Entrevue avec Oliver Harper, critique de films sur YouTube

Ces dernières années, le nombre de critiques de films sur YouTube a littéralement explosé. Parmi ceux-ci, un jeune homme du Royaume-Uni, nommé Oliver Harper (aucun lien avec l’actuel premier ministre du Canada), a su se démarquer avec ses rétrospectives / critiques des classiques des genres science-fiction et action des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, où il nous offre littéralement une montagne d’information non seulement sur le film lui-même, mais également sur les produits dérivés (jeux vidéos, trame sonore, jouets et figurines). Malgré un emploi du temps chargé, il a accepté de répondre à quelques-une de nos questions :

Geekbecois (GB) : D’où vous est venu l’idée de faire des vidéos en ligne ?

Oliver Harper (OH) : En 2011, j’ai perdu mon emploi de projectionniste en salles de cinéma, ces dernières ayant passé du 35 mm au numérique, après 7 ans de service. Durant ce temps, j’ai regardé beaucoup de vidéos en ligne produits par différents créateurs, tels que Doug Walker (Nostalgia Critic) et James Rolfe (Angry Video Game Nerd). Le style de ce dernier m’a particulièrement intrigué, surtout lorsqu’il faisait ses marathons annuels de films d’horreur aux alentours de l’Halloween, où il faisait un vidéo par jour sur un film différent et fournissait une discussion intéressante sur ses films préférés. Ses vidéos étaient de courte durée en raison de son emploi du temps serré, mais étaient tout de même très amusants et instructifs.

Il est difficile pour moi de me rappeler ce qui m’a attiré vers la création de vidéos en ligne. Le site de jeux vidéo Gametrailers a produit plusieurs rétrospectives sur des séries de jeux vidéo telles que Star Wars et Resident Evil  et j’ai trouvé leur idée géniale et pouvait s’appliquer au monde du cinéma aussi. Donc, je crois que  ce sont les vidéos de James Rolfe et Gametrailers qui m’ont grandement incité à aller de l’avant avec mon projet.

Idéalement, pour mon premier vidéo je désirais fournir quelque chose de plus imposant qu’une vidéo de 3 minutes. Je souhaitais parler de la production, la bande sonore et les effets spéciaux, le tout enrobé dans une critique. Mon tout premier vidéo fût une critique du film Superman IV. J’avais auparavant regardé plusieurs vidéos en ligne sur le sujet et j’étais déçu de ce qui avait été fait par d’autres critiques. À ce moment-là, YouTube était rempli de critiques négatives qui suivaient tous la formule de démolir le film pour rire, une façon de faire très populaire. Par contre, il n’y avait rien de sérieux sur le sujet et surtout rien qui offrait un volet éducatif. Je dois admettre que le film était un désastre, mais les producteurs avaient de bonnes intentions au moment de la production et il y a quand même quelques éléments positifs dont je voulais parler dans mon vidéo. Aujourd’hui, je dois avouer avoir beaucoup de difficulté à revoir mes premiers vidéos, compte tenu de la qualité de ma voix et que ma façon de faire aujourd’hui est de loin supérieure. Je n’avais pas vraiment de méthode de travail à cette époque et j’essayais surtout d’imiter le style documentaire, mais dans le contexte d’une critique. J’ai partagé mes premiers vidéos avec mes amis et ils les ont adorés. Plusieurs m’ont encouragé à produire d’autres vidéos et je n’ai pas arrêté depuis.

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GB : Pouvez-vous nous décrire brièvement le processus de création d’une de vos rétrospectives ?

OH : Je commence mon processus de création en faisant une liste des films que je souhaite couvrir au courant du mois. Je choisis toujours un vidéo dans ma collection personnelle ou alors je tente de trouver une copie du film en format Blu-Ray afin d’obtenir la meilleure qualité qui soit. J’extrais tout le contenu du disque (film et suppléments) et je le convertis en format .MOV afin qu’il puisse être utilisé dans mon logiciel d’édition vidéo, Final Cut Pro 7. Je commence toujours par la bande-annonce et le montage final de mes critiques. Ces deux éléments sont ceux qui me prennent le plus de temps, mais ce sont aussi ceux qui me permettent de me démarquer le plus des critiques normales qu’on retrouve sur YouTube. Une fois cette partie terminée, je commence la rédaction du script où j’exprime mes opinions et fournis l’information sur le film et sa production. Je trouve beaucoup d’information en ligne, mais si le film vient déjà avec un documentaire (« making-of ») ou une trame sonore commentée, cela rend mon travail beaucoup plus facile et m’évite d’utiliser des sources qui peuvent être douteuses, telles que Wikipédia. L’écriture du script me prend environ 2 ou 3 jours avant que je commence l’enregistrement. J’ai fait de nombreuses critiques jusqu’à présent, mais cela ne rend pas le processus plus facile pour autant. Cette étape est pour moi la plus stressante de toute la production d’un vidéo. Vous devez mettre beaucoup d’énergie et être dans le bon état d’esprit avant d’enregistrer. Si votre voix semble blasée ou fatiguée, les gens vont le détecter immédiatement, alors vous devez toujours être enjoué. Ça me prend environ un jour et demi pour synchroniser ma trame vocale avec les images vidéo, donc le processus dans sa totalité représente une bonne semaine de travail. Mes vidéos ont aussi commencé à prendre de l’ampleur, passant d’une durée de 15 minutes à l’origine à au-delà de 30 ces jours-ci.

