Attention, toi qui t’aventures sur cet article ! Il est plein de divulgâcheurs concernant le dernier Avengers, et plein d’autres éléments clefs de l’univers Marvel !
Autant le dire tout de suite, j’ai adoré Avengers : Infinity War. Le scénario, les acteurs, le visuel, la construction, les effets spéciaux, les scènes de combat, la musique… Surtout la musique d’ailleurs. Cela faisait une éternité que je n’avais pas vu de film où l’on pouvait entendre les nuances de la bande-son, et où la musique était un outil narratif.
Il suffit d’écouter cette fin magistrale, ce silence si pesant alors que tout l’univers tremble, où chaque murmure d’air semble venir d’une poitrine se vidant avant de disparaître dans le néant, et soudain ce grondement musical sinistre alors que Steve Rogers comprend enfin ce qu’il vient de se passer, et enfin, la simplicité et l’émotion tremblante des violons accompagnant Thanos alors qu’il se meurt, en paix avec lui-même, l’univers, et celle qu’il a sacrifiée pour le plus grand bien. Rien que d’y penser, j’en ai encore des frissons.
Je pourrais vous en parler pendant des pages et des pages, à vous détailler chaque scène, chaque personnage et sa trame narrative, louant les talents des acteurs, des cascadeurs, de l’équipe technique et de tous les autres, mais je ne me doute pas que vous trouviez de nombreuses critiques faisant la même chose, incluant celle parfaite de ma collègue Virginie. Alors aujourd’hui, j’aimerai vous parler de la véritable raison pour laquelle j’ai adoré Avengers : Infinity war. Parce que c’est le parfait aboutissement du cycle entamé par le MCU (Marvel Cinematographic universe) il y a maintenant presque 10 ans. Mais pas forcément celui auquel vous pensez.
Les dieux sont morts, longue vie aux dieux.
Le film s’ouvre sur une scène de destruction totale. Les corps gisent sur le sol du vaisseau asgardien, alors qu’une voix sinistre acclame le responsable du massacre, glorifiant son geste et le sacrifice bien involontaire de ses vies. Thanos est venu, et dans sa grandeur, a honoré la moitié du peuple asgardien dans la mort pour la sauvegarde de la vie. Thor est à terre, Heindal mourant, Hulk vaincu, même Loki, qui rit devant la mort et trouve toujours le moyen de tricher, fléchit le genou devant le géant mauve. Toute résistance est futile, tout pouvoir insignifiant, et tous doivent mourir. Mais dans un dernier souffle, Loki prédit alors à Thanos qu’il ne sera jamais un dieu. Malgré la démonstration de force qu’il vient de faire, malgré l’aisance avec laquelle il terrasse Hulk et Thor, Loki meurt avec cette complète certitude. Thanos ne sera jamais un dieu.
L’imagerie divine dans l’univers Marvel
Création, corruption, destruction
Depuis toujours, l’Histoire suit un cycle qui se répète encore et toujours, rythmé par les avancés et les reculs de l’humanité. L’Homme crée un ou des dieux pour répondre à ses questions et à ses besoins, s’unissant autour d’un culte commun leur permettant de construire leur propres société et culture, autour d’un certain nombre de valeur, lois, et croyances. Petit à petit, le système est corrompu par la soif de pouvoir et devient un outil de contrôle des masses, développant des extrêmes allant complètement à l’encontre du code de conduite et des valeurs préalablement instaurées. Face à cette déformation, le peuple, ou les minorités les plus malmenées, parfois même les deux, trouvent des alternatives, souvent autour d’une nouvelle religion et de nouveaux dieux, ou plus simplement d’une nouvelle interprétation, et s’en servent pour renverser l’existant. Commence alors un nouveau cycle, et ainsi continue la vie : création, corruption, destruction.
La vraie vie n’est d’ailleurs pas la seule à suivre ce cycle naturel. On le retrouve aussi dans presque toutes les œuvres de fiction, et Marvel n’est pas différent. À vrai dire, avant même la création du MCU, les comics books ont suivi la même voie. Nous sommes en 1933, à la fin de la guerre la plus violente connue par l’Homme, et à l’aube d’une guerre encore plus terrible, quand deux hommes d’origine juive, Jerry Siegel et Joe Shuster, s’inventent un messie en collant, avec le pouvoir de défaire Hitler, le nazisme, et l’antisémitisme qui menaçaient leurs vies, même de l’autre côté de l’Atlantique. Face au succès de Superman, arrive Captain America, qui devient naturellement et très rapidement un outil de propagande américaine, se battant contre l’injustice, pour la liberté, et contre les Russes, les Allemands, communistes, bref, tous les ennemis des États-Unis.
