Transformant le silence en moteur de tension et de stratégie collective, Take Time est un jeu coopératif à communication limitée. Conçu par Alexi Piovesan et Julien Prothière, illustré par Maud Chalmel et édité par Libellud, il se joue de deux à quatre participants, dès dix ans, pour des parties d’une trentaine de minutes. Le jeu propose quarante défis répartis dans dix enveloppes, chacune contenant quatre horloges à résoudre.
Le cœur de l’expérience repose sur une alternance entre deux phases : la phase de discussion, durant laquelle, sans avoir encore vu nos cartes, nous élaborons une stratégie commune ; puis la phase de pose silencieuse, où chacun joue ses cartes face cachée, sans communication autre que quelques dévoilements permis par les jetons « œil », en respectant les contraintes de l’horloge (valeurs croissantes, somme maximale de 24, etc.).
J’ai eu un véritable coup de cœur dès ma première partie. Au moment où j’écris ces lignes, je suis à mi-parcours de mon aventure et je me sens partagée : dois-je m’offrir une journée intensive pour franchir toutes les épreuves, ou, tel un trésor que l’on savoure lentement, prolonger mon plaisir en me limitant à une enveloppe par semaine ? Voici pourquoi Take Time est extraordinaire.
Afin de préserver l’expérience de jeu et d’éviter tout divulgâchage, seules les images officielles fournies par Asmodee Canada ont été utilisées pour illustrer cet article.
Take Time : Suspendus au silence, maîtres du temps

- Auteurs : Alexi Piovesan, Julien Prothière
- Artiste : Maud Chalmel
- Éditeur : Libellud
- Nombre de joueurs : 2 à 4
- Durée : 30 minutes
- Année : 2025
- Prix : 34,99$
- Page officielle du jeu
- Page BoardGameGeek
But du jeu
Placer ingénieusement douze cartes face cachée autour d’une horloge en respectant les règles propres à chaque épreuve.
Mécaniques
- Communication limitée
- Résolution de problèmes
- Déduction
Matériel
- Livret de règles
- 12 cartes Solaires (numérotées de 1 à 12)
- 12 cartes Lunaires (numérotées de 1 à 12)
- 3 jetons Rappel
- 3 jetons Bonus
- 10 étuis Chapitre contenant chacun 4 horloges et 1 feuille de règles
- 1 aiguille
- 1 étui Regrets (vide au début du jeu)
- 1 étui Renaissance contenant 1 horloge Renaissance,1 aiguille des secondes et 6 jetons

Comment jouer
Lors d’une partie de Take Time, nous mélangeons les vingt-quatre cartes, solaires et lunaires, mais n’en distribuons que la moitié, répartie à parts égales entre les joueurs. Des règles spéciales s’appliquent toutefois lorsque nous jouons à deux.

