Dans la dernière année, j’ai renoué avec un vieil ami. Un ami que j’ai longtemps renié par peur du jugement. Un ami qui m’avait pourtant fait vivre d’incroyables moments. Les gens le croient insalubre, immature ; on lui attribue une étiquette peu enviable. Malgré tout, j’ai voulu retrouver cet ami, motivé par les heureux souvenirs des instants passés à ses côtés. C’en est assez, je ne le cache plus et je l’affirme ouvertement.
… je joue à Donjons & Dragons. Six fois par mois. Et j’adore ça.
Idées préconçues
Vous l’aurez compris, cet ami n’existe pas vraiment. Néanmoins, si j’ai opté pour cette introduction, ce n’est pas que par souci de style. Non, j’illustre ici une réelle préoccupation qui m’a habité pendant des années. Certes, je jouais à D&D de temps à autre, mais j’évitais d’en parler. J’allais jusqu’à le cacher. Heureusement, cette ère est révolue. Dernièrement, plus confiant que jamais, j’ai décidé de m’attaquer au stéréotype impitoyable que l’on associe à tout ce qui concerne jeu de rôle papier.
J’ai rapidement constaté que les gens n’ont pas une idée claire de ce en quoi ça consiste. Je comprends alors qu’on puisse croire que D&D est un art occulte auquel une poignée de geeks s’adonnent. J’entendais récemment un animateur radio qui, discutant de jeux de société, se moquait de D&D en demandant si le port de la cape y était vraiment obligatoire. J’avoue avoir trouvé ça drôle, mais cette raillerie m’a fait réaliser que le mythe qui entoure le jeu de rôle papier est encore bien établi, car on le comprend mal. La meilleure façon de démentir ce préjugé est d’en parler.
Un passe-temps comme un autre… ou pas
Pour ceux qui n’ont aucune idée de comment se déroule une partie de Donjons & Dragons, je vous invite à visionner le vidéo ici-bas. Il s’agit d’une session organisée et enregistrée par Es-tu game ? qui met en scène trois membres des Appendices avec comme invité l’humoriste Yannick de Martino. Ce dernier n’est pas du tout familier avec le jeu : il apprend en cours de route, un peu comme vous le ferez lors de votre visionnement. Qui plus est, c’est très loufoque et divertissant.
Si vous êtes à court de curiosité, manquez de temps ou si vous lisez cet article au travail entre deux fichiers Excel que vous faites surgir spontanément au passage de votre employeur, retenez ce qui suit :
Il y a deux types d’acteurs dans un jeu de rôle : les joueurs et le maître du jeu. Les joueurs incarnent un personnage inventé dans un monde imaginé et dirigé par le maître du jeu. Le tout est régi par des règles élaborées par le concepteur du jeu qui régissent, entre autres, la progression et les facultés de votre personnage. Le résultat ressemble à une grosse partie d’improvisation où le maître du jeu défie les joueurs à travers différents obstacles que ces derniers doivent braver parfois en tirant des dés, parfois en cogitant.
Une partie d’impro
L’improvisation est l’élément clef du jeu de rôle. En effet, comme l’humain est imprévisible et que le jeu de rôle confère une liberté d’action pratiquement sans borne, maître du jeu et joueurs se relancent sans cesse. Il est impossible de prédire le déroulement d’une partie. C’est précisément là que réside la richesse incroyable du jeu de rôle ; il se bâtit en groupe. À l’instar du jeu de société où des règles très établies guident le déroulement du jeu, le jeu de rôle offre une expérience absolument unique à chaque coup. Souvent, on sort de ces parties avec, en tête, des événements mémorables qui se racontent mal tant ils sont intimement liés à l’expérience du moment. J’ai eu plus d’un sourire niais au souvenir d’une bonne partie.
On peut facilement faire un parallèle avec l’improvisation, cette discipline inventée au Québec qui consiste à construire, devant public, des saynètes souvent rigolotes à partir de presque rien. Comme c’est le cas de l’improvisation, le jeu de rôle papier est une discipline enrichissante ; elle oblige le participant à créer dans l’immédiat en tenant compte d’une pluralité de facteurs. Elle apprend aussi une forme de communication implicite, une interaction indirecte entre les participants dans le but de donner du mordant à la trame narrative. Ainsi, les joueurs sont portés à proposer des actions ayant pour but d’agrémenter la scène en cours. Le maître du jeu, lui, fournit un contexte stimulant qui offre des possibilités intéressantes aux joueurs. Joueurs et maître du jeu renchérissent donc sans cesse et construisent ensemble, comme les participants d’un match d’improvisation.
Il faut le vivre pour y croire
Ainsi, le jeu de rôle papier n’est pas un divertissement bête. Il développe des facultés sociales importantes qui peuvent s’avérer utiles dans la vie de tous les jours. Improviser et comprendre l’implicite sont effectivement des processus cognitifs complexes qui peuvent être renforcés par le jeu de rôle papier. L’idée faite veut qu’une partie de D&D soit un exutoire étrange. En réalité, une partie de jeu de rôle ressemble à une grande scène d’improvisation où joueurs et maître du jeu bâtissent ensemble un scénario riche, personnel, stimulant et divertissant.
Vraiment, il faut s’initier au jeu de rôle papier pour réellement l’apprécier. Demandez à votre entourage, je suis persuadé que vous trouverez quelqu’un prêt à vous y introduire. Sinon, certains bars ludiques offrent des soirées dédiées à D&D. Bref, tentez l’expérience, vous verrez bien que ce n’est pas réservé aux plus geeks d’entre nous. Une fois que vous serez accrochés, souvenez-vous de cet article : vantez le jeu de rôle, informez les gens autour de vous. Si vous tombez sur quelqu’un de têtu, utilisez cet argument béton ; même Vin Diesel joue à Donjons & Dragons !
Excellent article, avec un côté presque psychosocial! J’ai renoué également avec les jeux de rôles depuis que je suis blogueuse pour GB! Je partage ton avis! Bonne continuation!
Merci beaucoup! :)