Mais il ne faut pas longtemps pour que le héros tombe dans la désuétude, alors que les rues américaines se remplissent de militants anti gouvernementaux, criant leur colère et leur déception face à un gouvernement corrompu et assassin. Il ne faut pas longtemps pour que ces mouvements atteignent le monde fictif des supers héros, et bientôt, ils se battent entre eux, meurent, et confrontés à leurs propres erreurs et à leurs idéaux brisés, laissent la place à une nouvelle génération de héros plus proche des attentes idéologiques de leur lectorat.
Les nouveaux dieux
Et l’univers cinématique Marvel n’est pas différent, à la nuance près que leurs créateurs font le choix conscient de suivre ce cycle, qu’ils présentent eux-mêmes en trois phases. Création, corruption, destruction. On commence par l’introduction de nombreux héros, Iron Man, Captain America, Thor… Ils représentent tout ce qu’il y a de bon et de juste dans le monde, toutes les valeurs qui animent notre société aujourd’hui, l’intelligence, l’humilité, la solidarité, le sacrifice, l’héroïsme… Ils sont beaux, forts, étincelants et le public les aime. Et quand arrive la plus grande menace que l’Homme n’a jamais connue, ils s’unissent, et émergent victorieux, sous les applaudissements bruyants de la planète tout entière leur rendant hommage.
Puis arrive la phase deux, et avec elle, la folie des grandeurs. Tony Stark se met à construire toujours plus d’armures, toujours plus puissantes, de manière compulsive est complètement hors de son contrôle. Le SHIELD révèle une armada et une technologie d’une telle puissance qu’elle dépasse tout entendement humain, alors que l’on découvre que l’organisation est en plus corrompue par ses pires ennemis. Et l’alliance de tous donne naissance à leur plus grand ennemi, Ultron, animé par la même mégalomanie que ces créateurs. Seulement cette fois, tel un sauveur sorti des eaux, naît Vision, une créature au cœur et à l’âme pur et aux pouvoirs surprenants, d’apparence invincible. Est-ce le Messie tant attendu pour l’univers Marvel ?
Arrive la phase 3. Tout s’effondre progressivement, alors que le reste de l’humanité, celle sans pouvoirs, mais portant les conséquences toujours plus lourdes des exploits de nos héros, tente de reprendre le contrôle. Il y a les accords de Sokovia, tentant de limiter la toute-puissance des supers héros par le biais de régulations législatives et administratives, il y a un roi qui doit choisir entre la vengeance et son peuple, contraint de laisser ses intérêts personnels de côté pour le bien de son pays, il y a un adolescent qui, avant même qu’il n’ait eu la chance de devenir le héros qu’il rêve d’être, se voit confronté à la corruption, au trafic, au désenchantement du genre héroïque tombé dans la poussière. Il n’y plus de héros, seulement des hommes, il n’y a plus de dieux, seulement des égos (Ego… j’ai fait un jeu de mots) rendu fous par leurs propres pouvoirs, les amenant à leur propre destruction, entrainant avec eux des planètes entières.
Infinité, divinité, humanité
Derrière cet effondrement gronde un drame autrement plus important que les futilités des cycles de la vie. C’est l’univers tout entier qui tremble alors que sa trame transparaît un peu plus à chaque film, nous permettant de distinguer les événements à venir. Alors que Banner, sauvé de Thanos par un dernier acte de magie de Heindal le renvoyant sur Terre, prévient de l’arrivée du Titan, nous sont présentées de nouveau les fameuses Pierres d’Infinités. Au nombre de 6, elles représentent et contrôlent les 6 principes dont est fait chaque élément, même le plus infime, de l’univers : Le Pouvoir, l’Espace, la Réalité, l’Âme, l’Esprit, et le Temps. Ensemble, elles permettent le contrôle total de tous les aspects de notre réalité, donnant un pouvoir illimité normalement attribué à Dieu.
Oui, Dieu, avec une majuscule. Le Dieu unique, Dieu des chrétiens, juifs, et musulmans, le Dieu du monde occidental dans lequel sont nés les comics books et les superhéros américains. Le Dieu créateur, omniscient, omnipotent, omniprésent. Celui auquel vous pensez quand on vous demande « Croyez-vous en Dieu ? »
Croyez-vous en Dieu ?
