de David Lynch sur ce qui l’attendait. En effet, bien que Lynch soit surtout connu en tant que cinéaste, c’est plutôt au peintre et artiste plasticien qu’a eu droit l’auditeur. Et de ses dizaines d’œuvres présentées au spectateur tout au long du documentaire, on réalise à quel point Lynch est prisonnier d’un autre monde. De ses rêves, ses visions et ses hallucinations, l’artiste a produit une infinité de dessins, peintures et ouvrages tridimensionnels surréalistes, intrigants et parfois déstabilisants.
Pas d’homme-éléphant, ni de dune, ni d’autoroute perdue.
Les amateurs de Lynch le cinéaste ne doivent pas s’attendre à ce qu’on parle de ses plus grands succès. Ni tellement de sa carrière cinématographique, en fait. Il s’agit surtout du récit du jeune David plasticien, de sa naissance au Montana jusqu’à son entrée à l’école du cinéma en Californie. En raison du travail de son père et de ses propres ambitions par la suite, Lynch aura eu le temps de vivre dans huit États avant d’étudier le cinéma en Californie. De cette période, son passage le plus marquant est sans doute celui de l’Académie des Beaux-Arts de la Pennsylvanie. Dans le Philadelphie désolant des années 1960, Lynch était bien à sa place pour sa production d’œuvres plus obscures et peu conventionnelles.
David Lynch a su produire de l’art plastique et graphique à partir de tout ce qui peut lui tomber sous la main. Son aire de travail ressemble bien moins à un lieu de production artistique qu’à l’atelier chaotique de votre grand-père bricoleur. Peinture, teinture, colle, silicone, métal, caoutchouc, vêtements et autres matières à identifier, il trouve une utilité artistique à tout. On ne pourra jamais dire qu’il a peur de se salir les mains, car il s’en sert directement et abondamment. Son style donne des œuvres de style surréaliste très certainement originales, surprenantes, bien exécutées, mais rarement réconfortantes. Les couleurs vives sont limitées. Il perçoit des formes, des objets et des êtres à peu près partout dans son environnement.
Un documentaire intime
Contrairement à plusieurs documentaires, vous n’aurez pas droit non plus à d’autres intervenants que Lynch lui-même, qui assure toute la narration. Le spectateur se sent nécessairement près du personnage. Nous sommes tout juste à ses côtés. Pince-sans-rire, Lynch a fait rire l’auditoire plus d’une fois. Son âge met aussi la table sur le rythme du documentaire. L’homme de 70 ans raconte lentement mais sûrement. Tout au long du film, plusieurs périodes ou événements auxquels il fait allusion sont illustrés par une ou plusieurs pièces d’art qu’il a produites à l’occasion. Leur sens est expliqué par l’auteur lui-même.
Ainsi, The Art Life intéressera certainement l’amateur de Lynch le cinéaste. Il aura réponse à toutes ses questions sur ce qui a inspiré son style au grand écran. Le documentaire comblera aussi les amateurs du documentaire, de l’art et du récit biographique. Toutefois, les jeunes enfants ou les personnes plus aisément dérangées pourront probablement passer leur tour.
Image : RIDM
David Lynch : The Art Life
Valeur documentaire
Rythme
Déroulement de l'histoire
Direction artistique
Divertissement
Musique, accompagnement sonore
Regard intime, exclusif
Un récit intéressant, éclairant et exclusif sur le jeune Lynch peintre, artiste plasticien et éventuel cinéaste. Une exposition de plusieurs de ses œuvres graphiques. Un rythme un peu lent et une fin qui vient un peu sèchement. Un auditoire niché.