Quand j’ai découvert l’existence d’Orbiter 9, Órbita 9 en espagnol, j’étais absolument ravie de voir un film européen au milieu de la surproduction de Netflix. Bon, j’admets que je m’attendais à ce que le jeu soit un peu rigide, mais je crois que ça fait partie du genre. Après Annihilation (2018) dont le visuel bluffant et le casting féminin m’avait conquis, et la nouvelle version de Star Trek qui, sans fasciner par son scénario, a prouvé plus d’une fois que Netflix sait s’y prendre en matière de science-fiction, j’étais plutôt confiante qu’Orbiter 9 serait tout au moins une expérience plaisante.
Il n’a malheureusement pas fallu longtemps pour que tous mes espoirs s’effondrent, et une heure trente-cinq minutes plus tard, je me sentais plus attristée que déçue, désolée de voir ce film tomber dans tellement d’écueils de son genre.
Vous l’avez déjà vu
Je m’explique. Visuellement, si c’est moins extraordinaire que ce que d’autres films de science-fiction ont pu nous apporter récemment, c’est toutefois authentique. Étouffant à tous les niveaux, autant dans cette toute petite navette perdue dans l’infiniment que dans le futur proche où se déroule l’intrigue, où huit milliards d’êtres humains s’entassent dans des villes surpeuplées, toujours dans le huis clos que forment les bulles des deux personnages. La musique, avec ses thèmes très différents entre l’espace et le monde terrestre, renforce cette esthétique divisée entre deux mondes qui entrent en collision quand Alex, vêtu d’une chemise de flanelle, fait face à Helena, affublée de sa tenue de spationaute. Pas forcément le décor le plus original, mais une structure solide, pleine de ressources et d’opportunités pour un grand scénario. C’est ce qu’on pouvait espérer de la part d’Hatem Khraiche Ruiz-Zorrilla, prix Goya du meilleur court métrage 2009 pour The Returned (2009). Je dis bien espérer.
Vous l’avez déjà lu
Le film s’ouvre dans la navette conduisant la jeune Helena à travers l’espace, vers une nouvelle planète nommée Céleste, colonisée par la race humaine. Suite à un défaut dans le système de ventilation du vaisseau, ses parents ont fait le choix de se sacrifier afin de ne pas épuiser les réserves d’oxygène, lui donnant une chance d’atteindre une station intermédiaire où elle pourrait trouver l’aide nécessaire pour réparer le dysfonctionnement, et reprendre son long voyage.
Seule depuis maintenant trois ans, elle suit la routine imposée par son ordinateur de bord, dans le silence et l’obscurité, la seule chose qu’elle n’ait jamais connu. Tout du moins jusqu’à l’arrivée du jeune, beau et mystérieux Alex (Alex González), ingénieur en charge de la réparation, qui s’installe dans le vaisseau pour 50 heures.
S’ensuit alors une romance digne de Passengers (2017), film mêlant science-fiction au thriller psychologique et qui, contrairement à Orbiter 9, assume parfaitement sa part d’ombre.
Vous l’avez déjà démasqué
Car, même si ce film se veut être une douce romance sur fond de conflits éthiques, il s’agit bien plus d’une énième version du même scénario sexiste, dont les légères variations n’effacent pas les nombreux problèmes.
Helena, interprétée par Clara Lago, est une jeune fille gracile et délicate, pouvant avoir aussi bien entre 16 et 22 ans, au visage juvénile et aux grands yeux noirs innocents. Convaincue d’avoir embarqué avec ses parents alors qu’elle n’était encore qu’un bébé, pour un long voyage d’une cinquantaine d’années à destination de la terre promise, elle ne sait pas qu’elle est en réalité enfermée dans une capsule souterraine, sur Terre, où elle sert de cobaye à un programme spatial international visant à préparer l’humanité à rejoindre la fameuse planète Céleste.
Alex, quand à lui, est en réalité un de ces scientifiques, qui l’observe elle, ainsi que les neuf autres sujets, depuis plusieurs années. Timide, brillant, insatisfait de sa propre vie et hanté par les nombreuses questions éthiques que pose son travail, il sait tout, et plus encore. Et quand Helena s’offre à lui, convaincue qu’elle ne reverrait personne d’autre avant quarante longues années, il se laisse séduire par cette étrange et ravissante jeune fille.
De retour à la surface, il se décide à libérer sa belle, l’arrachant à sa prison, détruisant tout son univers d’un revers de main, et la ramène chez lui, convaincu et la convainquant, que lui seul peut la sauver et la protéger, et là-dessus, les voilà amoureux l’un de l’autre.
« Born Sexy Yesterday »
Et c’est bien cela tout le problème, et ce problème a un nom. Pour reprendre l’appellation du très bon Jonathan McIntosh dans sa vidéo éponyme sur sa chaine Pop Culture Detective, il s’appelle « Born Sexy Yesterday », se traduisant littéralement par « Née sexy hier ».