Parce que c’est la question que pose Avengers : Infinity War. En qui croire, en quoi croire. Les Avengers, destitués, désunis, et profondément humains et faillibles, ou cet être, Thanos, que personne ne semble pouvoir arrêter, et charger d’une glorieuse tâche ; celle de sauver la vie de la destruction et de la misère.
Est-ce que Thanos serait le nouveau dieu du MCU, la solution aux problèmes de l’univers, et le début d’un nouveau cycle ? C’est en tout cas ce qu’il espère être. Le début d’un nouveau cycle, pas un dieu. Et c’est ce qui fait toute la différence. Thanos n’est pas un dieu, et il ne veut pas en être un. Thanos est un être profondément humain, au sens philosophique du terme, et fier de l’être. Il ne prétend même pas avoir été envoyé par un dieu, non, Thanos est l’égal de toutes ses victimes.
Les origines de Thanos
Un petit détour par les comics, afin de mieux comprendre le personnage. Thanos est un être appartenant à la race des Éternels, une race dérivée de la race humaine, née il y a des milliards d’années. D’après les comics, ils sont dotés d’un certain nombre de pouvoirs leur permettant de manipuler la réalité, ils peuvent ainsi voler, se guérir, et ne meurent pas à moins d’être tués. Au jour d’aujourd’hui, ils seraient donc âgés de plusieurs millénaires, et vivent sur Titan, où ils se sont réfugiés après avoir quitté la Terre.
Pourtant, Thanos ne montre aucun de ces pouvoirs. Il ne vole pas, il n’a pas de pouvoirs psychiques ou magiques, à vrai dire, en dehors de sa taille et de sa force, il n’a pas grand-chose en commun avec la puissance de ceux décrits par les comics. Et pourtant, un détail sur son histoire d’origine frappe : les Etermels sont, et restent, malgré leurs pouvoirs, une dérive de l’Homme. Le lien le plus apparent est leur physique, identique à celui d’un être humain. D’ailleurs, durant le bref aperçu que Thanos nous donne de Titan avant sa destruction, il nous semble apercevoir plus de silhouettes nous ressemblant, que grand, massif, et violet. C’est parce que Thanos est en réalité un mutant de sa propre espèce. Il est plus particulièrement atteint du « syndrome du mutant », maladie décrite comme causant la folie progressive de ceux qui en portent les gènes. Là enfin, on se rapproche plus de ce qu’est le Thanos que l’on voit à l’écran.
Exclu de la société qu’il a essayé de servir et sauver, marqué par sa propre différence, mais aussi par le rejet, sans doute la crainte et la méfiance de ses pairs, Thanos nous dit dans Avengers : Infinity War, qu’il a déjà ignoré sa destiné une fois, et qu’il ne peut pas se permettre de le faire encore. Il ne nous faut pas longtemps pour comprendre qu’il parle alors de Titan, qu’il n’a pu sauver de sa propre perte, alors que sa population épuisait ses ressources jusqu’à se condamner elle-même à une mort lente et douloureuse. Face à ce désastre, Thanos n’a pas cherché à prendre le contrôle, car il ne pensait pas alors être légitime. En fait, alors même qu’il recherche activement les Pierres afin d’effacer la moitié de toute vie existante dans l’univers, il reste convaincu qu’il n’est pas différent de ceux qu’ils cherchent à tuer.
Le prix à payer
« Je suis le seul à savoir ce dont l’univers à besoin », clame-t-il alors que Gamora tente de le dissuader. Ou, tout du moins, est-il le seul à avoir la volonté de faire le nécessaire, ajoute-t-il, nous confirmant qu’il n’est pas un dieu ni ne souhaite en être un. Il reconnaît tout à fait que son plan est des plus basique. Il admet qu’il n’est probablement pas le premier à y avoir pensé, ou même à avoir développé un plan comme il l’a fait. La seule différence, est qu’il est le seul à le mettre en action, le seul prêt à faire l’ultime sacrifice que demande cet effort. Celui de perdre ceux qu’il aime, et peut être même sa propre vie. Après tout, rien ne le protège d’être effacé lui-même, ou ceux qu’il aime. Mais il estime que ce sacrifice est moindre, par rapport au sort de l’univers tout entier.
