Venom : la comédie romantique la plus chaude de l’automne

Autant être honnête, quand je suis allée voir Venom, je ne m’attendais pas à grand chose. Quoique visuellement bluffante, les bandes-annonces n’annonçaient rien de fascinant quant au scénario, se reposant uniquement sur les scènes d’actions d’Eddie (Tom Hardy). Avant même sa sortie, les critiques se déchainaient, radotant encore et encore sur la médiocrité du film, de la prestation des acteurs, du scénario creux et insipide, bref, de quoi donner envie de payer plein pot pour le voir en 3D.

Pourtant c’est ce que j’ai fait. Et, oh mon dieu, je ne m’attendais pas à ça.

Copyright Sony Pictures Releasing France
Affiche du film « Venom » avec Tom Hardy – Copyright Sony Pictures Releasing France

Sauvé par le public

J’ai adoré Venom. J’insiste. Pas aimé, pas apprécié, adoré. Ce film est tellement bourré de défauts s’accumulant sur des fondations grossières, roulant beaucoup trop vite sur des railles bringuebalantes que c’en est jouissif que de voir le tout dérailler spectaculairement, prenant les tournures les plus inattendues. Et je suis loin d’être la seule à avoir été conquise.

~How you doin… ~

Tout commence avec Eddie (Tom Hardy), un journaliste d’investigation brillant, militant, et amoureux, qui perd tout en un claquement de doigt au bout d’une dizaine de minutes. Il passe le reste du film complètement bourré. Non, ce n’est pas une exagération, je soupçonne même que Tom Hardy lui-même ait été un peu ivre au moment du tournage. C’est la seule explication possible pour cette version grotesque et pathétique du héros de comics réputé pour son sang chaud, sa rage de vivre, et son sens moral douteux. À la place, nous trouvons le très caricatural, mais tellement attachant Eddie, dans un état déplorable et aussi dynamique qu’une huître, dont les dialogues bâclés et l’absence complète de substance n’est pas sans rappeler un personnage de sitcom. Enfin pire encore, un personnage de sitcom joué par un personnage de sitcom (Joey Tribianni de Friends).

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Michelle Williams (Anne Weying), Tom Hardy (Eddie Brock) dans Venom – Copyright 2018 Sony Pictures Entertainment Deutschland GmbH

Un casting complètement improbable

Alors qu’Eddie contemple le suicide du haut des vestiges de son ancienne vie, Dr Dora Skirth, jouée par Jenny Slate, lui demande son aide pour exposer les atrocités se passant dans les laboratoires du célèbre millionnaire philanthrope et amateur d’écologie céleste, Cartlon Drake (Riz Ahmed). Autant, n’ayant jamais vu Riz Ahmed dans un autre film, il m’est difficile de me prononcer sur sa performance dans le rôle du parfait psychopathe en manque d’amour, autant Jenny Slate était un visage connu. Vous la connaissez en particulier pour son rôle complètement dément dans la très célèbre série Parks and Recreation. Je ne doute pas de ses talents d’actrice, mais entre le ton décalé du film et le casting surprise de Woody Harrelson (The Hunger Games, Now You See Me, The Edge of Seventeen) en une version, non sans rappeler la poupée Chucky, de Carnage, sa présence continue de semer le doute quant au genre du film. Comédie, film d’action, film d’autodérision, film érotique moderne ?

Jenny Slate (Dora Skirth) et Riz Ahmed (Carlton Drake) - Copyright 2018 Sony Pictures Entertainment Deutschland GmbH
Jenny Slate (Dora Skirth) et Riz Ahmed (Carlton Drake) dans Venom (2018) – Copyright 2018 Sony Pictures Entertainment Deutschland GmbH

Mélange des genres et confusions hormonales

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas un film comme les autres. Un navet, disent certains, du génie, clament les nombreux adeptes sauvant ce film du crash économique, trois bonnes semaines après sa sortie, dépensant contre toute attente, plus de 450 millions de dollars au box-office international (soit plus qu’Ant-Man ou Doctor Strange quand même !). Qu’importe ce que disent les critiques, le peuple a voté. Et le peuple adore le film Venom, mais surtout, adore Venom. Animé avec ce qu’il y a de mieux dans le monde des effets spéciaux, le dépôt gluant, sorti tout droit d’une de ces centaines de vidéos YouTube sur le « slime », prend vie et nous laisse… Perturbés.

Jouir de l’inattendu

Je crois, j’espère, que l’intention initiale était de nous hérisser les poils et nous donner la nausée, mais entre la voix rauque et abyssale, et la beauté sordide de la créature serpentant et s’insinuant partout de manière extrêmement suggestive – ce n’est pas moi qui le dit, c’est internet ! – Venom nous laisse plus troublés que terrifiés.

Affiche Venom
Affiche concept art pour Venom (2018) – Copyright Marvel 2018

NSFW (Not Safe for Work)

Et la relation entre lui et Eddie n’est pas pour améliorer l’affaire. Il y en a pour tout les goûts ! Venom est possessif, manipulateur, avide, immoral, et visiblement très attaché à son hôte. Pas uniquement au sens littéral. La liste de « kinks » (terme issu des tréfonds d’internet, aussi connus sous le nom de Tumblr, se traduisant par « fétichisme ») ne fait que s’allonger à mesure que le film continue. Ménage à trois, restreinte physique, manipulation, tentacules (si, si), « stuffing » ou l’art de nourrir ou être nourri par son partenaire, et même le « vore » (je vous laisse chercher sur Google), tout y est pour titiller les fantasmes les plus inavouables et nous retrousser les doigts de pieds.

