Europa Universalis V : grandiose

C’est ici que tout a commencé, au début du Millénaire. Nous avions tout juste survécu au bogue de l’an 2000 quand nos ordinateurs, la plupart encore équipés de Windows 1998, ont été bénis par la sortie du premier jeu du studio suédois Paradox Interactive : Europa Universalis. Véritable pionnier dans le domaine des jeux de guerre et de grande stratégie, on nous proposait de prendre la destinée d’une nation pendant la renaissance, les Temps modernes. Ainsi donc, 25 ans plus tard, nous avons désormais entre les mains le cinquième opus de cette franchise qui a lancé l’un des studios les plus accomplis au monde. Voici enfin : Europa Universalis V !

  • Studio de développement : Paradox Tinto
  • Éditeur : Paradox Interactive
  • Plateformes disponibles : PC,
  • Plateforme de test : PC
  • Date de sortie : 4 novembre 2025
  • Classement : T pour adolescents
  • Prix : 79,99 $
  • Page Steam du jeu
EUV_Menu
Regardez-moi ce menu glorieux ! Les œuvres d’art, inspirées des peintures de l’époque, sont sublimes. À toutes les occasions, ce sera un plaisir pour les yeux. Une chance, parce qu’il faut s’armer de patience dans les chargements.

J’ai fondé des dynasties qui ont traversé les siècles dans la série Crusader Kings. Dans Hearts of Iron, j’ai remporté la Deuxième Guerre mondiale pour le compte de l’Axe, les Alliés et même le Komintern. Dans Stellaris, j’ai colonisé toute une galaxie et, dans Victoria 3, j’ai épousé (et parfois résisté) aux changements sociaux de la révolution industrielle. J’ai même restauré la gloire de Rome dans Imperator : Rome. Pas besoin de vous dire que je suis un partisan fini des jeux de grande stratégie que Paradox Interactive a développés ou publiés. Il manquait toutefois une corde à mon arc. Je n’avais qu’effleuré Europa Universalis. Le jeu couvre pourtant une période de l’Histoire que j’adore, mais on aurait dit que l’occasion de réellement plonger ne s’était jamais encore présentée. Cela était pour changer, alors que j’ai pu essayer Europa Universalis V en accès anticipé dans les dernières semaines.

Démarrer le jeu

Pour les amateurs des jeux de Paradox, la sortie d’un nouvel opus, c’est comme Noël avant le temps. Et c’était maintenant au grand-père de la franchise d’avoir droit à une mise à jour. C’est donc avec beaucoup d’excitation qu’on lance le jeu et que… l’on va se chercher une tasse de café parce que, franchement, c’est très long. J’avais remarqué la tendance avec Victoria 3, le chargement du jeu est laborieux. Et une fois arrivés dans le menu principal, nous avons droit à une nouvelle roue qui tourne dans le beurre, en bon québécois. On nous annonce que des éléments supplémentaires du jeu sont en chargement APRÈS que l’on ait déjà traversé trois barres de chargement. Dans Victoria 3, au moins, on avait un compteur : nous chargeons maintenant le 923e élément des 97653 restants. Pour Europa Universalis V, il faudra garder la foi de ne pas être dans les limbes informatiques.

Une fois le jeu lancé, nous avons deux options : choisir un pays parmi une sélection de choix « intéressants » selon les développeurs, ou simplement ouvrir la carte du monde et choisir parmi l’un des 1500 états jouables à la date de départ du jeu en 1337. Les fins renards remarqueront que c’est presque 600 états de plus et cent ans plus tôt que l’opus précédant Europa Universalis IV. En effet, les développeurs ont reculé la date de démarrage de 1444 à 1337. Cela a des impacts majeurs sur les nations disponibles : par exemple, la France a cédé en 1337 moins de territoire à l’Angleterre dans le cadre de la guerre de 100 ans qu’en 1444. La péninsule ibérique, l’Empire byzantin et le Saint-Empire romain germanique ont tous l’air bien différents. Même la horde dorée des Mongols est toujours bien présente en 1337. Europa Universalis V offre donc un changement de paradigme à la série. Et l’action se déroulera jusqu’en 1837, à peu près au départ de la série Victoria.

Les options de pays dans Europa Universalis V
L’Europe au début du 14e siècle. La France est fracturée, les hordes mongoles sont toujours présentes. Et regardez la myriade d’états qui composent le Saint-Empire romain germanique ! Quel pays choisirez-vous ?