Et pourtant, lorsque la Pierre de l’Âme lui demande de sacrifier ce qui lui est le plus précieux, sa douleur est évidente, palpable ( merci, Josh Brolin pour cette magnifique interprétation ). En effet, c’est une chose que de laisser le hasard frapper, sans jugement, sans raison, sans volonté divine derrière l’action, uniquement le néant, et une autre que de donner sa propre fille en sacrifice à une force le dépassant, dans l’espoir de sa coopération. Et c’est ici que Thanos devient véritablement bouleversant, et plus fin, et plus travaillé qu’aucun vilain Marvel avant lui. Il n’est pas aveuglé par un motif supérieur et égoïste pour lequel il est prêt à tout, se projetant sur un piédestal, il est celui qui se sacrifie pour le bien de tous, l’âme torturée pour que l’univers puisse de nouveau sourire, celui qui se remet au jugement de tous, prêt à descendre en enfer, pour que le monde puisse avoir un futur. En somme, un héros.
Au commencement
Qui dit capable de sagesse…
Thanos n’est pas divin. En fait, il est plutôt humain. Mais comme il n’est pas véritablement humain, il est un Éternel de Titan, nous allons utiliser le terme « fini ». Non pas dans le sens que sa trame ou son histoire est finie, mais qu’il a un début et une fin à l’intérieur de l’univers connu. En d’autres termes, il n’est pas Dieu. D’ailleurs, il ne croit pas en Dieu, seulement au hasard et à l’impartialité. À première vue, rien ne semble lui donner tort ou raison, pourtant, quelque chose ne colle pas. Les Pierres d’Infinités.
Prises à part, il ne semble s’agir que d’artefact extrêmement puissant, dont les pouvoirs entrainent la convoitise et le désastre, comme la plupart des armes (ou autre) dans une histoire de super héros. Le Tesseract est utilisé comme arme par Hydra et Loki, comme la Pierre de l’Esprit, Ronan cherche à utiliser la Pierre de Pouvoir pour détruire la planète Xandar… Bref, des jolis cailloux qui font beaucoup de dégâts. Sauf qu’il s’avère, comme on l’apprend dans les Gardiens de la Galaxie, et de nouveau dans Avengers : Infinity War, que les Pierres étaient là lors de la création de l’univers, qu’elles lui sont donc antérieures. Et qu’elles ne sont pas des pierres à proprement parlé, mais la matérialisation des concepts faisant tourner le monde. Mais plus encore qu’elles ont une volonté propre.
Les premiers Dieux
Remontons aux origines de l’univers. Après que les Pierres aient été dispersées à travers l’espace et le temps, nous savons qu’une race a pu les saisir et utiliser leurs pouvoirs. Dans la vision que nous montre le Collecteur dans Les Gardiens de la Galaxie, on voit des êtres colossaux faisant usage des pierres, en particulier celle du Pouvoir, démontrant son pouvoir destructeur. Tout laisse à penser qu’il s’agit des Célestes, des êtres cosmiques ancestraux de l’univers Marvel à l’origine de la création des Éternels dont fait parti Thanos. D’une taille titanesque, ils sont connus pour expérimenter sur l’humanité, sans nul doute en faisant usage des pouvoirs des Pierres, nous laissant supposer qu’ils ont sans doute aussi fait de même sur d’autres espèces.
Comment avons-nous pu les éviter alors, je vous entends me demander. En effet, vu les proportions dont nous parlons, il semble difficile à croire qu’ils soient cachés quelque part dans un coin, quoique l’univers soit très grand. On peut supposer qu’après quelques millénaires d’expérimentations, ils aient choisi de se retirer, auquel cas, la raison devient rapidement évidente. Vous souvenez-vous de Knowhere ? Le crâne gigantesque, de la taille d’une planète, dérivant dans l’espace, et lieu de résidence du Collectionneur ? Il ne s’agit pas de n’importe quel crâne. Il s’agit du crâne d’un Céleste.
Et ce n’est pas un hasard s’il en est ainsi et que Marvel nous le montre. D’abord, c’est absolument génial comme décor, mais en plus, on apprend dans les Gardiens de la Galaxie qu’il s’agit aujourd’hui d’une mine, où l’on racle les restes de matières organiques, en particulier de matières cérébrales. Ce qui veut dire que les Célestes, malgré leurs pouvoirs, leur taille, et leur âge immémorial, sont des êtres de chair, et tout comme Thanos, des êtres finis.