GB : Vous semblez privilégier les années 80 et 90, la science-fiction et l’action dans vos rétrospectives. Faites-vous partie de ceux qui prétendent que cette époque était l' »âge d’or » pour ces types de films ?

OH : Ces années sont pour moi l’âge d’or du cinéma. Par contre, cela va avec l’opinion et la personnalité de chacun. Je suis né en 1982 et j’ai grandi avec la culture des années 80 et 90, une époque qui a vu l’industrie du cinéma faire des bonds de géant dans le segment des effets spéciaux et nous a donné de nouveaux réalisateurs très talentueux. On n’a qu’à penser à James Cameron, Joe Dante, Wes Craven, Robert Zemeckis, Steven Spielberg, Sir Ridley Scott and Paul Verhoeven, un groupe qui a su définir une décennie. Il est vrai que certains ont commencé leur carrière dans les années 70, mais leur impact s’est fait surtout sentir à partir des années 80. Leurs films me ramènent à mon enfance, où je louais des films en VHS, regardais le film du samedi soir en famille ou en cachette pour certains films que je n’étais pas supposé voir comme Robocop. Mon sentiment de nostalgie est très important lorsque je choisis un film à couvrir.

GB : Selon, lequel est le mieux : effets spéciaux traditionnels ou par ordinateur ?

OH : Je vais toujours préférer les effets produits devant la caméra, comme les maquettes, les explosions réelles, les capsules explosives remplies de faux sang et les ficelles de soutien (pour les séquences de vol comme dans Superman). Si les créateurs peuvent se permettre d’utiliser ces effets spéciaux, ils devraient toujours le faire, mais je suis conscient que tout ne peut pas se faire uniquement avec ce type d’effets. Les images de synthèse numériques (CGI) sont alors un des meilleurs outils qu’un réalisateur possède afin de l’aider à atteindre ces résultats. Si elles sont utilisés correctement, elles deviennent alors invisibles pour le spectateur qui ne saura faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Le problème de nos jours est que les studios accordent de moins en moins de temps aux productions, ce qui a comme résultat de faire baisser la qualité des effets spéciaux ou alors une surabondance d’effets par ordinateur bon marché. Cette triste réalité s’applique parfois même à des superproductions holywoodiennes.

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GB : Vous avec un deuxième canal sur YouTube (Oliver Harper’s Let’s Play Retro), où vous vous filmez en train de jouer d’anciens jeux vidéo. Le faites-vous pour être dans le même courant que vos vidéos sur les films ou préférez-vous simplement jouer à des jeux rétros au lieu des plus récents ?

OH : J’ai créé ce canal en premier lieu afin de jouer aux jeux vidéo inspirés des films que je couvrais dans mes critiques. Un exemple est le vidéo où je jouais à Batman Arcade après avoir fait ma rétrospective sur le Batman de 1989. Par contre, au bout d’un certain temps je faisais des vidéos Let’s Play sur des jeux qui n’avaient aucun lien avec un film, comme Final Fight et la série Resident Evil. Ça m’a également permit d’inclure mon bon ami Richard Jackson dans un autre projet que celui des trames commentées de films. Nous avons une excellente complicité lorsque nous jouons ensemble, ce qui a rendu les vidéos Let’s Play beaucoup plus amusants à mon avis, contrairement à d’autres vidéos où on ne fait que regarder la personne jouer. J’ai laissé mon canal Let’s Play de côté ces derniers temps car il est difficile pour moi de gérer deux canaux de vidéo en même temps, mais j’ai l’intention d’y retourner. Mon ami Richard et moi souhaitons passer au travers de toute la série Resident Evil, en particulier Code Veronica qui est très difficile. Mais nous pensons avoir eu suffisamment de pratique pour jouer le jeu dans sa totalité sans trop de problèmes.

GB : Avez-vous des conseils pour ceux qui souhaiteraient démarrer leur propre canal et produire des vidéos comme vous sur YouTube ?

OH : Savoir attirer l’attention sur YouTube est de plus en plus difficile. Il y a tellement de gens qui produisent des critiques de films ou de jeux vidéo que le marché est rendu saturé. Alors, si vous souhaitez tenter votre chance sur YouTube et captiver un public, vous devez produire quelque chose d’original et de grande qualité, au moins meilleure que ce que vous obtenez avec une webcam. Avoir une bonne voix est un atout indéniable. Lorsque j’ai commencé, ça m’a pris beaucoup de pratique avant de trouver le juste ton et être capable de réciter un script de façon naturelle, un talent qui n’est pas donné à tous. Vous ne voulez surtout pas d’un vidéo où la personne fait des pause continuellement et semble toujours chercher quoi à dire. Si vous souhaitez faire des critiques sur les films les plus récents, vous devez être très rapide dans la production de vos vidéos et toujours essayer de les rendre public le weekend de la sortie du film. Si vous prenez trop de temps, le public aura eu amplement le temps d’aller voir le film en salles et ne sera pas intéressé à en entendre parler 3 semaines plus tard. Le choix d’image (thumbnail) pour votre vidéo est également très important afin d’inciter les internautes à le choisir. Tous ces petits détails sont importants afin de rendre votre canal attrayant pour les visionneurs.

