Été 1994, j’avais 5 dollars dans mes poches et pour moi, c’était une véritable fortune. J’en avais nettoyé de la vaisselle avant de pouvoir collecter cette somme phénoménale. J’étais fébrile, car c’était une des rares fois où j’allais magasiner dans mon magasin favori ; Radio Shack. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est l’ancêtre de La Source. Croyez-le ou non, mais je m’extasiais devant une série de disquettes dans un gros présentoir dominé par un gros Shareware en gras. Mes yeux naviguèrent d’un titre à l’autre jusqu’à ce que je tombe sur une pépite d’or. Le jeu était Hocus Pocus du studio Apogee Entertainment.
Un véritable classique dans les jeux de plateforme sur PC au même titre que Jazz Jackrabbit, Hocus Pocus fut le premier jeu qui me permit de découvrir le monde fantastique d’Apogee. Studio de développement qui vient récemment de renaître de ses cendres, je vous propose de découvrir son histoire, d’hier à aujourd’hui.
Les débuts d’Apogee
Assoyez-vous bien, parce que cette histoire rocambolesque risque de vous renverser. Tout débute en 1987, dans une cave sombre, lorsqu’un développeur du nom de Scott Miller décida qu’il était enfin temps de lancer sa propre entreprise. Pourquoi une cave sombre, me direz-vous ? Parce que je voulais ajouter un élément dramatique à la Batman et que j’ai le droit. Enfin bref, Scott Miller était programmeur depuis 1975 avant de se lancer à son compte. Qu’est-ce qui a poussé ce gentil personnage à démarrer Apogee ? Dans ses propres mots, « le problème avec les compagnies de jeux vidéo est que la plupart des PDG et VP n’ont pas d’expérience en tant que développeur. Ils viennent souvent du domaine de l’administration et du marketing. Ils ne savent donc pas c’est quoi créer un vrai bon jeu vidéo.’ »
La compagnie voit officiellement le jour en 1987, mais laisse sa première empreinte en 1990 avec leur premier titre, Commander Keen. Là, vous allez me dire que je suis tombé sur la tête. Vous allez me crier que Commander Keen n’est pas un jeu d’Apogee, mais plutôt d’ID Software ! Et moi de vous répondre, bande d’incultes ! En toute sincérité, cette confusion est bien réelle, car ID Software, Apogee et 3D Realms sont en fait la même compagnie. Vous pouvez voir Apogee comme une maison de jeux vidéo qui avait différents sous-groupes selon le style de jeu qui était développé.
Les années 1990
Bien que le nom Apogee ne sonne pas nécessairement une cloche pour tous, Wolfestein et Duke Nukem devraient être des titres qu’un bon nombre de joueurs connaissent. Les années 1990 ont vraiment été un âge d’or pour ce développeur de jeux vidéo et l’a propulsé au rang de compagnie mythique. C’est dans ces années que le populaire jeu de plateforme Commander Keen fait son apparition. Ce dernier est sans doute l’un des jeux de plateforme les plus appréciés sur PC avec Jazz Jackrabbit. Un autre titre qui a marqué l’imaginaire d’une tonne de gens est Duke Nukem 3D. Ce jeu n’était pas seulement un miracle technique, mais aussi poussait les limites de l’humour et de la violence qui étaient acceptables par la populace. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut faire ses besoins dans la tête d’un démon ou la tirer dans un panier de basketball.
Bien que certains jeux comme Blake Stone n’ont pas eu la même notoriété que les titres présentés précédemment, ils ont eu une réception plus que positive par les joueurs. Ce qui est encore plus impressionnant avec cette succession de succès, c’est que le programmeur derrière Duke Nukem 3D, Todd Replogle, ne se considère même pas comme un bon développeur. Dans une entrevue qu’il a fait avec Scott Miller, il a dit que c’est un véritable miracle que le jeu roulait aussi bien. Il considère que c’est le jeu des 1000 piratages, parce qu’il collait et empruntait du code par essais et erreurs et ça a finit par donner le phénomène des FPS que nous connaissons aujourd’hui.
Au début du millénaire
Avec la chute des sharewares et un monde des jeux vidéo qui changeait à vitesse grand V, Apogee devait trouver une solution pour se réinventer. Alors qu’ils créaient des titres à saveur plus humoristique, cette avenue semblait de moins en moins populaire au tournant du millénaire. Les têtes dirigeantes chez Apogee ont alors pris la décision de se lancer en tant que maison de publication. De cette manière, d’autres studios avec des idées auxquelles eux-mêmes n’auraient pas pensé, embarquent dans le wagon étoilé. Vous étiez étonné que Duke Nukem 3D ne soit pas réellement du studio que vous pensiez ? Vous allez encore plus l’être pour la suite.
