La nouvelle série Squid Game de Netflix est indéniablement un phénomène en soi. Devenue, en quelques semaines seulement, le programme le plus visionné de la plateforme de diffusion en continu, détrônant même la très populaire Bridgerton, elle s’est même invitée dans les cours d’écoles du Québec et a animé plus d’une conversation sur la violence (et la justesse) de son propos autour des machines à café ! Retour et critique de cette série maîtrisée de bout en bout qui mérite le détour.
Avant de débuter, un avertissement s’impose : très violente et troublante, la série Squid Game est réservée à un public mature. Sa cote TV-MA (mature) est amplement méritée. Étant donné la nature des épreuves meurtrières de la série, inspirées de jeux pour enfants très populaires dans les cours d’écoles, il est fortement recommandé de ne pas exposer les enfants au contenu de cette série. Plusieurs écoles du Québec, dont la mienne, ont même envoyé des avertissements aux parents : elles ont sans surprise été troublées par le fait que de jeunes enfants du primaire faisaient semblant de se tuer les uns les autres en jouant à « 1-2-3 Soleil » lors de la récréation ! Bref, à garder en tête lors du visionnement !
- Service de diffusion : Netflix
- Créateur : Hwang Dong-hyuk
- Distribution : Lee Jung-jae, Park Hae-soo, Wi Ha-joon, Jung Ho-yeon
- Durée : 9 épisodes
- Date de sortie : 17 septembre 2021
- Classement : TV-MA
- Site officiel
Un mystère à la Battle Royale
456 personnes endettées jusqu’au cou sont recrutées par un mystérieux personnage afin de participer à une série d’épreuves inspirées des jeux ayant bercé leur enfance. Les participants, dont Seong Gi-hun, un père de famille désœuvré qui dilapide jusqu’à l’argent de sa mère dans des courses de chevaux, sont amenés dans un lieu secret où ils réalisent rapidement que perdre la partie signifie la mort.
Squid Game, une série en phase avec son temps
La réalisation, assurée par Hwang Dong-hyuk, qui signe aussi les scénarios de tous les épisodes, est un modèle du genre Netflix : un mélange d’individualité typiquement sud-coréenne (le de plus en plus célèbre Hallyuwood) et un calibrage nord-américain parfaitement exportable, malgré les sous-titres. Maîtrisée, gore et rythmée, elle démontre une grande cohérence sur toute la durée de la série. Pas surprenant quand on sait que l’idée de Squid Game trottait dans la tête de son créateur depuis 2009, période où il avait lui-même expérimenté la pauvreté.
Les épisodes plus lents (comme le fascinant « Hell », où les participants retournent dans le monde « réel » seulement pour y retrouver une cruauté plus élaborée encore que celle des jeux) et les moments de tension extrême s’enchaînent organiquement. On ne laisse jamais le spectateur s’ennuyer ! L’histoire est haletante et fait un usage judicieux du suspens : on a toujours envie de visionner un épisode de plus. En résumé, un produit parfait pour les séances de binge tard le soir (quoique… bonne chance pour dormir après un marathon de Squid Game).
La popularité de Squid Game est aussi due au moment parfait de son propos. Après les difficultés financières éprouvées par plusieurs durant la période pandémique, ainsi que la sensibilité accrue face aux inégalités sociales qui marquent notre époque, l’histoire de ces héros paumés, laissés derrière par une société capitaliste de plus en plus monstrueuse et désincarnée, ne pouvait que résonner fort. Toute une critique de la société de consommation !
De la bonne, de la vraie télé, qui ne laissera personne indifférent !
Des personnages riches et forts
Au-delà de la justesse du propos, c’est surtout l’humanité des personnages, se révélant au fur et à mesure qu’ils traversent des épreuves de plus en plus cruelles, qui marquera durablement les esprits. La bonté de Seong Gi-hun, pourtant présenté dès le premier épisode sous un jour très peu flatteur, dans cet univers où le chacun-pour-soi règne, vient nous toucher. Sa relation avec un joueur plus âgé, souffrant de démence, est riche et particulièrement bien interprétée par les acteurs.
Un autre personnage très intéressant de Squid Game est celui de Hwang Jun-ho. Cette jeune femme désespérée tentera tout pour trouver les moyens financiers de faire venir sa famille de la Corée du Nord. Elle permet de contextualiser la série et de lui donner une résonnance dans le monde réel plus que nécessaire.
Une réussite visuelle de tous les instants
La facture visuelle de la série est quant à elle tout simplement exceptionnelle. De l’esthétique peu rassurante des jeux proposés aux participants (mention spéciale à la fillette robotique du premier jeu et à sa voix désincarnée qui donne le frisson) aux formes primaires de nos premiers dessins d’enfance qui se reproduisent partout comme un leitmotiv, en passant par ces escaliers pastels inspirés de l’œuvre de Maurits Cornelis Escher, tout est pensé pour provoquer le malaise et entretenir une ambiance à la fois poisseuse et déstabilisante. Squid Game est une série qui vous en mettra plein la vue et qui vous laissera avec des images marquantes.
De plus, les costumes et les décors parlent d’eux-mêmes : on peut trouver du symbolisme dans chaque recoin de la série. Les arènes de jeux surdimensionnées à ciel ouvert, les costumes identiques et les masques déshumanisants, les formes qui représentent les « corps » d’emplois régimentés des agents du jeu… de quoi décortiquer chaque plan durant des heures !
Quelques critiques
Puisque cet article est tout de même une critique de la série Squid Game, il serait nécessaire de lui trouver quelques défauts ! Ils se retrouvent dans ces deux ou trois personnages plus caricaturaux, autant du côté des joueurs que des bourreaux. Mention spéciale au personnage de Jang Deok-su, un rebelle violent, tatoué au visage et misogyne dont chaque réplique est prévisible et plusieurs des VIPs, vraiment grotesques (bien que leur pathétisme exacerbé était probablement voulu).
Quelques intrigues sont aussi superflues, notamment celle du jeune policier qui infiltre la compétition à la recherche de son frère et celle, sanglante, des voleurs d’organes. Bien qu’elles nous permettent de voir l’envers du décor en nous montrant la vie des subordonnés qui rendent possible ces jeux atroces et nous apportent une réflexion intéressante sur la déshumanisation du travail moderne, l’absence de résolution satisfaisante à la fin de la série rendent ses lignes scénaristiques un peu creuses.
Squid Game - saison 1
Scénario
Univers visuel
Réalisation
Jeux des acteurs
À ne pas rater !
La série phénomène de Netflix ne déçoit pas. Visuellement somptueuse, scénaristiquement solide et haletante, elle vaut le détour ! Coeur sensible s'abstenir !
Je suis d’accord à 100% avec la critique en ce qui a trait à la pertinence et au bon timing (covid) de la sortie.
Je suis, cela dit, très très peu enclin à m’accorder avec le positivisme mur-à-mur de la critique. S’il est vrai que l’univers visuel est formidablement léché et réussi, en revanche, au-delà d’un synopsis accrocheur le scénario est souvent simpliste, les dialogues extrêmement prévisibles et convenus, et le jeu des acteurs globalement déprimant (sauf pour certains personnages qui parlent heureusement peu).
Je crois que nous sommes en présence d’un chef d’œuvre qui, comme tous les chefs d’œuvre, est surtout intéressant pour le repère qu’il est, un jalon dans l’histoire de l’art.