GHOUL – Un monstre à deux faces

Après Sacred Games (2018), Netflix nous revient avec une deuxième production originale en provenance de l’Inde, cette fois-ci sous la forme d’une mini-série d’horreur intitulée Ghoul (2018), réalisée par Patrick Graham. Le récit nous amène dans une version dystopique de l’Inde où toutes formes de pensées déviantes de la doctrine d’un gouvernement oppressif sont devenues illégales et passibles de peine de mort. Après avoir dénoncé son père musulman qui détient des livres maintenant interdits et enseigne leur contenu à ses élèves, Nida, qui est militaire et interrogatrice, est transférée au centre de détention Meghdoot 31 pour y travailler. Son transfert coïncide avec l’arrivée d’un nouveau prisonnier nommé Ali Saeed, le chef d’un groupe présumé terroriste qui semble avoir provoqué l’apparition d’une goule, une créature du folklore arabe qui, en se nourrissant de chair humaine, peut prendre l’apparence de sa dernière victime. Ghoul nous présente deux types d’horreurs en fusionnant autorité fasciste et histoire de monstre, deux éléments qui seront d’intérêt principal dans cette critique.

Ghoul : l’ultranationalisme ou le film politique

Le premier épisode « Out of the Smokeless Fire » s’intéresse à l’État ultranationaliste dans lequel on nous présente des scènes d’arrestations, un autodafé utilisant un lance-flamme et un blocage de route par un groupe de militaires cherchant à intercepter ceux qui osent désobéir aux nouvelles lois en place. Proclamé par les intertitres qui ouvrent Ghoul, ce pays jamais mentionné (mais qui est clairement l’Inde) se situerait dans un avenir proche où l’hindouisme aurait pris le dessus sur toute autre forme de religion, en particulier sur l’islam où musulmans sont traqués, emprisonnés et même exécutés. Ce génocide religieux met en lumière une violence qui perdure depuis des décennies et nous rappelle les atrocités vécues par les habitants d’Assam en mai 2014, une tragédie qui aurait fait 33 morts. Cet effacement se voit aussi dans la protagoniste Nida qui laisse de côté son voile pour entrer dans les rangs de son nouvel employeur.

La tension est palpable à l’intérieur du centre de détention où Nida doit faire ses preuves à plusieurs reprises et démontrer que sa religion est sans danger pour le reste de ses collègues, miroitant ainsi un sentiment anti-musulman qui se voit accroitre dans les sociétés majoritairement non-musulmanes. Le combat de l’héroïne est de prime abord identitaire puis se tourne vers une lutte pour sa propre survie, avant de devenir politique dans une finale sanglante, laissant malheureusement de côté une critique nécessaire pendant la presque totalité des deux derniers épisodes, se tournant plutôt vers les conventions du film d’horreur.

GHOUL
GHOUL | Photo : Ishika Motawane. © Netflix

Le monstre aux multiples visages ou les conventions de l’horreur

Le changement de ton s’amorce durant une scène pluvieuse digne d’un film de Dracula où Saeed sortant d’une camionnette est reçu par la totalité des gardes, accompagnés de chiens qui ne cessent de japper. Après cette scène en extérieur, le récit se referme alors dans la prison où chaque fenêtre a été recouverte d’une couche de peinture noire pour, selon le Colonel Dacunha, empêcher qui que ce soit de voir à l’intérieur. Étant peu probable que cet immeuble situé loin de toute civilisation attire certains passants curieux, le centre d’interrogation devient plutôt un lieu clos et claustrophobique autant pour les prisonniers que pour les militaires y habitant, les coupants du monde externe et les privant de lumière naturelle. Par conséquent, les employés du centre deviennent peu à peu noirceur, se transformant en monstres capables des pires atrocités. Les rites de violence se suivent, nous rappelant certaines scènes de l’excellent, mais troublant Standard Operating Procedure (2008) d’Errol Morris, un film documentaire révélant l’abus commis par des soldats américains envers des prisonniers à la prison d’Abu Ghraib.

Graham semble vouloir rendre sa série plus interactive lorsqu’il utilise des caméras de surveillance pointant vers la chambre d’interrogation, proposant une certaine authenticité jusqu’au moment où l’électricité manque et le vrai carnage commence. Ici, le réalisateur invite le spectateur à entrer dans le récit en adoptant le point de vue du personnage qui pointe pistolet et lampe de poche, cherchant la créature qui vient de s’éveiller. Jouant avec le sombre et le clair en alternance, Ghoul devient en somme une course de survie, mais aussi une quête de vérité alors que plusieurs éléments importants sont dévoilés tout au long du dernier épisode, l’un qui joue fortement avec la paranoïa où l’on ne sait plus qui est adversaire ou allié, et ce des deux côtés de l’écran.

Ghoul s’avère être une série divertissante qui se regarde plutôt comme un film séparé en trois parties avec une critique politique actuelle, mais qui tombe malheureusement trop dans l’horreur pure et simple, mis à part son début et sa fin, qui ouvre non seulement une discussion sur la situation d’une extrême droite en pleine expansion dans plusieurs sphères du monde, mais laisse présager une suite un peu plus engagée. Radhika Apte est excellente et soutient avec brio une bonne série qui par contre tombe par moments dans le cliché avec ses ralentis démodés et qui semble elle-même en crise identitaire.

Page officielle sur Netflix

Ghoul

Performance des acteurs
Scénario
Originalité
Réalisation
Critique sociale

Une critique sociale intéressante mais qui se perd un peu derrière des tactiques de peur.

À propos de Alexandre G. Vermeil

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