Ce changement de cap pour l’entreprise ne se fera pas sans drame et c’est ce qui causera la chute d’Apogee que nous avons connu dans les années 90. Malgré un départ canon avec Max Payne en 2001, le studio était incapable de livrer la marchandise. Croyez-le ou non, mais Prey était développé en collaboration avec eux avant que ce soit transféré de main en 2001. Vous avez aussi sans doute entendu parler du désastre qu’était le développement de Duke Nukem Forever, qui finalement a été sorti sous la bannière Gearbox Software. Que s’est-il passé pour que la situation tourne autant au vinaigre puant ? Réponse plutôt stupide : World of Warcraft et une très mauvaise gestion. Pendant le développement de Duke Nukem Forever, WoW a fait son apparition et semble-t-il que les développeurs ne faisaient que jouer à ce dernier au lieu de travailler. Puisqu’ils étaient tous dans le même panier, ils trouvaient toujours de bonne raisons pour dire que le développement de leur jeu n’allait pas bien et la gestion les croyait. Difficile d’utiliser de nouvelles technologies, n’est-ce pas ? Jusqu’au jour où Take Two en a eu assez et une poursuite s’ensuivit pour bris de contrat. Après ça, on dit que c’est depuis le télétravail que les gens travaillent moins…
Aujourd’hui et demain
Tout le monde croyait qu’Apogee allait être une histoire ancienne et tomber dans l’oubli. Or, c’est avec grande surprise et crotte de nez qui ressort un peu, qu’il a renaît de ses cendres en tant que studio et éditeur de jeux indépendants. Parmi ces nouveaux jeux, un qui nous intéresse plus particulièrement est Wizordum. Au départ, j’étais un peu dubitatif, car il y a déjà plusieurs excellents rétro FPS sur le marché, comme Dusk ou Amid Evil. Heureusement, comme une truite qui n’a pas de cou, j’ai fait un 360 et je me suis délecté de Wizordum.
Vous êtes un magicien qui doit vaincre les vilains qui ont envahi votre domaine. Les vétérans qui connaissent Heretic vont vite se sentir comme à la maison. Vous allez devoir user de différentes magies, armes et objets pour surmonter les obstacles se dressant sur votre chemin. C’est sans compter les nombreux secrets qui peuvent vous offrir des avantages et des casse-têtes qui vont littéralement vous casser la tête. Sous l’aspect un peu enfantin des graphismes aux couleurs éclatantes et de la musique coquinette, se cache de la violence bien réelle et des mécaniques de jeu complexes.
Un avenir prometteur avec Wizordum
Apogee réussi bien à tirer ses ficelles du jeu avec Wizordum dans un bain de jeux qui commence à être saturé. Bien que Wizordum utilise des mécaniques classiques, le choix très varié d’armes qui font des effets et des combos spécifiques ainsi que les objets qui améliorent notre magicien ajoutent une couche de stratégie qui est souvent oubliée. De plus, les trésors que vous trouvez sont vraiment importants, car à la fin de chaque niveau, vous pouvez acheter des améliorations avec l’or que vous accumulez.
Un point qui m’agace dans Wizordum et qui est le cas dans plusieurs rétro FPS est le fameux design des niveaux qui fait qu’on est perdus la majorité du temps. Ayant le sens de direction aussi évolué qu’un borgne alcoolique, ça peut être frustrant de tourner en rond pendant 30 minutes alors que tout ce que vous aviez oublié est un levier caché derrière un pilier. Certaines personnes aiment ce design emprunté des metroidvania et je peux comprendre. Ça ajoute un niveau supplémentaire de complexité d’avoir à faire des va-et-vient en débloquant de nouvelles parties d’un niveau, mais ce n’est malheureusement pas pour moi.
Le pouvoir de la nostalgie
Est-ce que le retour d’un studio comme Apogee ne serait que le début d’un retour d’anciens joueurs dans l’univers des jeux vidéo ? Ça semble être le cas avec Activision qui veut faire revivre Sierra et Interplay Entertainment qui est de nouveau en marche. La nostalgie est un élément qui vend et c’est facile de s’en rendre compte avec l’augmentation du coût de certains jeux rétro en version physique. Ne reste plus qu’à espérer que ce n’est pas une situation temporaire et qu’Apogee survivra au test du temps en continuant d’innover et de construire positivement son image de marque.
J’aime
- La musique féérique
- L’ambiance générale du jeu
- Les graphismes originaux et colorés
- Les mécaniques qui rendent le jeu assez différent tout en restant confortable
J’aime moins
- Tourner en rond pendant plusieurs minutes
- La narration plutôt inexistante
La copie du jeu Wizordum a été fournie par Apogee Entertainment.