Si vous avez déjà mis les pieds dans un Comiccon des dernières années, vous avez sans doute croisé des membres du groupe la Forteresse Impériale qui revêtent tous un uniforme de l’Empire Galactique. Cette branche québécoise de la célèbre Légion 501, un organisme à but non-lucratif qui regroupe des amateurs de la célèbre franchise, a toujours son kiosque sur place où les visiteurs peuvent admirer le travail exceptionnel de ces costumadiers. Le groupe amasse des fonds afin de venir en aide à différents hôpitaux pour enfants, comme Sainte-Justine, en plus d’y effectuer de fréquentes visites pour alléger le quotidien de ces jeunes malades. Cependant, on a droit à seulement un aperçu de l’univers dans lequel les membres du groupe évoluent. Un pan important nous est invisible, à savoir le travail colossal qu’ils mettent dans la construction de leurs costumes, les nombreuses heures passées sur place dans ces uniformes qui pèsent souvent plusieurs kilos et tous les sacrifices qui sont requis pour les différents événements. Marc Joly-Corcoran a tenu à leur rendre hommage et à les faire sortir de l’ombre en créant le documentaire Que le Fan Soit Avec Toi. Dans ce film de près d’une heure et demie, on suit le périple de plusieurs mordus de Star Wars dans leur quotidien et sur la route afin de mettre en lumière de quelle manière ils vivent leur passion. J’ai eu la chance de m’entretenir avec Marc suite à la présentation du film au Festival Fantasia qui lui a décerné le prix Argent du public pour le meilleur documentaire.
Il est évident qu’un travail de cette ampleur ne se fait pas en un weekend. Marc a commencé à plancher sur son projet à partir de 2015, avec la majorité du travail fait entre 2017 et 2019. Le diplômé d’une maîtrise et un doctorat en cinéma a d’ailleurs fait sa thèse sur le phénomène des fans et des films que ces derniers ont produit, basés sur leur passion. Le documentaire est une sorte de continuité du travail qu’il avait commencé à l’université. Contrairement à certaines émissions qui s’étaient déjà intéressées au phénomène, mais qui l’abordaient surtout sous forme de reportage sans plonger dans le quotidien de leurs sujets, Marc a décidé que son documentaire allait véritablement entrer dans la vie de ces costumadiers et nous montrer le côté humain. Jeff et Kim, un couple adeptes du cosplay, ont été les premiers approchés pour participer au projet. Après hésitation, ils ont accepté de nous ouvrir les portes de leur demeure, dévoiler leur importante collection d’items liés à la franchise, ainsi que le processus de création de leurs costumes.
Le quotidien des fans purs et durs de la franchise dévoilé
Le couple l’a ensuite mis en contact avec Malgus, un membre affluent de la Forteresse Impériale, qui en a assumé la fonction de Commandant en 2018. Ce titre est attribué par vote par les membres du groupe et celui qui le détient a de nombreuses responsabilités en ce qui a trait aux événements couverts, ainsi que gérer les problèmes apportés par les individus. En 2016, Marc a tourné une première démo du documentaire en se rendant au Comiccon de Montréal, dans le but d’attirer l’attention des producteurs (nous avons couvert cette époque dans cet article). Certains segments de cette démonstration, comme celui où Jeff et Kim parlent de leur premier contact avec la franchise, se retrouvent dans le montage final du documentaire. On peut voir dans ces images que la passion pour Star Wars est bien présente au Québec. Par exemple, le nombre de membres de la Forteresse Impériale a plus que doublé entre 2015 et 2017, passant de 60 membres à près de 150. Avec l’arrivée des nouveaux films produits depuis le rachat par Disney, une toute nouvelle génération de fans s’est jointe aux légions de vétérans.
Le réalisateur a travaillé à temps partiel sur son film entre 2015 et 2017, avant de s’y investir à temps plein jusqu’en 2020. La grande majorité du tournage s’est fait en 2017 et 2018, période où il a filmé plus de 150 heures de contenu. 2019 et 2020 ont vu ce rythme de tournage ralentir alors que la grande partie du travail se vouait au montage. Les dernières images ont été tournées en Tunisie, alors que l’on y suit Malgus et Steeve Gros-Louis, le propriétaire de la boutique Kaia située à Wendake et spécialisée dans la vente d’objets de collection de la franchise. Les deux comparses ont visité plusieurs lieux de tournage du film original comme la demeure de Luke et de son oncle Owen et sa tante Beru. L’équipe a été très chanceuse, car ils se sont rendus sur place à peine une semaine avant la mise en place des restrictions dues à la pandémie de COVID-19. Par la suite, le dernière portion de l’année 2020 et l’année 2021 ont été réservées presque exclusivement au montage. La version finale du documentaire a été complétée en avril dernier, avec comme travail restant le mixage du son, le titrage et les sous-titres pour les marchés non francophones.
Une production 100 % québécoise qui s’adresse à un public mondial
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la compagnie de production Lucasfilm n’a pas été impliquée dans le documentaire, il s’agit d’un produit complètement indépendant. Cela dit, Marc et son équipe ont pris soin de ne pas avoir de problèmes légaux avec les propriétaires de la franchise et les quelques segments officiels tombaient dans l’utilisation équitable (fair use). Ils ont eu besoin de changer légèrement le logo du documentaire qui ressemblait un peu trop à celui des films officiels. Même une interprétation de la Marche Impériale jouée par l’OVMF a dû être tronquée pour éviter les problèmes légaux.
Le film n’a pas été conçu exclusivement pour les fans de Star Wars, même ceux qui ont très peu d’expérience avec la franchise pourront l’apprécier. Aussi, malgré qu’il suit des fans québécois, sa concentration sur le phénomène des fans fait qu’il pourrait provenir de presque n’importe où dans le monde. Le souhait de Marc est que son film passe les frontières et puisse rejoindre un public mondial, tout en ravivant la flamme du « fandom » qui peut facilement s’épuiser face aux demandes du quotidien. Le réalisateur a d’ailleurs voué une part de ses études aux religions et, sans vouloir aller trop loin, leur spiritualité fonctionne sur un principe similaire à la passion que certains ont pour Star Wars. Une part importante du documentaire se porte sur les émotions comme la joie lorsque les membres du groupe se retrouvent après une longue séparation, ou le découragement face aux nombreuses responsabilités et sacrifices que requièrent ce mode de vie. Cet aspect humain fait en sorte que tout le monde peut se retrouver dans les personnages à l’écran, car on vit tous ces émotions à un moment ou à un autre de notre existence.
C’est correct d’être un fan de Star Wars, plus besoin de se cacher !
Ce que Marc souhaite que le public retienne de son documentaire est que les passions sont importantes et nécessaires pour une vie épanouie. Aussi, que malgré notre époque où le jugement est facile et omniprésent avec les réseaux sociaux, on a le droit de vivre nos passions à fond, peu importe ce que les autres pensent. Ce message est particulièrement important pour les adolescents d’aujourd’hui qui baignent dans cet univers de jugement constant depuis presque leur naissance. On devrait avoir le même regard sur celui qui dépense temps et argent dans la conception de son costume de stormtrooper que sur ceux qui dépensent des sommes importantes pour le chandail officiel de leur équipe de hockey préférée. La culture geek prend une place de plus en plus importante dans notre société et ne s’adresse plus qu’à une poignée de fans dans l’ombre.
Le documentaire sera lancé en primeur au Cinéma Le Clap le 7 octobre prochain, avec une sortie sur les services de visionnement l’an prochain.
Pour en connaître davantage sur le film, une visite sur la page Facebook est recommandée.