Europa Universalis V : bel et bien Paradox

Disons qu’on lance le jeu avec un pays choisi sur la carte parmi la multitude d’options. Prenons le royaume de Naples, dans le sud de l’Italie. Les plus férus d’histoire se souviendront que c’est un endroit particulier, au confluent de plusieurs cultures : Italiennes, Grecques / Byzantines, Arabes, mais également Normande en raison des conquêtes vikings et des alliances avec la nobilité d’Europe de l’Ouest. Dès le lancement du jeu, on retrouve un petit rappel historique de ces faits, ainsi que des défis du royaume en 1337. Puis, nous sommes laissés à nous-mêmes. C’est du pur Paradox, peut-être même à son plus complexe. Il y a un menu à gauche avec les principales actions. Ce menu est surplombé d’un autre menu avec les différents aspects du Royaume. Tout cela est surmonté par un modèle animé de notre souverain, qui nous juge sévèrement (probablement parce qu’on ne sait pas quoi faire). Il y a bien sûr un menu dans le bas pour les filtres de carte. Un menu contextuel à droite, des astuces au-dessus de ce dernier. Une barre d’état dans le haut avec un paquet de variables sur le royaume et, finalement, une pléthore de drapeaux d’alerte, certains semblent urgents, d’autres moins.

En bref, on ne sait pas où donner de la tête. En défilant les alertes, on constate rapidement que certaines se règlent rapidement : vous n’avez pas désigné de ministres ou il vous reste des diplomates auxquels attribuer des fonctions. D’autres sont plus énigmatiques : il manque de ressources pour votre flotte, ça ne doit pas être bon. On prend donc un petit instant de recul, une bonne inspiration, puis on essaye une méthode d’essai-erreurs. 

EUV_evenement
Il y aura des événements persistants dans Europa Universalis V avec conséquences pour les pays concernés et des conditions pour y mettre fin. Pensons à la montée de l’Empire ottoman, de la Peste noire ou de la guerre de 100 ans entre la France et l’Angleterre.

C’est que l’on a beaucoup de choses à faire : nous sommes responsables de la diplomatie, de l’armée, des forces navales, bien entendu, mais également de la production de ressources et du commerce. Importation directe de Victoria 3, notre bon peuple est maintenant classé parmi des « pops », des groupes qui représentent les classes sociales. Moins diversifié que précédemment, nous avons tout de même à gérer les besoins de chaque classe sociale, maintenant regroupée en grands ordres ou états : la noblesse, le clergé, les bourgeois et tout le reste du monde. Certains pays ont des ordres spécifiques et, souvent, des noms personnalisés. Maintenant, on emprunte l’idée à Imperator : Rome pour gérer les ressources (bois, nourriture, papier, outils, armes, etc.) qui seront consommées par la population, transformées par les bâtiments ou encore utilisées dans la construction ou pour équiper les soldats.

Bref, il y a du stock en masse.

Tutoriel

Pas besoin de vous dire que, pour un nouveau joueur, j’étais submergé d’informations et de choses à faire. La tâche la plus ardue est de distinguer l’urgent, l’important et le trivial. Je me suis donc dit que j’allais tester un peu le tutoriel. Habituellement, les tutoriels de Paradox laissent plus à désirer qu’autre chose, mais, sait-on jamais ? C’était la première fois que je sentais le besoin d’en consulter un, j’ai surtout fait les autres pour les trophées. Comme dans d’autres opus, c’est via l’écran de sélection de pays, ceux prédéterminés par les développeurs, que l’on aura accès à des tutoriels. 

EUV_Ages
Et à chaque âge qui passe, à chaque période que l’on traverse, l’on doit choisir de spécialiser son pays dans un domaine, par exemple l’administration, le commerce ou la guerre.

Pour la première fois dans un jeu de Paradox, j’ai été impressionné par la qualité du tutoriel. On choisit d’abord en fonction de notre intérêt : guerre, commerce, administration, économie, politique, etc. Puis, par le biais de quelques bulles d’information bien construites, puis par des missions, on se sent en contrôle des concepts à maîtriser. J’apprécie aussi que le tutoriel nous dise clairement de ne pas nous préoccuper de X ou de Y, que cela n’ait pas d’incidence sur notre jeu.

