La thématique de l’exploration, la colonisation et la transformation de la planète Mars revient fréquemment ces derniers temps. Et pourquoi pas ? Après tout, c’est la prochaine frontière de l’humanité, alors que la NASA s’attend à envoyer une première mission incluant des femmes et des hommes d’ici 2033. Terraformers vient donc ajouter sa voix au concert des jeux qui offrent la possibilité de construire une ville et de gérer des ressources dans un environnement martien. Reposant sur un système de cartes à jouer qui rappelle Kingdom Reborn, Terraformers permettra au joueur de tenter de remplir une panoplie d’objectifs pour sa colonie martienne… tant et aussi longtemps que les Dieux de l’aléatoire seront de son côté.
- Studio de développement : Asteroid Lab
- Éditeur : Goblinz Publishing
- Plateformes disponibles : PC, MacOs, Linux
- Plateforme de test : PC
- Date de sortie : 21 avril 2022 en accès anticipé
- Classement : Non disponible, actuellement en accès anticipé
- Prix : 22,79$ sur Steam
- Page Steam du jeu
La présente critique a été réalisée sur la version en accès anticipé disponible au moment d’écrire ces lignes. Bien que le jeu dispose de suffisamment de contenu pour avoir une bonne idée de son potentiel, il faut admettre que l’on atteint rapidement la limite. Qu’à ne cela tienne, nous allons nous attarder à ce qui est actuellement disponible pour nous donner une idée de Terraformers.
Survivre sur la planète rouge
Terraformers est donc un jeu de construction de cité et de gestion de ressources à un seul joueur, dans lequel vous devez bâtir des colonies sur Mars et, dépendamment du scénario, atteindre divers degrés de terraformation de la planète rouge. Si cette proposition vous semble familière, vous avez tout à fait raison, puisque les jeux qui s’inspirent de l’exploration martienne ne manquent pas ces temps-ci. À titre d’exemple, j’ai récemment publié une critique de l’excellent Surviving Mars du studio Paradox.
Après un tutoriel assez long, mais somme toute bien ficelé, vous aurez à choisir parmi différents scénarios afin de fixer les objectifs de votre prochaine partie. Certains focalisent davantage sur la terraformation, alors que d’autres se concentrent sur les projets spatiaux ou la collecte de ressources. Certains mélangent un peu de tout avec un système de points de victoire que vous obtenez en faisant progresser tous les aspects de votre colonie. Combiné au fait de débloquer des bâtiments et des scénarios supplémentaires en prenant des niveaux, ce qui se produit en réussissant des scénarios, cela ajoute une bonne durée de vie à Terraformers.
Dès le lancement du jeu, vous vous rendrez compte que votre liberté à titre de gestionnaire de cité est plutôt limitée. La configuration du terrain des villes présente un certain nombre d’emplacements prédéterminés pour de futurs bâtiments avec des connexions entre eux générées aléatoirement. Pour la géographie de la planète, c’est sensiblement la même chose, alors que les zones entourant votre ville de départ et pouvant être explorées sont également générées aléatoirement, avec des ressources, des points d’intérêts ou des cases vides présentées au hasard. À chaque début de tour, vous vous faites présenter trois (ou plus, en fonction de vos bâtiments) cartes à jouer qui représentent des bâtiments ou des projets que vous pouvez construire. Vous en choisissez une que vous ajoutez à votre main et pourrez utiliser pour ajouter un bâtiment si vous disposez des ressources nécessaires pour jouer la carte. Vous voyez donc que les mécanismes principaux reposent sur une chance aléatoire d’obtenir un bon trio de configuration de villes, d’emplacements / ressources intéressants et des cartes à jouer appropriées.
Étonnamment, pour un jeu qui se déroule sur une planète hostile, la principale menace à votre projet de colonie ne viendra pas des météores, du manque d’oxygène, de la radiation ou d’un approvisionnement déficient. Non, dans Terraformers, vous devrez craindre comme la peste les éléments qui font baisser le support des habitants de la planète rouge envers votre projet de colonisation et de terraformation. Certains bâtiments, comme des générateurs d’énergie polluants affecteront négativement la jauge de support, alors que d’autres, comme des bains publics, l’affecteront positivement. Si la jauge tombe à 0, vous perdrez le privilège de gouverner la destinée de Mars et, conséquemment, la partie prendra fin.