Les Protecteurs
Qui a réussi à les défaire et à les vaincre ? La seule hypothèse qui me semble crédible est Asgard. On sait déjà que ce monde est ancien, très ancien, surtout lorsque Thor nous révèle qu’il est âgé de 1500 ans, mais si on additionne le tout, entre lui, son père Odin, et ces prédécesseurs, on remonte à la nuit des temps. Littéralement. Ce n’est un secret pour personne que le monde d’Asgard et ses héros ont été inspirés de la mythologie nordique, qui, comme toute religion, a sa propre version de la création du monde. Il s’agit d’une histoire un peu rocambolesque avec une vache nourricière, des géants de glaces, et des nains, mais tout comme l’histoire de la genèse, il s’agit d’une version éditée de la réalité, pour la rendre compréhensible par les Hommes.
Mais dans l’univers Marvel, nous avons des géants de glace, des dieux asgardiens et des nains forgerons. Alors, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ? Pourquoi ne pas prendre au mot les mythes, et retracer ainsi l’histoire de l’univers ? Il n’y a pas si longtemps, j’ai écrit un article où je séparais le monde de Thor de celui des Gardiens de la Galaxie, car l’un relevait plus du mythe, et l’autre de la science fiction. Mais voilà qu’aujourd’hui les deux se rencontrent, et qu’Asgard, plateau flottant dans l’espace sans atmosphère ou étoile, rayonnant de sa propre lumière, existe dans le même univers où 8 degrés de différence sur son axe de rotation a détruit toute vie sur Titan. Comment est-ce qu’une aberration comme Asgard peut alors exister ? Parce qu’elle était là avant les lois de la physique, avant même la création de l’univers.
Asgard est un jardin d’Eden, où règne la paix, la richesse, sans saison, sans maladies, sans pauvreté, mais plus que ça, c’est véritablement le Jardin D’Eden. Ou tout du moins l’interprétation faite par les auteurs de comics cherchant à combiner la mythologie de leurs ancêtres avec la religion de leurs parents. Et si Asgard a été mis là par un créateur tout puissant, qu’il soit un homme barbu ou une vache pie rouge de Suède, il semble évident d’ajouter que les êtres la peuplant sont eux aussi, des créations divines. Et pas n’importe lesquels, mais des êtres capable de décimer les Célestes, de régner sur l’univers, de survivre dans l’espace sans oxygène, d’endurer le feu des étoiles, et en charge de protéger les neufs mondes. Ce n’est pas surprenant que les peuples nordiques les aient qualifiés de dieux. Et qu’ailleurs, ils aient été appelés des anges.
Traces du divin
Cela étant dit, nous en revenons toujours à la même question. Qu’y avait-il avant ? Qui est derrière la trame de l’univers, et quelle est sa place dans notre histoire ?
D’abord, un énorme divulgâcheur sur la fin d’Infinity War, mais qui est essentiel pour pouvoir comprendre la nature des Pierres. Grâce à un pouvoir dont je parlerai dans quelques instants, Wanda Romanoff, réussis à briser la Pierre de l’Esprit, détruisant Vision au passage. Il y a une énorme explosion d’énergie, et puis rien. Rien ne change dans l’équilibre du monde. L’esprit, le concept, ne disparaît pas. Les personnages restent conscients et capables de raisonner, avec tout leur esprit. C’est parce que, si le concept qu’elles représentent ne peut être détruit, les Pierres elles, sont elles aussi finies. Elles appartiennent à un seul univers qu’est le nôtre, qui est lui-même fini. (On se souviendra des 14,000,605 futurs explorés par Dr Strange, qui contredit l’idée que l’univers et le futur soient infinis)
Pourtant, elles portent en elles le contrôle des éléments constituant l’univers. Elles sont un peu des stylos, plein d’encre, écrivant ce qui est et ce qui n’est pas. Le stylo peut se casser, l’encre sécher, mais l’idée, l’intelligence qui les anime sera toujours là. Toujours. La définition même du divin.
L’univers Marvel est comme un comics book. Une multitude de pages et d’histoires reliées dans un seul volume, avec, traces de la main qui l’a dessiné, des stylos éparpillés entre les pages. Des traces du divin, portant en eux le pouvoir de l’auteur. Le pouvoir de Dieu.
