Le film Shape of Water (La Forme de l’eau, dans sa version doublée) est présentement en salle.
Et rebelote pour Guillermo del Toro, qui revisite pour l’énième fois ses craintes d’enfance, après Cronos, Mimic, l’excessivement efficace Devil’s Backbone et le magnifique Pan’s Labyrinth. Cette fois, ce n’est pas le gamin qui balance ses épouvantables cauchemars à l’écran, mais l’adulte, question de boucler la boucle et passer à autre chose, selon les mots du réalisateur.
Le scénario, écrit à quatre mains – dont deux, on l’espère du moins (c’est del Toro quand même), appartiennent à Vanessa Taylor (Divergent, Game of Thrones) – nous entraîne en pleine Guerre froide dans l’Amérique des années 50, avec peur des « Rouges », racisme, ostracisme. « Make America Great Again », comme disait l’autre.
Elisa (magnifique Sally Hawkins ; annulez vos plans pour le reste de la journée et visionnez Maudie d’Aisling Walsh. Si vous n’en sortez pas ému, vous êtes mort en dedans) ; Elisa, donc, est une femme de ménage muette qui gagne sa vie à éponger le sang et l’urine des employés d’une base militaire secrète. Arrivent deux monstres. L’un, un être amphibien, n’a de monstrueux que l’apparence. L’autre, militaire détestable jusqu’à ses pores de peau, interprété par le toujours juste Michael Shannon (oui, le général Zod), a pour mission de tout découvrir de cette bête fantastique.
On l’a vu quelque part ?
Ceux qui ont suivi la carrière de del Toro se diront, à la vue de cette merveilleuse bête aquatique « ah tiens, c’est l’histoire d’Abe Sapien, qu’il nous ramène de l’univers Hellboy qu’il a mis en image le temps de deux films ». Les ressemblances sont sidérantes et… ça s’arrête là. D’où provient cette créature, depuis quand existe-t-elle et tutti quanti : vos questions demeureront sans réponse. Ce que l’on sait, c’est qu’elle détient peut-être le secret pour fabriquer une combinaison permettant à l’humain de conquérir l’espace. Voilà. Les Américains la veulent, les Soviétiques la veulent, et Elisa veut la faire sortir de là.
Sans rien dévoiler, nous sommes ici en présence d’une histoire d’acceptation de différences. Les deux êtres en question qui se rencontrent et tissent des liens d’amitié qui se bonifient rapidement ne sont pas de la même espèce, sont muets, mais réussissent à communiquer, se battent contre le mépris des autres, etc. Vous voyez où l’on s’en va avec ça, n’est-ce pas ? Années 50, comme on disait. Ça pourrait être 2017 aussi, mais n’allons pas là.
Les images, signées Dan Laustsen (qui a travaillé avec le réalisateur sur Mimic il y a 20 ans) sont léchées. À tel point que pendant les 45 premières minutes, on se croirait dans un Jean-Pierre Jeunet, musique et tout.
En conclusion
Alors, qu’en penser ? Il s’agit d’une œuvre savamment ficelée par un orfèvre du 7e art. Guillermo sait faire, même s’il nous demande parfois de lui accorder un peu de répit pour assouvir son côté geek fini (je te regarde, Pacific Rim). Un peu longuet, car comme tout bon conte, on devine avant d’acheter le billet comment ça finira (quoique Pan’s Labyrinth en aura étonné plus d’un dans ses derniers plans).
The Shape of Water mérite amplement d’être vu et apprécié. Est-ce son meilleur, comme beaucoup le prétendent ? Je ne crois pas. Mais le pire de del Toro est souvent meilleur que ce que d’autres ont réussi de plus accompli.
Dans tous les cas, l’interprétation de Sally Hawkins à elle seule mérite votre déplacement, à genoux dans la neige et le froid s’il le faut.