L’âme de Motorola a toujours été l’une des plus reconnaissables dans le monde de la mobilité. Créateurs mêmes de plusieurs technologies cruciales aux réseaux de télécommunication cellulaires, ils sont aussi dans les premiers à avoir créé des appareils pour utiliser cesdits nouveaux réseaux. Je vous invite à vous rappeler le vétuste et classique MicroTAC, le grand classique du téléphone flip et reconnaissable par presque tous. Après plusieurs années vint le deuxième grand classique de Motorola, la lignée RAZR (et son enfant direct, le KRZR). Venu à point nommé, cet appareil avait re-catapulté Motorola dans le feu de l’action, au milieu d’une compétition extrêmement féroce. Puis, à l’avènement de l’ère des Intelligents vint le Droid, qui a une fois de plus remis Motorola sur la scène comme un joueur féroce dont il faut se méfier.
Mais l’arène des téléphones intelligents est différente de celle des appareils contrôlés et basés sur les fonctionnalités et non sur le potentiel, sur une plate-forme ouverte aux développeurs. Motorola, de l’avis de certains, peine à se démarquer de la masse, et de l’avis d’autres, modifie trop le système Android à leur goût. Encore d’autres vont dire de Motorola que leur identité, leur “image” en tant que constructeur, est indéfinissables. Et de ces critiques vint la résurrection d’un classique, d’une marque qui a défini Motorola dans l’imaginaire collectif.
Comparé à tous les téléphones Android produits à ce jour, le RAZR nouveau peut-il remettre ses lettres de noblesse à Motorola et redorer leur blason aux yeux des utilisateurs ?
Je suis tenté de dire oui.
L’appareil
Le Motorola RAZR, disponible au Canada depuis le 7 novembre 2011 chez Rogers et sur Fido dès le 10 janvier 2012, talonne de près la configuration interne du Galaxy Nexus. L’appareil possède une puce centrale double-coeur TI OMAP série 4430, qui inclut une puce vidéo SGX PowerVR 540 cadencée à 300mHz, 1gb de mémoire vive LPDDR2, 16 GB de mémoire interne, et (surprise) un écran AMOLED de 4.3 pouces possédant une résolution qHD (960×540), et donc une précision de 256 points par pouces. Pour compléter, outre les composantes classiques telles le WiFi, Bluetooth, un emplacement microSDHC, une puce NFC [non utilisée présentement] et le GPS, le RAZR possède une caméra frontale de 1.3 Mpx, et une caméra arrière de 8 Mpx qui peut capturer des séquences vidéo en 1080p. Sans être une révolution dans le monde mobile, l’offre matérielle ici présente est tout ce qu’il y a de plus normal pour un appareil haut de gamme.
De gauche à droite : Classique, Nexus One, RAZR, Galaxy Nexus
Apparence et maniabilité
Vu la nature du produit, qui, à mon sens, symbolise un renouveau chez Motorola et un “retour aux sources” côté design, nous avons droit ici à un boîtier fin et extrêmement bien fini, d’apparence et de construction solides et qui a une bonne tenue en main. De plus, on a droit à un couvre-batterie de très bonne qualité, et fait en kevlar. Non, ce téléphone ne bloquera pas une balle perdue, mais quand même, l’agencement du matériau et du boîtier s’est très bien fait.
Comme plusieurs appareils haut de gamme récents de Motorola, la connectique externe du RAZR suit un choix divergent. Là où HTC et Samsung offrent déjà depuis des mois un port appelé MHL, qui se veut un connecteur unifié HDMI/microUSB, nous avons ici deux ports distincts, un pour l’alimentation, l’autre pour la télévision. Certains diront que cette disposition des ports est plus pratique pour connecter l’appareil à une télévision et recharger en même temps, et force est de constater que c’est le cas, vu que les télévisions supportant le MHL ne sont pas courantes. Motorola dira que leur configuration est pensée avec les appareils de type Lapdock en tête, mais je suis bien obligé de dire que je n’y accorde aucune importance pour l’instant. Le concept en soi est peut-être intéressant, mais l’exécution demeure extrêmement malhabile. Si jamais Motorola modifie le fonctionnement de leurs stations d’accueil pour convertir le cellulaire en “tablette” Android, telle l’idée du Padfone de Asus [avec ou sans écran tactile], l’idée du Lapdock aura une meilleure chance en tant qu’argument de vente véritable.