La parole de Dieu
Anges
Avengers : Infinity War n’est pas le premier film où les pouvoirs des Pierres d’Infinités nous sont montrés. Nous avons bien entendu le premier Avengers, Thor : Le monde des Ténèbres, Gardiens de la Galaxie, Avengers : Age of Ultron… Mais il y a des détails plus subtils, des détails reliant le reste de la franchise et nous permettant enfin de mesurer la toute-puissance des Pierres. Commençons avec Vision. Son corps est d’origine technologique, né de la rencontre entre l’esprit humain et la Pierre de l’Esprit. Un bon coup de foudre plus tard, et nous avons un être hors du commun, capable de soulever Mjolnir comme s’il s’agissait d’un presse-papier. Mais est-ce parce que son cœur est juste et qu’il est véritablement digne de manipuler l’arme ? Ou est-ce parce qu’il est l’écrin d’une puissance plus incroyable et plus ancienne que le marteau lui-même ?
La question se pose d’autant plus qu’il ne faut pas longtemps pour que Vision soit grièvement blessé dans Avengers : Infinity War. Vision, symbole d’un futur meilleur, l’espoir de l’humanité, généreux, pur, né des plus grands esprits sur Terre, est terrassé en quelques minutes, écrasée contre les murs d’une église de Glasgow. L’ironie est forte. Et plus tard, quand on le voit tombé à genou, se sacrifiant pour l’humanité, pardonnant son meurtrier avec un sourire aimant aux lèvres, elle devient douloureuse. Plus judéo-chrétien, tu meurs.
Prophètes
Seulement Vision n’est pas le seul à avoir été créé par une des Pierres, par le divin. Leur nombre dans les comics est trop important pour tous les recenser. Mais dans l’univers cinématique, trois exemples, en plus de Vision, ressortent. D’abord, nous avons Wanda, dont les pouvoirs sont décrits par Vision comme similaires à ceux de la Pierre de l’Esprit. On pourrait croire à un hasard bien utile pour le scénario, mais on est bien loin de tout ça.
La première fois que l’on rencontre la sorcière rouge, elle est enfermée dans une minuscule cellule, faisant usage de pouvoirs télékinétiques, et visiblement au bord de la folie. À côté d’elle, son frère, la tête entre les mains, semble tout aussi tourmenté. Enfermés dans un centre d’expérimentation d’Hydra, ils semblent avoir été tous les deux sujets à des expérimentations que l’on peut facilement imaginer. Pourtant, quand on les retrouve, quelques films plus tard, les jumeaux sont stables, conscients, et redoutables. Wanda en particulier, alors que l’on découvre qu’en plus de ses talents de télékinésies, elle possède l’habilité de s’insinuer dans l’esprit de ses ennemis.
Coïncidence ? Je ne pense pas, lorsque l’on sait que l’Hydra détenait alors la Pierre de l’Esprit. Il serait tout à fait possible que Wanda ait acquis la partie psychique de ses pouvoirs directement auprès de la Pierre. Ce qui expliquerait qu’elle puisse la détruire. Après tout, face à de tels pouvoirs, on ne peut qu’imaginer une force égale pour les contrer. Elle ne serait d’ailleurs pas la seule à qui la Pierre de l’Esprit aurait fait un don. Loki aussi semble en avoir bénéficié, après avoir fait usage de la Pierre durant sa tentative d’invasion de la Terre. Le dieu de l’espièglerie s’est fait connaître par ses talents d’illusionnistes, dont il n’hésite pas à user et abuser, mais il faut attendre Thor : Ragnarok pour que, pour la première fois, on le voie entrer dans la tête de quelqu’un d’autre. Le fait qu’il n’utilise ce pouvoir qu’en dernier recours, et que cela lui coûte visiblement autant qu’à la Valkyrie qu’il combattait, montre bien que ce pouvoir est nouveau pour lui.
Démons
Le troisième est un peu plus compliqué. Peter Quill n’a pas été touché directement par une Pierre d’Infinité, mais son père lui, est très probablement né du pouvoir d’une ou plusieurs d’entre elles, comme Vision. Unique au monde, il démontre des pouvoirs dépassant l’entendement humain, tant de création que de destructions. Décrit comme une entité céleste par les comics, personne ne sait vraiment ce qui lui a permis d’évoluer de planète, à conscience mobile. Mais quand on voit Vision, imaginer que les Pierres aient pu engendrer ce miracle est presque évident. Comme Gardiens de la Galaxie 2 nous l’explique, il fallut des millénaires et une farandole d’enfants avant qu’Ego n’ait Quill, le premier et le seul de ses enfants à avoir hérité de ses pouvoirs, incluant pouvoir tenir les Pierres d’Infinité.