Non seulement cela est-il un choix de mécanique surprenant pour un jeu qui aurait dû inclure une thématique de survie en territoire hostile à la vie humaine, mais en plus le simple fait de progresser dans le temps rendra la population de plus en plus difficile à satisfaire, si bien que vous êtes continuellement sur un chronomètre imbriqué dans les mécaniques du jeu. Cela signifie que même si vous êtes le dirigeant le plus attentionné aux besoins de vos colons, inévitablement ils finiront par se lasser de votre gouvernance. En effet, à des intervalles réguliers, le jeu vous mentionnera simplement que les gens ont des attentes plus élevées à votre égard et que le support à la mission baisse drastiquement. Au mieux, grâce à quelques actions bien réalisées, vous aurez quelques tours de plus. Les tempêtes de poussière et autres désastres martiens n’auront pas d’impact sur votre support, bien qu’ils puissent endommager des bâtiments qui vous maintiennent au pouvoir.
Une nouvelle maison pour les êtres humains
Vous comprendrez alors que j’ai eu le sentiment de participer à un jeu dont l’essence même favorise le speedrun. Si vous êtes le genre de joueur qui adore se mesurer à des chronomètres, vous ne verrez peut-être pas la problématique. Ceci dit, il vous semblera sans doute futile de tenter de maximiser le confort de vos citoyens si, indépendamment de vos efforts, le jeu sabote vos efforts et vous pousse à la défaite sans raison particulière.
Une fois que ceci est dit, il n’en demeure pas moins que Terraformers a quelques atouts dans sa manche qui rendent les parties intéressantes. D’abord, elles sont plutôt brèves, une ou deux heures entre le début et la fin d’un scénario, ce qui en fait un jeu très intéressant pour les joueurs plus désinvoltes – casuals –. Ensuite, le système qui permet de choisir périodiquement son dirigeant – qui offre des bonus visant à prioriser certains aspects de la colonie – est amusant et permet une certaine personnalisation de l’expérience. Jusqu’à un certain point, j’aurais tendance à dire que j’aurais préféré que les choix des dirigeants aient encore davantage d’impact sur les options et les bonus du joueur. Mais un bon combo de cartes à jouer et de dirigeant demeure très satisfaisant à réaliser.
Les ressources, autour d’une douzaine, présentent des défis d’acquisition intéressants. Encore une fois, vous serez immensément tributaire de l’aléatoire pour déterminer les ressources auxquelles vous avez accès et celles qui sont hors de votre portée. Comme mentionné précédemment, puisque les lieux sur la planète et la géographie martienne sont générés aléatoirement, il est possible de se retrouver dans une situation périlleuse. Par exemple, dans l’une de mes parties, j’avais une surabondance d’eau, alors que les ressources minérales étaient faméliques. Heureusement, un système de route de commerce avec la Terre permet à chaque tour d’échanger une ressource pour une autre, ce qui vient atténuer l’aléatoire.
En plus des éléments plus traditionnels de collecte de ressources sur la carte du monde ou via des bâtiments et l’accroissement de la colonie, Terraformers vous offrira la possibilité de réaliser des projets spatiaux d’envergure, par exemple une ceinture artificielle autour de la planète, ainsi que de changer le biome de Mars afin de rendre la planète plus habitable pour les humains. Ces projets ne sont pas à négliger, car ils donnent un réel sens de progression dans le jeu, en plus d’offrir des bonus considérables.
Avez-vous fait votre prière aux Dieux du RNG ?
Plusieurs internautes ont fait la comparaison entre Terraformers et des jeux de société. Je ne partage pas cette impression parce que, même dans les jeux de société qui reposent sur le hasard pour dicter un certain nombre d’éléments, il existe habituellement des mécanismes afin de contrebalancer cela et offrir une certaine équité dans la partie. J’ai trouvé que Terraformers pouvait être particulièrement ennuyeux – à ne pas confondre avec difficile – si pendant plusieurs tours, les items dont vous avez besoin n’apparaissent pas alors que vous voyez le support dans votre colonie fondre comme neige au soleil, sachant très bien que les dés sont pipés.
