Durant le podcast Multijoueur du 18 Octobre, un commentateur a fait une brève mention (que je paraphrase ici) citant : « Left 4 Dead, c’est un jeu arcade. C’est même pas réaliste. »
Nous avons déjà donné une réponse à ce point durant la balado, mais ça m’a rappelé que c’est quelque chose qui m’est honnêtement perturbant : le réalisme dans les jeux vidéos. En fait, ça me perturbe dans pratiquement tout médium qui se veut un divertissement, voir même un art.
« Mais c’est bien le réalisme ! »
Non, ce n’est pas bien le réalisme ! Le réalisme, c’est mal. C’est la réalité que l’on vit à tous les jours.
Le réalisme, c’est ennuyeux.
Le réalisme, c’est prendre une balle à l’épaule et mourir à bout de son sang ; c’est tomber d’une chute de trois étages et ne plus être capable de se relever ; c’est se battre contre cinq gars et se faire tabasser parce qu’ils y vont en gang au lieu d’attendre gentiment leur tour.
Vous imaginez à quel points vos jeux « réalistes » seraient d’un ennui particulier ?
Call of Duty, pour autant que l’on puisse aimer ou niaiser, n’est pas « réaliste ». S’il l’était, il n’y aurait pas autant d’objections à envoyer les soldats en guerre. Tout ce qu’ils auraient à faire serait de se cacher derrière un mur à la hauteur du torse et attendre une minute.
Dans Assassin’s Creed, on y repenserait deux fois avant de faire le prochain « Leap of Faith » vers une botte de foin située à cent cinquante mètres sur un sol de pierre. Il n’y aurait pas de zombies dans Dead Rising, juste une horde de sauvages aux aubaines du Black Friday. Ryu se brûlerait les mains à chaque Hadoken. God of War se terminerait le moment où Kratos se fait écraser par la Hydre. Max Payne serait paralysé le moment où il se heurterait à une table au ralenti.
Tout ce que le réalisme fait, c’est ruiner quel que chose de cool. Un exemple, venant de l’industrie du film : Midichlorians.
Digérez-ça pendant un bout.
« Oui, mais les jeux de course ? »
Les jeux de course, c’est une autre histoire. Et encore là, on ne parle pas de réalisme absolu. Je doute fortement que quel qu’un pourrait survivre à une collision avec un mur et continuer une course. Vous croyez que je parle de Burnout ?
Je pensais à Gran Turismo.
Ces jeux là : C’est de la « simulation ». On reproduit l’expérience, sans la perte de la fonction mobile en état grave. Ils nous permettent de faire quelque chose qu’on ne pourrait pas faire autrement ; comme conduire un véhicule à l’état de prototype pendant 80 laps jusque dans un mur à 320 Km/h, ou virer un Boeing 747 à l’envers au dessus de New York.
C’est amusant parce qu’on échappe à la réalité. Parce qu’un Boeing 747 qui vire à l’envers, y’a des chances que quelque chose lâche (comme une aile).
« Et les jeux de combat ? »
Si on parle de Street Fighter, Mortal Kombat, ou Killer Instinct, le réalisme a pris le bord avant même d’avoir franchi le premier écran au démarrage.
Virtua Fighter et Tekken, par contre, tombent toujours dans une sorte de domaine de « simulation arcade » : Arts martiaux réels dans une réalité irréelle.
Le seul jeu qui a tenté d’être absolument « réaliste », c’est Bushido Blade. Mais les contrôles laissaient à désirer, et il n’y a pas beaucoup qui ont développé une appréciation pour un jeu où un coup bien placé termine le combat. Surtout si tout ce qu’un des combattants faisait, c’est garder son épée en l’air et attaquer comme s’il était un bonhomme animé sur une vielle horloge.
Et ne parlons pas de Dead or Alive et leurs seins C’thoniens.
« Alors, qu’est-ce que tu proposes ? »
C’est simple : La plausibilité. Faut que ce soit crédible. Il faut que ça aie du sens dans l’univers qui nous est présenté.
Pour quoi est-ce qu’Altaïr ne pouvait pas nager tandis que Ezio le faisait comme un poisson ? Parce qu’Altaïr n’est pas allé dans l’eau durant ses missions, alors la reconstruction mémorielle de l’Animus n’acceptait pas l’information. Ezio, par contre, est allé à Venise, et a sûrement eu recours aux canaux de la cité noyée.
Dans Prince of Persia : The Sands of Time, le Prince pouvait mourir, mais c’était expliqué par un défaut de mémoire de la part du Prince.
Dans un monde réaliste, Gordon Freeman, un simple scientifique, serait incapable de se défendre contre les extra terrestres. Même avec un pied de biche. Dans un monde plausible, il est capable de manier des mitraillettes parce qu’il a besoin de se défendre.
Vous voyez où je veux en venir ?
Mais ce n’est pas juste ça.
En forçant le « réalisme » dans nos jeux, nous avons aussi placé une sorte de boîte à la créativité stylistique des développeurs. Pour qu’un jeu soit « réaliste », il faut absolument que les visuels, tout aussi exagérés qu’ils soient *tousseGearsOfWartousse*, aient l’air de sortir du prochain film de James Cameron. Il y a une trop haute demande pour des personnages où on voit les pores de la peau, et les environnements doivent absolument ressembler à une photo (en plus gris et/ou brun et/ou bleu) d’une ville connue.
On demande des visuels plus réalistes aux développeurs au lieu de leur demander du gameplay innovateur, et on se plaint quand le gameplay est bon, ou même mieux que bon, mais que les graphiques ne sont pas réalistes. Du moins, j’en ai croisé de ces gens et ils me désolent.
C’est ce type de pseudo restriction qui fait que des jeux comme Journey, Dishonored ou Bioshock : Infinite se démarquent de la foule, en partie parce qu’ils ont foutu une grande partie du réalisme visuel à la porte pour laisser place au jeu.
Pour en finir, que l’on ne se ment pas : Le « réalisme » auquel nous sommes exposés dans les jeux, surtout les jeux militaires, est souvent sujet à l’imagination de leurs écrivains. Ce qui est une bonne chose, parce que sinon, les Call of Duty n’auraient rien à faire après l’assassinat d’Osama.
Quoique c’est plausible que Bobby Kotick créerait un conflit au moyen-orient juste pour pouvoir vendre un autre CoD, la réalité est qu’il n’est pas assez maléfique pour le faire.
Vous voyez comment ça marche ?
Gardons la séparation. Ça ne ferait aucun tort à personne.