Le jeu est principalement associé à l’enfance, mais fait partie de la vie de tout le monde. Pourquoi le renions-nous ?
Dans le cadre du festival Montréal joue (notre article), j’ai assisté à la Journée de réflexion sur les jeux et l’éducation qui avait pour thème : Le ludique dans les processus d’apprentissage formels et informels à la BAnQ (Bibliothèque et archives nationales du Québec).
J’y ai fait des rencontres enrichissantes tant sur le plan professionnel (blogueuse chez Geekbecois et mon implication dans les organismes communautaires de ma région) que personnel (femme et mère de famille).
De l’information en formule condensée !
Animée par Vincent Dessureault (que l’on connaît mieux en tant que chroniqueur médias sociaux à Salut Bonjour Week-end), la journée accueillait plus de 10 invités pour partager les résultats de leurs recherches sur le sujet.
J’ai pris quelque temps pour bien assimiler toutes les informations reçues ce jour-là. Certains conférenciers m’ont personnellement touchée plus que d’autres. Je vous offre un bref résumé de chacune des conférences offertes avec mes impressions, divisées en trois articles, chacun représentant un des blocs thématiques.
Premier bloc thématique : Notions et enjeux
Quelle est la place du jeu en éducation ? Est-ce un outil pédagogique ou prétend-il l’être ?
Rolande Filion : Jeux et Éducation : un enjeu !
Psychopédagogue, professeure et auteure du livre Le Système ESAR. Pour analyser, classifier des jeux et aménager des espaces. Revu et augmenté.
Conférencière principale, Madame Filion est psychopédagogue et enseigne la psychologie du jeu et le Système d’analyse ESAR. Elle est coauteure de quatre ouvrages édités portant sur le jeu. Fondatrice de trois ludothèques : à Québec, à Opitciwan pour la communauté Atikamekw au Québec et à Kinshasa, au Congo ; elle est conseillère pour l’Organisation Mondiale pour l’Éducation Préscolaire.
En jouant, nous n’adoptons pas la même posture quand il y a un enjeu. Lorsque nous cherchons à atteindre un résultat, nous jouons plus sérieusement. Cependant, le jeu doit rester libre, hors apprentissage, autant pour les enfants que les adolescents.
Nous apprenons par essai et erreur.
Selon le système ESAR, le jeu se divise en quatre catégories :
- Le jeu d’exercice (par exemple, un bébé qui joue avec un hochet)
- Le jeu symbolique (nous fait revivre des émotions)
- Le jeu d’assemblage (les casse-têtes et les blocs)
- Le jeu de règles (notre dada en tant que geek)
L’essentiel est d’adapter le jeu au niveau du développement du joueur et de se méfier du commerce. Les hochets ne sont pas nécessairement conçus pour les petites mains d’un poupon.
Nous, geeks de jeux de société, nageons comme des poissons dans l’eau quand il y a des règles. Il faut faire attention à ne pas l’introduire trop tôt dans l’enfance pour éviter de brûler des étapes.
Vous reconnaissez-vous dans cette situation ? Vous montrez avec grande passion un jeu à votre mini-geek, il s’efforce de le comprendre et d’y jouer selon les règles pour vous faire plaisir. Une fois la partie terminée, il (ou elle) demande : « Est-ce qu’on peut aller jouer maintenant ? »
Pour en savoir plus, je vous invite à consulter son livre Le Système ESAR. Pour analyser, classifier des jeux et aménager des espaces. Revu et augmenté.
Table de discussion : Jouer et laisser jouer !
Animée par Caroline Kakosza
Margaret Fraser (co-fondatrice et coordonnatrice Le Lion et la Souris)
Stéphanie Watt (conseillère de Ville arrondissement Rosement-La-Petite-Patrie)
Mathieu Point (professeur département des sciences de l’éducation UQTR)
Tous les jeux sont éducatifs, sauf les jeux éducatifs.
Le sujet principal de la table de discussion était que les parcs ont été conçus par des adultes et laissent peu de place au jeu libre.
Margaret Fraser
Le Lion et la souris encourage le jeu risqué (se cacher, jouer dans les arbres, glisser sur la glace). Les adultes y sont mal à l’aise par peur que leur enfant se blesse.
Le jeu libre à l’extérieur y est valorisé. Les adultes ont de la difficulté à ne pas s’en mêler.
Stéphanie Watt
Il ne peut pas construire de châteaux de sable et les modules sont construits dans le but d’être sécuritaires et non pour l’exploration et l’imagination. Ils sont donc pauvres et stériles pour les enfants. Nous sommes tentés de rendre le jeu productif.
Mathieu Point
L’enfant ne joue pas pour apprendre, mais apprend en jouant. Si nous nous imposons dans leur jeu, il devient le nôtre.
En résumé
Le jeu est un droit fondamental des enfants. Nous sommes tentés de les punir en coupant leur période de jeu, mais ils en ont besoin. Pour être riches, les parcs devraient laisser d’avantage de place aux jeux libres en ajoutant des buttes, du sable sculptable , des pneus pour grimper, etc.
Alexia Bhéreur-Lagournaris, ABLBLALAB
Cochez ici si vous n’êtes pas un robot
Arrivée sur scène en dribblant un ballon, Madame Alexia Bhéreur-Lagournaris est la fondatrice et la directrice artistique de ABLBLALAB, une entreprise de conception de jeux événementiels. Elle offre des jeux à portée sociale vers une nouvelle appellation de divertissement responsable.