Nous voici donc mieux outillés pour comprendre les concepts clés d’Europa Universalis V. On réalise également que des pans entiers du jeu peuvent être automatisés, parfois pour une améliorer la qualité de vie. Par exemple, la taxation automatisée s’ajustera afin de garder la fidélité de chaque classe sociale tout en prélevant le maximum d’argent. Ou encore le commerce qui créera les échanges les plus lucratifs et répondra aux besoins des citoyens. Un joueur plus expérimenté ou avec une stratégie précise en tête peut, à tout moment, reprendre la main et ajuster à sa guise ces éléments. Il n’en demeure pas moins que, pour soulager les nouveaux joueurs, ces options d’automation sont plus que bienvenues.

L’État, c’est moi

Parce que, au final, Europa Universalis V vous donne tous les leviers pour présider à la destinée de votre pays. Celle-ci, toutefois, sera teintée par la traversée des âges qui auront des impacts sur votre développement. Comme dans la vraie Histoire, toutes les nations ne se lancent pas forcément dans l’exploration et la colonisation du Nouveau-Monde arrivé à l’âge des Découvertes, mais certaines ont un plus grand intérêt que d’autres. Pensons au Portugal, confortablement niché dans l’arrière-pays de l’Espagne avec une alliance durable avec l’Angleterre. Est-ce que le petit pays utilisera ses maigres ressources à tenter d’arracher des territoires à son puissant voisin ? Ou est-ce qu’il regardera plutôt vers l’Ouest, vers le Nouveau-Monde, à la recherche de nouvelles ressources à commercer, voire même de l’or et de l’argent à exploiter ?

EUV_Ordres
Pour apaiser les différentes classes sociales, il sera possible de leur accorder ou de leur retirer des privilèges. À ne pas faire à la légère, ceci dit, car ces changements auront un impact sur l’économie du royaume et sur sa direction idéologique.

Europa Universalis V tend à fournir une réponse à ces questions et à orienter les joueurs vers les positions historiques des pays, parfois avec des événements sur mesure, mais la plupart du temps, simplement en fonction des forces et des faiblesses de chaque État. Certains mécanismes du jeu auront par ailleurs pour effet de freiner les plus belliqueux d’entre nous. D’abord, un système de contrôle sur le territoire est en place, de telle sorte que les lieux les plus éloignés de la capitale ne contribuent pas à l’essor militaire ou financier du pays, au contraire. Sans parler de l’intégration des territoires nouvellement conquis, qui requiert plusieurs années avant d’être effective. À cela s’ajoute une jauge de « menace » que votre État représente. Si celle-ci est trop haute, les États voisins se ligueront contre vous et feront éclater le château de cartes que vous avez brutalement assemblé par la conquête.

C’est aussi cela, les jeux de Paradox. Chaque franchise tend à se spécialiser dans un domaine. Crusader Kings invitera le joueur à s’investir dans le personnage de son suzerain et les relations de sa dynastie. Hearts of Iron, totalement à l’inverse, aura peu d’éléments de jeu de rôle, mais donnera les outils pour la guerre totale aux joueurs. Victoria se concentre davantage sur l’expansion économique et les révolutions idéologiques. Dans Europa Universalis V, il y a un peu de cela : nous avons un souverain, mais les options pour personnaliser sa vie sont plus limitées. Il y a tout un volet à la guerre, mais les options de tactique et d’équipement sont plus linéaires. Nous en avons parlé, il y a des pops, avec des besoins à combler, mais leur évolution est beaucoup plus lente.

Non, dans Europa Universalis V, l’accent est réellement mis sur l’exploration et la colonisation, évidemment. Mais aussi sur le commerce, sur l’importance d’obtenir des ressources convoitées par les autres, utiles pour votre nation. Il y a un arbre des technologies très fourni dans le jeu. Sans oublier tout l’aspect de « construction de la nation » (plus souvent entendu en anglais, comme le concept de « Nation Building »). Rappelons que, dans la transition entre le Moyen-Âge et les Temps modernes, les gens vont commencer de plus en plus à s’identifier à leur peuple et à l’État qui les représente. C’est l’émergence des États-nations et de l’adhésion à une certaine forme de nationalisme. Cela est au cœur d’Europa Universalis, puisque les décisions prises alors que notre pays progresse à travers les âges auront un impact sur son identité, ses forces et ses faiblesses. 

Terme à la mode aujourd’hui, étrangement repris dans Europa Universalis V, dans un autre contexte, votre nation traversera une « guerre culturelle » (« culture war »), alors que des points de vue idéologiques s’affronteront. Certains sont ancrés dans l’ancien régime, comme le féodalisme, et s’opposent à l’humanisme, plus tourné vers la modernité. Le joueur a une grande liberté d’influencer l’avenue qu’empruntera sa nation dans cette guerre culturelle.