Take Time comprend dix chapitres, chacun composé de quatre épreuves qui se déroulent en trois étapes.
- La discussion
Ensemble, nous prenons connaissance des contraintes de l’épreuve (les règles de l’horloge et de chacun de ses quartiers) et, sans avoir consulté nos cartes, élaborons une stratégie collective fondée sur l’anticipation et la coordination. Dès qu’une joueuse a pris connaissance de sa main, plus un mot ne peut être prononcé. - La pose des cartes
Nous glissons nos cartes, une à une, face cachée devant les quartiers de l’horloge, comme si nous déposions des fragments de temps. Chaque geste doit respecter les règles immuables du jeu, mais aussi les contraintes singulières de l’horloge en cours, qui nous défie de composer ensemble une harmonie silencieuse.
- La résolution
Nous vérifions que chaque quartier de l’horloge a bien reçu au moins une carte, comme si nous déposions des fragments de temps dans chacun de ses espaces. Les sommes doivent s’élever avec justesse, dans un ordre croissant qui ne franchit jamais la barrière du 24, gardienne invisible de l’équilibre. Enfin, nous nous assurons d’avoir respecté toutes les règles particulières de l’épreuve, ces contraintes singulières qui façonnent notre aventure et donnent à chaque défi sa couleur unique.
Pour que l’épreuve en cours soit considérée comme réussie, nous devons avoir posé au moins une carte devant chacun des six quartiers. En commençant par celui désigné par l’aiguille et en poursuivant dans le sens horaire, la valeur de chaque quartier doit être supérieure ou égale à celle du précédent, et la somme ne doit jamais dépasser vingt-quatre (sauf pour les trois premières horloges du chapitre un).
Chaque horloge s’accompagne en outre de règles spéciales, détaillées sur la feuille du chapitre que nous découvrons en même temps que les quatre nouvelles horloges. Certaines s’appliquent à l’ensemble du cadran, tandis que d’autres ne concernent que des quartiers précis, parfois même plusieurs à la fois. La plupart de ces règles sont des conditions à remplir lors de la phase de Résolution, tandis que d’autres influencent ce qu’il nous est permis de faire durant la phase de Pose.
Que nous ayons réussi ou perdu, nous mélangeons à nouveau les vingt-quatre cartes dans une même pile.
Réussite
En cas de réussite, nous rangeons l’horloge dans son étui, puis prenons la suivante de la pile que nous plaçons, face visible, au centre de la table. Une fois les quatre épreuves du chapitre accomplies, nous refermons l’étui et poursuivons notre aventure avec le chapitre suivant.
Échec
Si, malheureusement, nous n’avons pas bien anticipé toutes les cartes, nous retournons un jeton bonus, face visible, qui nous permet de jouer une carte visible supplémentaire lors des prochaines tentatives. Après avoir réussi l’épreuve, tous les jetons de bonus sont retournés côté face cachée.
Le tant détesté étui des regrets
En cas d’échec, nous nous retrouvons face à un dilemme déchirant : retenter l’épreuve, animée par l’ardeur de vaincre, ou plier notre orgueil et admettre que le défi était trop grand… pour l’instant. Alors, avec un pincement au cœur, nous glissons l’horloge dans l’étui des regrets, ce sanctuaire des épreuves inachevées. Mais rien n’est jamais figé : tôt ou tard, le temps nous offrira une nouvelle chance, et nous pourrons revenir, plus forts, pour affronter à nouveau ce silence exigeant.
Mon expérience de jeu
J’ai adoré découvrir Take Time et suis très enthousiaste à poursuivre mon aventure ludique.
Les points forts
D’une rare originalité, Take Time nous entraîne dans un univers où le silence devient matière à jouer. Comme dans The Mind (notre article) ou The Crew (notre article), l’absence de communication directe fait naître une tension palpable, mais ici elle se déploie plus loin encore : nous devons planifier ensemble, dans l’ombre de l’inconnu, avant même de découvrir nos cartes. Chaque nouvelle règle surgit comme une contrainte poétique — poser une carte solaire ou lunaire, respecter l’ordre d’un cadran, choisir le moment juste, et la progression, lente et subtile, renouvelle sans cesse l’expérience.

À la différence de bien des jeux de campagne, Take Time ne nous enferme pas dans un groupe figé. Nous pouvons reprendre le fil de l’aventure même après avoir laissé passer une enveloppe ou deux, guidés par les explications de nos compagnons et les feuilles de règles glissées dans chaque défi.
Son esthétique sobre et élégante évoque le passage du temps, comme une horloge intérieure qui rythme notre introspection. La mise en place est rapide, les règles limpides, et l’accessibilité immédiate. Mais derrière cette simplicité apparente se cache une exigence : une coordination fine, une lecture subtile des intentions, une profondeur stratégique qui nous pousse à rejouer encore et encore, pour tenter de « maîtriser le temps ».
Et puis vient l’épreuve de l’orgueil. Refuser l’échec et glisser une horloge dans l’étui des regrets ? Persévérer, croire en notre équipe, et franchir ensemble la ligne fragile entre acharnement et confiance ? Take Time nous place face à nous-mêmes, et c’est là que réside sa grandeur.
Les irritants
Take Time n’est pas exempt de heurts. La frustration s’invite parfois à la table, car tout le monde ne sait pas accueillir l’échec avec sérénité ni accepter de recommencer l’épreuve. Mais le plus grand défi reste le silence : pour certains, il est une montagne insurmontable. Incapables de retenir leurs pensées, ils les laissent s’échapper à voix haute, brisant l’enchantement. Or, parler est interdit, car chaque mot devient un indice, une fissure dans la mécanique subtile du jeu. Et lorsque l’un des compagnons ne parvient pas à se taire, c’est toute l’aventure qui vacille, et avec elle naît une irritation profonde. Car je veux vivre cette expérience dans les règles de l’art, dans la pureté du silence partagé, là où le temps se joue vraiment.
En conclusion
Ainsi, Take Time s’élève bien au‑delà du simple divertissement : il devient une expérience, une traversée silencieuse où chaque carte posée est un fragment de temps partagé. Sa sobriété élégante, sa tension subtile et la profondeur de ses défis l’ont hissé parmi mon top trois des jeux parus en 2025. Et déjà, je sens l’appel des horloges encore scellées : l’envie irrépressible de rouvrir une enveloppe, de replonger dans ce silence habité, et de reprendre mon aventure là où le temps nous attend.
J’aime
- Addictif
- Silence pesant, mais stratégique
- Contraintes évolutives
- Prise en main instantanée
J’aime moins
- Frustration possible
La copie de Take Time a été fournie par Asmodee Canada.
Take Time
Excellent !
Take Time est un excellent jeu coopératif à communication limitée d'une grande sobriété accessible aux joueurs novices et expérimentés.
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