Vous connaissez l’expression visant à donner une offrande aux Dieux du RNG – Random number generator - ? Il s’agit d’une expression consacrée à l’époque des Diablo qui comptent sur l’aléatoire pour déterminer les items qui seront trouvés et accentués dans le cadre de la série X-COM, où les chances d’atteindre un adversaire sont basées sur un pourcentage généré aléatoirement par l’ordinateur. Dans Terraformers, toutes les parties vous remettront entre les mains capricieuses des Dieux du RNG, puisque pratiquement toutes les mécaniques font appel à leurs pouvoirs… randoms. Préparez donc vos offrandes.
Ceci dit, un peu à la manière d’un joueur de Blackjack qui enchaîne les 21 se sentira, lorsque les combos parfaits ou efficaces se présentent, il y a une grande satisfaction. Les joueurs bénéficient quand même d’une certaine marge de manœuvre afin de préparer le terrain à l’arrivée de cette carte à jouer si nécessaire, un peu de la même manière que dans Tetris, on laisserait une ligne droite de quatre cubes ouverte en attendant la pièce providentielle.
Ceci dit, cela crée une progression inégale qui ne mesure pas la capacité de gestion ou stratégique du joueur, mais plutôt sa chance de recevoir aux bons moments les bonnes cartes. Et contrairement à des jeux comme KARDS – The WWII Card Game, qui permettent de modifier les jeux – decks – de cartes à jouer, Terraformers nous laisse nous débrouiller avec ce que le jeu nous propose. Pourtant, en montant de niveau, on débloque l’accès à de nouvelles cartes, souvent plus pertinentes que les cartes de base. Il aurait été intéressant d’offrir des options de personnaliser son jeu de cartes afin d’optimiser des stratégies qui, au final et indépendamment de toute la pensée tactique possible, reposeront lourdement sur l’aléatoire.
Ajoutons finalement à cela un système d’événements aléatoires, positifs comme négatifs, et vous vous retrouverez avec un jeu qui double, voire même triple la mise sur des éléments de hasard. J’ai eu des parties extrêmement simples, sans défi, alors que pour des objectifs humbles, j’ai parfois eu beaucoup de difficulté. L’absence de sentiment de progression cohérente est un gros bémol à Terraformers.
Il reste du travail à faire
Une fois ceci dit, il reste de très bons points à la proposition d’Asteroid Lab. J’ai beaucoup apprécié le style graphique soigné qui rappelle des illustrations idylliques de la vie martienne, par moment, ou l’art des romans graphiques. Les représentations des dirigeants dans leurs archétypes sont particulièrement bien pensées et agréables à l’œil.
La musique est adéquate, elle transporte bien dans l’univers de la planète rouge sans pour autant être époustouflante. Mentionnons la grande durée de vie du jeu, non seulement à cause des nombreuses séquences de scénarios disponibles, mais également en raison de la prédominance de l’aléatoire qui fera en sorte qu’aucune partie ne sera comme la précédente.
Je ne vous dirai pas que je n’ai pas eu de plaisir à tester Terraformers. C’est sincèrement un bon jeu pour ceux qui ne veulent pas se prendre la tête ou qui apprécient les combos réussis. Si vous êtes le genre de joueur qui, dans Tetris, attend avec impatience une pièce d’une forme précise et qui éprouve beaucoup de plaisir à voir son plan se concrétiser, vous retrouverez un plaisir similaire avec Terraformers. Si par contre vous aimez davantage compter sur votre aptitude à gérer une colonie avec un degré d’aléatoire plus modeste, vous devriez probablement passer votre chemin et choisir parmi la multitude d’alternatives pour combler vos ambitions de dirigeant martien.
J’aime
- La thématique et la pertinence de terraformer Mars
- L’esthétisme soigné de la proposition
- Le tutoriel efficace
- Les combos réussis
J’aime moins
- L’aléatoire omniprésent
- Les longueurs
- L’échéance programmée des parties
- Les multiples mécaniques qui reposent sur l’aléatoire
- Les Dieux du RNG
La copie de Terraformers a été fournie par Goblinz Publishing.
Terraformers
Scénario
Graphisme
Bande sonore
Jouabilité
Durée de vie
La prochaine carte, c'est la bonne !
Si Terraformers a beaucoup de potentiel en tant que jeu de gestion de colonie martienne et d’acquisition de ressources, il se retrouve rapidement plombé par sa trop grande dépendance aux facteurs aléatoires. Les mécaniques de changement de dirigeant et d’exploration sont amusantes, mais demeurent dans l’ombre du fait que la meilleure stratégie ne pourra rien contre les aléas capricieux d’un aléatoire omniprésent.