Finalement, je critique le choix peu judicieux de Motorola de s’être lancés dans la course à la minceur et d’avoir remporté les honneurs avec classe… Leur coûtant ainsi un choix pour l’utilisateur et des factures de garantie salées. Le constructeur a décidé de ne pas offrir de batterie interchangeable, ce qui a pour effet d’amincir l’appareil, pour sûr, mais aussi que dès qu’un problème d’alimentation survient post-garantie, l’utilisateur est dans de beaux draps et devra probablement changer de téléphone. Tactique de vente, erreur de jugement ou tout simplement décision de style, il n’en reste pas moins que ce détail est pour moi peu appréciable et doit être souligné. C’est vraiment un couteau à deux tranchants.
Système interne
Si vous vous rappelez ma critique du Pro+, vous saurez que je ne suis pas très chaud à l’idée d’utiliser “L’expérience Motorola” [anciennement MotoBLUR], reconnue pour être l’une des modifications de constructeur les plus ralentissant du marché. Ceci est toujours vrai pour le RAZR… à un détail près : le RAZR est rapide. Autant, comme d’habitude, les modifications sont multiples et omniprésentes, autant le système lui-même, quoi que rendu un peu instable, est utilisable. Pour une rare fois, je suis capable d’apprécier, et non pas de pleurer devant, les modifications de Motorola. Cela ne veut pas dire que j’approuve le niveau de différenciation de MotoBLUR face à Android Standard ; étant un développeur, je mettrai toujours mon vote sur un appareil qui possède l’interface “normale” de Android. Mais au moins, cette fois-ci, c’est utilisable et beau à voir.
Pour ce qui est des fonctionnalités, l’utilisateur se trouvera devant une omniprésence de potentiel. Motorola a, de mes recherches, peu modifié le système de base au niveau des fonctionnalités offertes ; en fait, la seule fonctionnalité que je n’ai pas retrouvée est le VoIP. Depuis Gingerbread/2.3, Android est supposé inclure une infrastructure SIP permettant à l’utilisateur de configurer sa boîte VoIP sur son appareil mobile ; ceci étant dit, à part le Nexus, je n’ai pas vu d’appareils incluant cette option… C’est à croire que les fournisseurs canadiens mènent la guerre à cette fonctionnalité ! Sinon, Motorola a inclus dans son nouveau BLUR des outils normalement téléchargés par les utilisateurs : synchronisation Facebook/Twitter, boîte de messagerie unifiée (SMS/Twitter/Facebook dans une boîte commune si tel est votre désir), surveillance de la consommation de données… La surveillance de consommation est aussi une fonction livrée dans ICS, qui, doit-on le rappeler, a été révélé le même jour que le Motorola RAZR.
En tout et pour tout, je continue de pester contre BLUR, mais force est d’avouer que c’est enfin rendu utilisable.
À l’utilisation
Gros contraste, totalement opposé au reste de l’article : même avec les failles que j’ai décrites en longueur, j’ai apprécié mon expérience avec le RAZR. L’interface, quoique surchargée et quelques fois mal conçue, est agréable à utiliser, plus souvent qu’autrement belle à voir, et de plus en plus de fonctions sont tout simplement évidentes. Tout n’est pas parfait ; par exemple, j’ai constaté plus d’une fois du tearing sur l’écran, vu que leur lanceur semble utiliser la puce vidéo pour s’afficher. Même avec ce bogue, la plupart du temps, l’exécution est relativement belle à voir, avec quelques effets graphiques intéressants, et est juste assez rapide.
Par contre, gros bémol sur l’écran : l’arrangement de pixels PenTile, normalement adéquat sur la plupart des téléphones de nos jours, est tout simplement laid sur le RAZR. L’écran qHD est en fait un qHD virtuel, car l’arrangement PenTile utilise moins de pixels pour “émuler” une résolution plus grande, ce qui fait des économies d’échelle au niveau de la production des écrans… mais qui donne aussi quelques fois des résultats désastreux. Un geek qui a un oeil minimalement fin saura déceler le détail de couleur sur des lettres blanches affichées sur le RAZR, et personnellement, ça m’a agacé l’oeil tout au long de mon évaluation.
Verdict
Depuis longtemps, je clame que Motorola tarde à arriver sur le marché Android avec quelque chose de frais, au goût du jour, et novateur ; qu’ils ne font que rattraper leurs compétiteurs et n’ont aucune ambition de se démarquer ; et que les expériences qu’ils lancent, tel le Lapdock, sont vouées à l’échec.
Le RAZR est un vent de fraîcheur, et le nom est synonyme de quelque chose qui manquait à Motorola pour que j’y croie : ils veulent prendre les devants. Et après l’évaluation de cet appareil, je ne peux que souhaiter qu’ils continuent.