Pour la plupart des utilisateurs de Facebook, il s’agit d’un réseau social un peu daté où vos parents partagent leurs photos de vacances, où vos amis en couple vous font subir la flamme dévorante de leur passion fusionnelle, et où cette personne un peu lourde rencontrée lors d’une soirée dans une autre vie, passe son temps à poster des images des Minions de Détestable-Moi, et/ou des photos barrées de citations sensées vous inspirer.
Vous y passez de moins en moins de temps, environ 50 millions d’heures par jour en moins à l’échelle mondiale, d’après le rapport trimestriel du 31 janvier 2018, et vous en êtes de moins en moins content, que ce soit à cause des nombreux scandales de 2017 autour des trop nombreuses « fake news » (fausses informations), ou parce que le réseau veut vous empêcher de publier des « memes ».
Un nouveau scandale autour de la confidentialité
Pourtant, le réseau ne cesse de grandir, et avec lui, la masse d’information qui y circule tous les jours. Et s’il serait naïf de croire que ces données ne sont jamais détournées du cadre dans lesquels elles ont été premièrement publiées, les utilisateurs moyens que nous sommes ne perdons pas pour autant le sommeil à nous demander ce que nos publications sans intérêt pour quiconque en dehors de notre entourage proche, deviennent une fois en ligne. Tout au moins jusqu’à ce que le scandale Cambridge Analytica (CA) explose. Et c’est là que je sens vos questions arriver.
Qu’est-ce qui a été volé ?
De ce que vous avez lu ou entendu de loin, Facebook aurait volé des informations personnelles et les auraient utilisées à des fins politiques et commerciales, dont l’élection du président américain Donald Trump. Seulement, les choses sont un petit peu plus compliquées que ça. D’abord, toutes les informations n’ont pas été volées, certaines ont été détournées, par le biais d’applications demandant à voir votre profil pour fonctionner. Mais si, celles vous proposant de connaître le bonbon correspondant à votre personnalité, en prenant en compte vos mentions « J’aime » et vos informations publiques, comme votre nom, votre ville, etc.
Toutes ces informations récoltées, d’apparence inutiles, ont été soigneusement cataloguées par des personnes comme le docteur Aleksandr Kogan, un universitaire en neuroscience à Cambridge, qui s’en sert pour reconstruire les profils des utilisateurs et, dans le cas qui nous intéresse, leurs profils politiques. L’une des sociétés se spécialisant dans l’utilisation de ces profils psychologiques, est la maintenant tristement célèbre Cambridge Analytica.
Que deviennent les informations ?
Avant toute chose, il est important de comprendre de quoi est accusée Cambridge Analytica. À cause de ses liens, et en particulier, de son bailleur de fonds ouvertement pro-Trump, la société est accusée d’avoir fait usage des informations et profils psychologiques de près de 87 millions d’utilisateurs Facebook pour créer des « bulles idéologiques ». Ce terme poétique regroupe l’usage de fausse informations, publicités et autre outils médiatiques, pour influencer le penchant politique de leurs lecteurs. En pratique, il s’agit de remplacer les innombrables publicités sur ce produit que vous avez consulté sur Amazon il y a six mois, par des messages politiques en faveur de Donald Trump.
Mais pour que Cambridge Analytica ait pu récolter vos informations de manière légale, les vendre aux plus offrant, et s’en servir pour tenter de vous influencer, c’est qu’elles n’étaient pas suffisamment protégées en premier lieu. Ou tout du moins, c’est l’un des problèmes soulevés. Et c’est enfin là-dessus que la responsabilité revient à Facebook, en la personne de son fondateur et PDG, Mark Zuckerberg, accusé de ne pas avoir su protéger les informations de leurs usagers. À vrai dire, la responsabilité ne cesse de passer de mains en mains depuis que l’information a été révélée au grand jour par Christopher Wylie, et il n’est pas difficile d’imaginer que cela continuera ainsi jusqu’à ce que l’affaire soit noyée dans les procédures judiciaires et administratives. Et pour être tout à fait honnête, cela ne changera pas grand chose pour vous.
Suis-je concerné ?
À moins que vous n’ayez voté Trump aux élections présidentielles américaines, non. Du moins, pas par cette affaire très précise. Toutefois, si vous avez, ne serait-ce qu’une seule fois cédé à la tentation de connaître votre animal totem, vous êtes très probablement victime du détournement de vos informations. À vrai dire, vous n’avez sans doute même pas besoin d’avoir joué à un quelconque jeu Facebook pour être concerné, et c’est là que réside le véritable problème.
Malgré tous nos efforts pour renforcer nos paramètres de sécurité sur nos réseau sociaux, cette affaire nous prouve bien le peu de contrôle que nous avons réellement sur ce que nous mettons en ligne. Et si cela doit nous pousser à toujours être prudents et attentifs, cela ne doit pas non plus nous empêcher de continuer à profiter des bons aspects des réseaux sociaux, comme Facebook. Dans le cas de l’affaire Cambridge Analytica, le seul usage qu’il est dit être fait de nos données, est un usage psychologique. En somme, tenter de vous influencer en misant sur le fait que vous faite partie de ceux qui, comme 63 % des usagers Facebook américains en 2015, utilisent le site comme source d’information.
Seulement, vous êtes informés. Grâce au travail d’un geek comme un autre, avec des cheveux roses à 28 ans, qui a pris la décision de révéler les secrets les plus sombres de son travail pour Cambridge Analytica. Grâce à une personne comme vous et moi, qui aime la culture geek, l’informatique, et l’information libre. Alors restez informés, critiques, et savourez avec moi la nouvelle vague de « meme » sur le pauvre Mark Zuckerberg, reçu en audition devant le Congrès des États-Unis les 10 et 11 avril, durant laquelle il s’est beaucoup, mais beaucoup excusé. Après tout, parfois il vaut mieux en rire, une fois informé !