EUV_Ressources
Pour gérer les besoins de son armée, de sa flotte et de ses citoyens, il faudra accéder à des ressources précieuses. Habituellement via le commerce ou en les produisant soi-même. Cette carte montre les lieux de production de certaines industries primaires.

Réellement universel ?

On l’a dit, c’est du Paradox. Probablement la version la plus complète et la plus complexe actuellement disponible des franchises du studio. En s’inspirant des bons coups des autres opus, les développeurs nous livrent ce qui est probablement leur plus grand chef-d’œuvre, à date. Europa Universalis V est le digne successeur de la série qui a propulsé le studio suédois. Notons que cette version a été développée par Paradox Tinto, une branche du studio basée à Barcelone, en Catalogne, mais pilotée par Johan Andersson, à qui l’on doit les titres Europa Universalis IV et Imperator : Rome.

C’est connu, la série Europa Universalis est le contenu OG (original) de Paradox. Chaque version de ce jeu a consacré tout l’amour et l’intelligence que les développeurs peuvent mettre dans leurs jeux, et plus spécifiquement dans le type de jeux qu’ils ont bâti et démocratisé : les jeux de grande stratégie. Avec Europa Universalis V, les partisans de la série ou du studio ne seront pas déçus. On y retrouve tout ce que l’on aime des opus précédents, mais constamment améliorés. Encore plus de profondeur, encore plus de complexité, encore plus d’options et toujours, toujours, toujours plus de liberté pour les joueurs.

EUV_Guerre
Évidemment, la guerre est toujours une option dans Europa Universalis V.

Mais Europa Universalis V n’oublie pas les nouveaux joueurs. Les tutoriels sont, pour une fois, bien réussis. Les aides et astuces en cours de partie sont pertinents. Les informations historiques nous aident également à avoir une idée générale du positionnement de notre nation. Les options afin d’automatiser certains aspects du jeu, comme les taxes ou le commerce, aident à simplifier la vie du joueur amateur sans retirer de la profondeur pour les joueurs vétérans. 

Europa Universalis V n’est pas un petit jeu décontracté à déguster avec une bière et un bretzel. C’est un jeu de grande stratégie, un jeu grandiose de grande stratégie. Il faudra prêter attention, lire les indices, apprivoiser les menus. Mais une fois que c’est maîtrisé, la satisfaction pour le joueur est très grande parce qu’il ne lui reste plus qu’à devenir, littéralement, le maître du monde moderne.

J’aime

  • L’immense profondeur et la complexité offertes par le jeu
  • La trame historique, du Moyen-Âge à l’aube de la Révolution industrielle
  • L’immense choix de nation à piloter
  • La beauté de la carte, de l’interface utilisateur et des animations
  • La musique absolument appropriée pour la période historique couverte
  • Le tutoriel qui aide réellement les nouveaux joueurs à apprivoiser le jeu

J’aime moins

  • La courbe d’apprentissage élevée pour les nouveaux joueurs
  • L’interface utilisateur relativement complexe
  • La difficulté à apprivoiser le jeu, puis à le maîtriser

La copie d’Europa Universalis V a été fournie par Paradox Interactive.

Europa Universalis V

Scénario
Graphisme
Bande sonore
Jouabilité
Durée de vie

Votre Europe

Europa Universalis V est un excellent successeur des opus précédents et un nouveau chef-d'œuvre du studio Paradox, qui nous a habitués à des jeux plus grands que nature, habituellement de francs succès. Dans cette version, prenez en main la destinée de l’une des 1500 nations disponible en 1337 et guidez-la à travers les changements de technologie, de culture et d’identité qui marqueront la fin du Moyen-Âge, les Temps modernes et l’approche de la Révolution industrielle. Par la guerre, la diplomatie ou le commerce, prenez votre place au Soleil et fondez le plus grand empire jamais encore vu sur cette terre. Dans Europa Universalis V, vous avez tous les outils pour y parvenir.

À propos de Yanick Grégoire

Toujours à la recherche de la prochaine perle rare, je m’intéresse aux développements et à l’actualité dans les mondes des jeux vidéo, des jeux de société et d’un peu tout ce qui touche à la culture geek. Dans ma vie professionnelle, je suis spécialisé en communications et dans ma vie personnelle, j’ai une bonne armée de Nains à Warhammer Fantasy. Parfois, je fais des blagues, rarement avec succès.

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