Elle nous a humblement présenté plusieurs citations de grands penseurs :
L’imagination est plus importante que la connaissance. – Albert Einstein
Il faut agir, c’est une question d’attitude, le rôle de l’affect doit être considéré, on doit être touché pour que notre conscience nous fasse agir et que chacun soit dynamique. – Hubert Reeves
ALBLALAB nous incite à jouer selon nos valeurs et s’inspire des 7 valeurs culturelles de Schwartz. Tous les jeux sont des véhicules de valeurs, et le langage du jeu est engageant par l’interactivité qui agit de manière manifeste : les ressenties se révèlent en contact et sont imbriquées pendant toute la durée d’une partie.
L’autonomie | Indépendance de la pensée et de l’action, possibilité de choisir, de créer, d’explorer |
La stimulation | Enthousiasme, variété et de nouveaux défis à relever dans la vie |
L’hédonisme | Plaisir ou gratification sensuelle personnelle |
La réussite | Le succès personnel obtenu grâce à la manifestation de compétences |
Le pouvoir | Statut social prestigieux, contrôle des ressources et domination des personnes |
La sécurité | Sûreté, harmonie et stabilité de la société, des relations entre groupes et entre individus, et de soi-même |
La conformité | Modération des actions, des goûts, des préférences, et des impulsions susceptibles de déstabiliser ou de blesser les autres, ou encore de transgresser les attentes ou les normes sociales |
La tradition | Respect, engagement et acceptation des coutumes et des idées soutenues par la culture ou la religion |
La bienveillance | La préservation ou l’amélioration du bien-être des personnes avec lesquelles on se trouve fréquemment en contact |
L’universalisme | Compréhension, estime, tolérance et protection du bien-être de tous et de la nature |
Source : http://wiki.teluq.ca/wikitedia/index.php/EDU1070_:_Les_valeurs_selon_Schwartz
Pendant le cocktail, nous avons eu le privilège de jouer au prototype de BABUPA – Banc Public Parlant (notre article).
Geekbecois vous reviendra dans les prochains mois sur les autres projets de ALBLALAB.
Jonathan Bonneau, coordonnateur laboratoire en Médias Socionumériques et Ludification à l’UQAM
L’apprentissage par le jeu de rôle grandeur nature ;
Entrevues et biométrie un esprit sain dans un corps sain
Monsieur Jonathan Bonneau nous a présenté son approche de l’apprentissage par le jeu Grandeur Nature. Lorsque nous jouons un personnage, nous pouvons expérimenter des actions qui sont interdites, tuer quelqu’un, par exemple.
Nous en subissons les conséquences dans le jeu sans les avoir dans la vie réelle.
Le jeu de rôle
Le jeu de rôle est aujourd’hui reconnu comme technique de développement professionnel et thérapeutique, mais dans le milieu de l’éducation, il est rempli de préjugés, d’incompréhension de l’activité (même chez les joueurs).
Il se situe entre le sport, le théâtre, la reconstitution historique et le camp de jour.
Il nous a davantage parlé de Mellyn en Ennorath, une école de Grandeur Nature de type médiéval-fantastique qui s’adresse aux jeunes, autant garçons que filles, entre 9 et 17 ans inclusivement.
Un esprit sain dans un corps sain
Le corps : Quoi ?
- Plein air (santé) ;
- Artisanat (individualisation) ;
- Diction (qualités oratoires) ;
- Combat (accomplissement de soi) ;
- Activité physique (dépense d’énergie)
Le corps : comment
- Planifier la liberté d’action et de déplacement dans un cadre scénarisé qui permet à chacun d’agir selon leurs capacités et leurs besoins ;
- Mettre en place diverses activités et obstacles physiques optionnels pour encourager le dépassement de soi et l’entraide
L’esprit ?
- Représentation et redéfinition de soi (aller plus loin que sa réputation) ;
- Connaissance de soi (limites et capacités) ;
- Partage de connaissances (lecture, écriture, autres langues) ;
- Créativité ;
- Capacités oratoires ;
- Mémoire ;
- Stratégie ;
- Organisation ;
- Éthique et morale ;
- etc.
Dans le cadre de ses recherches, il a comptabilisé les données (pouls, calories brûlées, pas de marche, indice de masse corporelle) à l’aide d’un moniteur d’activité physique porté au poignet pendant les séances.
Les résultats furent les mêmes chez les jeunes, peu importe leur situation socio-économique et leurs différents troubles (comportementaux et autres).
Durant les séances de jeu, les jeunes ont démontré une grande activité cérébrale propice à l’apprentissage de nouvelles informations, retenir les faits les entourant et résoudre les situations à problème.
Le jeu de rôle est donc universel.
Mes impressions
Personnellement, le jeu de rôle me rend inconfortable, mais je reconnais ses bienfaits. Mon introverti de « mini-geek » a participé pendant quelques mois à une ligue de Donjons et Dragons. Bien qu’il était le seul enfant du groupe, je l’ai senti à sa place dès la première séance. J’ai vu mon petit garçon s’imposer, monter sur une chaise pour s’exprimer. Il travaillait son personnage et attendait avec impatience la prochaine rencontre. Également, j’ai vu une nette amélioration de ses notes en exposé oral à l’école.
On me parlait des jeux de rôle grandeur nature depuis des années et j’étais intriguée. En août 2018, j’avais cruellement besoin de décrocher du stress quotidien et j’ai décidé d’accompagner mon copain à Bicolline. Depuis 15 ans, il attendait ce moment avec impatience. Je suis partie dans l’esprit de relaxer dans la section camping non décorum et le laisser « jouer à la guerre avec ses amis » le jour et visiter le village en soirée. À ma grande surprise, je me suis laissée emporter ! J’ai participé à plusieurs des activités et joué à la porteuse d’eau lors des grandes batailles de la semaine. Et quelle libération de courir en hurlant sa vie pendant une bataille ! Cette année, je ne serai pas qu’une simple observatrice !