Et c’est maintenant que les choses se compliquent. Parce que le comportement des Pierres quand utilisées semblent complètement aléatoire et inconsistant d’un film à l’autre. Non pas parce que la multiplication des scénaristes, réalisateurs et créateurs cause des irrégularités d’un film à l’autre, mais parce que les Pierres ont une volonté propre.
Le Bon, le Mauvais, et L’Entre deux.
Ce n’est pas un hasard, ou même un caméo pour les admirateurs, que l’on retrouve Red Skull sur Vormir. C’est la Pierre de l’Espace qui l’y a envoyé, pour servir la Pierre de l’Âme. Ce n’est pas une facilité scénariste ou un séminaire de groupe qui permet à Peter Quill de tenir la Pierre de Pouvoir à main nue, mais bien qu’elle reconnaisse en lui la trace de son propre pouvoir. Ce n’est pas pour le romantisme de la chose que Jane survit à l’Ether prenant possession d’elle, mais bien parce que la Pierre de la Réalité choisit de la maintenir en vie comme un vaisseau. Comme la Pierre de l’Esprit le fait avec Vision.
Alors pourquoi certains, comme Wanda ou Thanos, sortent grandis et plus forts de leur interaction avec les Pierres, et d’autres, comme Ronan, Loki, Jane, manquent d’y perdre la vie ? Pourquoi est-ce que Thanos, pourtant génétiquement plus humain que Peter Quill, peut manipuler les Pierres à mains nues, là où la totalité des Gardiens de la Galaxie parvient à peine à en contenir une ? Pour la même raison que le Buisson Ardent ne brûla pas Moïse, et que Galaad put trouver le Saint Graal. Parce qu’ils ont été choisis.
À chaque cycle, à chaque tournant de l’Histoire, à chaque début de la fin, il y a un jugement. Ce qui était au début est mit à nu, contemplé, et jugé sur sa nature, ses actions, et son poids dans l’équilibre délicat de l’univers. Certaines religions appellent cela le jugement dernier, et pour leurs croyants, vont de pair avec la fin du monde, soit l’Apocalypse. Mais qu’advient-il quand le but de l’Apocalypse n’est pas de détruire la création, mais de la sauver ? Qui peut être à la fois avocat, juge, et bourreau de la sentence nécessaire, dans un monde où les héros et dieux sont ceux jugés pour leurs faiblesses ?
La Providence choisit quelqu’un d’autre. Dans le monde des comics, il s’agissait d’un être toujours plus puissant, d’une alliance du bien contre le mal, du sacrifice du héros pour le bien de tous. L’univers finissait toujours par pencher en faveur de l’humanité et de ses valeurs, refusant de laisser la mort gagner, parce qu’on ne marchande pas une vie pour une autre. Ce n’est pas pour rien que Steve Rogers nous dit dans le premier Avengers qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Il s’agit d’un hommage à ceux qui, inspirés par leurs religions, ont commencé le genre presque un siècle plus tôt. Mais le MCU, lui, nous montre bien que les choses ne sont plus si simples. Adieu l’idéologie judéo-chrétienne qui a inspiré les premiers auteurs de comics. À bas les idéaux héroïques archaïques sécurisant l’humanité dans sa conviction que chacune de ses vies compte.
Aujourd’hui, le Divin n’est plus en quête de puissance, mais d’équilibre. Il a contemplé l’univers, et la solution de Thanos lui a semblé juste, et ainsi, les pierres capricieuses se sont elles soumises une à une. Plutôt que de nous fournir un nouveau héros, Marvel nous propose un bourreau. Plutôt que de créer, de détruire. Parce que c’est ainsi que les cycles s’accomplissent et que le monde peut renaître de ses cendres, comme la planète d’origine de Gamora. Et au final, est-ce si monstrueux ? Est-ce si fou ? Ne s’agit-il pas du plus grand bien ? L’univers semble avoir parlé. Et à l’unisson, d’un claquement de doigts, à asséner le verdict.
Postscriptum : Bon, j’admets, rien de tout ça ne répond à la seule question qui importe vraiment : Pourquoi n’ont-il pas simplement coupé son fichu bras ? ?