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Tom Hardy (Venom) dans le film Venom (2018) – Copyright 2018 Sony Pictures Entertainment Deutschland GmbH

La tension monte…

Pourtant, ce ne sont pas les possibles lectures à caractère hautement sexuel entre les lignes qui ont séduit la population de déviants que nous sommes. C’est la rencontre inattendue mais très rafraîchissante entre Venom et Eddie, complètement à l’opposée du dilemme moral qu’on pouvait attendre. Le « Symbiote » ne cesse de nous surprendre par sa sensibilité, nous et Eddie, un personnage éminemment viril, confronté à sa propre émasculation, qui pourtant cède avec aisance, si ce n’est soulagement, face à une force asexuée et pourtant encore plus virile que lui.

La relation de constante négociation entre une entité sans morale, mais désireuse d’entretenir un lien bénéfique avec son hôte, et la jouissance grandissante d’Eddie découvrant le pouvoir qu’il a avec ET sur Venom, la corruption progressive des valeurs des deux personnages face à l’influence de l’autre, Eddie abandonnant son code moral, et Venom découvrant une valeur nouvelle à la vie humaine, ne sont pas sans attrait. Cette dynamique quelque part entre le « Sugar Daddy » et la rédemption du mauvais garçon, hante les forums et les sites de « fanfictions » depuis qu’internet existe, appréciée par un public grandissant et de plus en plus assumé.

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Tom Hardy (Venom) dans Venom – Copyright 2018 Sony Pictures Entertainment Deutschland GmbH

Mr Venom va vous recevoir…

Suis-je en train de comparer Venom à Fifty Shades of Grey  ? Oui. Sans aucun complexe. Il y a quelque chose de terriblement excitant à voir un homme comme Hardy reconquérir sa liberté après avoir été complètement soumis. Et au moins dans Venom, l’aspect profondément malsain de la relation est assumé, et les violences et tendances cannibales du symbiote, si banalisées, ne sont pas excusées.

Quand le grotesque devient art

Attention, le film n’est pas sans problèmes pour autant. Le manque de précision et la grossièreté du résultat final est risible et, de fait, vraiment appréciable, mais uniquement parce que les aspects positifs dominent les aspects négatifs. Et malheureusement de peu. Il y a bien évidemment la question épineuse d’un deuxième volet, savoir s’il est possible de recréer le même buzz sans dépasser la ligne mouvante de l’excès ; il y a le blasphème envers le contenu original, plus sombre, plus grinçant, plus dérangeant ; mais surtout, il y a des fautes impardonnables dans l’industrie du cinéma d’aujourd’hui, comme l’évident codage racial sur fond de sexisme.

Et l’art redevient grotesque

Oui il est drôle d’entendre Venom utiliser l’argot du Queens, pompé d’un de ses hôtes probablement, non, il n’était pas nécessaire d’en faire un trait non seulement persistant, mais définissant le personnage, faisant de lui un gangster du ghetto. Non, il n’était pas nécessaire qu’Eddie soit constamment dans un état de sobriété variant de la gueule de bois à la triple dose de cocaïne. Non il n’était pas nécessaire que la scène, pourtant vraiment hot, de Venom passant d’Anne à Eddie, soit interprétée comme une déclaration d’amour inavoué. Non, il n’était pas pertinent que Dora Skirth se décompose face au méchant, et s’excuse de l’avoir trahi. Oh et franchement, vu le contexte, une version féminine de Venom aussi musclée et sous stéroïde que celle masculine aurait été la bienvenue. Au moins, Venom est très clair sur son désir de retenter l’expérience avec Anne, avec la bénédiction de Stan Lee.

A bas les films minutés, vive l’humour crasse et défaitiste

Comic par Lousysharkbutt

Comic par Lousysharkbutt (Partie 2)
Comic par Lousysharkbutt – Copyright lousysharkbutt.tumblr.com

Il est difficile de dire si tout ce second degré était voulu et calculé ou non, mais quand bien même les créateurs décidaient de se ranger du côté des amateurs et de soutenir les interprétations lubriques, nous sommes aujourd’hui en des temps où il n’a jamais été plus facile pour un auteur de retourner sa veste dans l’espoir d’attiser le buzz. Le résultat reste que Venom est le film de superhéros le plus décalé de l’univers Marvel à ce jour. Plus que briser les codes, il les ignore complètement, et le résultat est le plus improbable possible. Écrasé par la critique avant même sa sortie, Venom a su charmer son public en ne partant de rien, et crève maintenant l’écran et les cœurs. Est-ce qu’il est à prendre au sérieux pour autant ? Je ne pense pas. Ce film ne fera pas l’histoire du cinéma, ou même celle de Marvel, mais fera parti des rares films qui surprendront toujours, soulevant plus de question sur son public que sur son contenu. Au moins nous sommes prêts à assumer ce qu’il dit de nous.

Nous sommes pauvres, misérables, cyniques, maltraités par la vie, mais animés d’une force féroce et palpitante, libérée et sans complexe, assoiffés de sang et de justice sociale, et prêts à nous salir les mains s’il le faut. Ah et on aime les « tater tots ».

 

http://tinymintywolf.tumblr.com

Comic par Tinymintywolf - Copyright http://tinymintywolf.tumblr.com

Venom

Performance des acteurs
Scénario
Photo, ambiance, effet spéciaux
Musique

Nul, mais craquant !

Laissons la critique critiquer, et mordons cette gâterie inattendue à pleines dents.

À propos de Tiphaine Monsaingeon

Autrice, artiste, illustratrice, j'ai la langue bien pendue et la plume facile. J'aime parler de tout et j'ai une opinion sur tout. Ne vous inquiétez pas, elles sont basées sur des heures de recherches par pure curiosité!

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