Je ne vais pas vous refaire toute la vidéo, quoique je vous la recommande vivement, mais pour être bref, il définit les « Born Sexy Yesterday » comme étant des femmes idéales, parfaits modèles du fantasme masculin, avec le cœur et les connaissances d’un enfant, les rendant naïves, attendrissantes, et complètement dépendantes et éprises du rôle masculin. Exactement comme Helena, belle, délicate Helena, qui ne sait rien du monde jusqu’à ce qu’Alex vienne la libérer, tel un prince charmant libérant la princesse de son donjon. Littéralement. Elle ne connaît que lui, est convaincue de sa droiture, et dans son innocence et pureté d’âme, elle s’offre à lui sans rien demander en retour, sans même savoir qu’elle peut. Et comme Alex la gratifie de son amour et de son savoir, elle se remet à lui, tant émotionnellement que physiquement. Alex, lui, est un homme normal, jusqu’à ce qu’il libère Helena, et devienne alors le plus beau, le plus intelligent, le plus brave, le héros. Il aime tout d’Helena, parce qu’elle est tout ce qu’il veut. Elle le valorise, l’idéalise, s’ébahit et s’émerveille devant tout ce qu’il fait, lui est dévouée et est physiquement belle. Helena aime tout de lui, parce qu’il est le seul homme qu’elle connaît. Elle est une enfant dans un corps de femme, et il est un héros derrière une façade banale. Le parfait fantasme misogyne.
Vous l’avez déjà oublié
Comme je l’ai déjà dit, ce film se veut d’être un drame romantique sur fond d’éthiques. Tout y est. Le bel homme plein de qualités, et en mal d’amour, et une belle femme au cœur pur prête à se battre pour son bonheur. Ils se rencontrent dans des circonstances miraculeuses et hautement romantiques, ont leur petit montage bonheur, un terrible retournement de situation mettant leur amour à l’épreuve, suivi d’une victoire indiscutable de l’Amour, avec un grand A, contre tout. Même quand Alex, pleinement conscient de la situation émotionnelle, psychologique et physique d’Helena, sachant plus de chose sur elle qu’elle-même, couche avec elle, la scène (au passage, complètement inutile, merci beaucoup) apparaît consensuelle, comme s’il n’y avait pas une telle inégalité entre les personnages.
Seulement voilà, il y a une véritable inégalité. Une inégalité qui a trop souvent déjà été utilisée dans le genre de la science-fiction, qui a voyagé à travers les années et les victoires des femmes travaillant à une représentation plus juste de ce qu’elles sont, pour arriver en 2018, sur une plateforme se vantant d’être en avance sur son temps en terme de justice sociale, et qui arrive toutefois à produire un film aussi tristement cliché qu’insipide. Et que ce soit encore excusable au nom de l’amour m’attriste. Alors franchement, cela en valait-il la peine ?
Page Netflix
Orbiter 9
Performance des acteurs
Scénario
Photo, ambiance, effets spéciaux
Musique
Décevant
Un scénario prévisible et ennuyeux
Bonjour!
J’étais venu ici pour apprécier une critique parmi d’autres de ce film que je viens de visionner, et qui un peu comme vous, m’a laissé sur ma faim. J’ai pour ainsi dire dû à de nombreuses reprises faire de courtes avances rapides 10 sec. , 10 sec. , 10 sec. pour faire remuer un peu les scènes ennuyeuses de prévisibilité..
Oui le twist, pas si éculé que ça, sauf pour les fans de SF, est peut-être campé un peu trop tôt, j’ai d’ailleurs trouvé l’adaptation de l’héroïne (à part un long plan flouté, puis un étonnement devant une mouche ou au toucher du bois) au monde terreste un peu expédié ! Aucune réaction dans la voiture (la faire vomir l’aurait rendue moins sexy?), aucune panique devant quoique ce soit, eu bout de quelques jours on la voit quasi tranquille dans une boîte de nuit causer avec les potes d’Alex.. C’est mal exploité, surtout qu’en échange les longueurs s’allongent, et le visage ombrageux d’Alex cadré dans tous les sens finit par laser.
En revanche j’ai trouvé pour ma part la place des hommes totalement éculée, voire limite masculinophobe!
Le savant cynique et prêt à tout pour faire aboutir son projet (forcément un homme), au sein du couple des faux parents d’Helena un.e lâche collabo (forcément le père), le flic brutal et meurtrier (toujours un homme, comme s’il n’y avait pas de policières en Espagne ), le « médecin » qui doit administrer la dose mortelle à Helena (toujours un homme, comme si les femmes n’avaient aucun poste dans la santé non plus dans ce pays).
Enfin bref une galerie vulgaire, lâche, avide ou caricaturale (alex le brave type un peu idéaliste mais sans relief) avec en face la vraie patronne du projet, mécène multimillionnaire (une femme), la seule véritable figure héroïque du film (la psy, encore une femme), et celle qui prend vraiment les décisions (Helena, faire l’amour à alex, partir trouver ses parents, réagir en face d’un meurtre, demander à retourner dans sa cellule pseudo spatiale). Alex semble quasi courir après ses décisions, alors qu’elle ne bouge pas beaucoup…
Voilà, un film qui malheureusement égrène les poncifs masculinophobes, et à notre époque c’est vraiment inquiétant.
Merci pour la critique en tout cas!