Aussi, ne pensez pas faire de l’argent rapidement ou travailler à temps plein à faire des vidéos avec YouTube. J’ai commencé à faire des vidéo principalement par plaisir et j’ai continué à travailler dans d’autres domaines. Au fur et à mesure que je devenais populaire en ligne, mon travail a commencé à être lucratif. Au bout de quelques années, 2013 environ, j’ai considéré en faire mon travail à temps plein. Si vous être prêt à mettre beaucoup d’effort, vous serez récompensé. Je mets personnellement 50 heures et plus par semaine sur mon canal YouTube, en plus du temps que je passe à interagir avec mon public en ligne. Vous devez fournir constamment du nouveau contenu. Si vous vous contentez d’un seul vidéo par mois, il sera difficile de conserver l’intérêt du public, ce dernier pouvant passer facilement d’un canal à l’autre, surtout si il croit que le vôtre est mort.

Avant de rendre un vidéo public sur YouTube, partagez-le avec vos amis afin d’obtenir leur avis en toute honnêteté. Cela est très important, car si vous mettez en ligne un vidéo de piètre qualité, vous allez vous exposer à des critiques très sévères des utilisateurs. Assurez-vous d’avoir une bonne carapace contre les insultes des « trolls » ou les individus aux opinions très prononcées.

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GB : À part de vos rétrospectives, trames commentées et vidéos Let’s Play, avez-vous des projets futurs pour votre canal YouTube ?

OH : J’ai l’intention de produire un vidéo sur les lieux de tournage de Superman IV. Ce film a été tourné au Royaume-Uni, plus précisément la petite ville de Milton Keynes dans Buckinghamshire qui a servi de modèle pour la ville de New York (vous voyez là le côté bon marché de la production) et qui se trouve à seulement une heure de chez moi. Mon ami Tim Partidge, qui est cinéaste professionnel, va m’assister dans le tournage et l’obtention des permis pour filmer plusieurs lieux où le film a été tourné, comme la station de métro souterraine et la tour à bureau qui a servi de décors pour le Daily Planet. Le financement de ce tournage est un des buts de ma campagne sur Patreon, mais je compte bien être capable de le faire, que j’atteigne mon but ou non.

Il m’arrive parfois de vouloir abandonner YouTube complètement et me tourner vers autre chose, mais alors je repense à tout ce que j’ai fait au cours des 4 dernières années et tous les bons commentaires de mon public, leur désir de me voir en faire toujours plus et ça me convainc de continuer. Par contre, si jamais je perd tout enthousiasme pour parler de films et si faire des vidéos devient une corvée, je vais arrêter. Pour l’instant, j’ai encore énormément de plaisir à faire ce je fais, malgré les hauts et les bas. J’ai maintenant 33 ans et je dois penser à l’avenir et à ce que j’ai l’intention de faire de ma vie. Je n’ai jamais imaginé que mes vidéos sur YouTube m’amèneraient jusqu’ici. Sans eux, je serais sûrement dans un emploi déprimant dans un bureau, sans pouvoir m’exprimer de façon créative. Mon canal est encore quelque peu méconnu, mais j’ai un public fidèle qui grandit de jour en jour. Qui sait, peut-être l’an prochain j’aurai une vague importante de nouveaux abonnés qui m’amèneront à faire des vidéos de plus en plus longs et qui couvriront un plus vaste éventail de sujets. Peut-être même quelqu’un de haut placé dans l’industrie du cinéma remarquera mon travail et me proposera de produire des documentaires sur DVDs. Malgré tout, je suis en ce moment bien content de ma carrière sur YouTube et voit l’avenir avec optimisme.

Je vous recommande de découvrir l’excellent travail d’Oliver sur YouTube. Le lien vidéo en tout début d’article mène vers sa rétrospective sur le premier volet de la trilogie Back to the Future. Vous trouverez ci-dessous les liens vers ses différents canaux YouTube ainsi que sa page Patreon si vous avez le désir de l’encourager financièrement.

Oliver Harper : Canal Rétrospective Films

Oliver Harper : Canal Let’s Play

Oliver Harper : Page Patreon

À propos de Frédéric St-Georges

Je suis un geek assumé et fier de l'être, qui joue régulièrement aux jeux vidéo depuis l'âge de cinq ans, maniaque de séries télé comme Babylon 5, Star Trek Voyager et Game of Thrones. Geekbecois représente pour moi une belle opportunité de partager avec vous mes passions, vous informer et même parfois vous divertir avec un jeu de mots à la qualité douteuse!

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