La maladie mentale et physique dans les jeux vidéo (partie 1)

Encore tabou, mais ô combien important, le sujet de la maladie mentale n’est que très rarement abordé. Incompris et souvent jugé par plusieurs, c’est une réalité qui nous frappe de plein fouet. Dans une société qui enferme les gens plutôt que d’essayer de comprendre et d’aider, nous cachons le problème plutôt que de le régler. Or, la maladie mentale n’est pas le seul sujet qui est de plus en plus abordé. Le cancer est une aussi une réalité qui frappe énormément de connaissances, amis et familles, sans crier gare. Étant des propos d’actualité qui marquent la vie des gens à tous les jours, il était inévitable que les jeux vidéo allaient devenir une plateforme artistique pour les présenter. Que ce soit dans Hellblade : Senua’s Sacrifice ou That Dragon Cancer, le thème de la maladie est approchée avec une philosophie et une poésie qui choque notre imaginaire et nous fait voir la vie sous un autre angle.

La maladie mentale dans Anodyne

La maladie mentale se présente sous diverses formes et facettes et c’est pour cette raison qu’elle est présentée différemment dans plusieurs titres de jeux vidéo. Le jeu du petit studio Analgesic Productions intitulé Anodyne aborde le sujet d’une manière très métaphorique et mystérieuse. Mélangeant fable, cauchemar et rêve, l’ambiance d’Anodyne est une analogie à la vie. Elle est simple et légère à l’occasion, mais contient également des phases plus complexes et déprimantes. Plusieurs éléments étranges et fantasmagoriques sont au rendez-vous et il n’est pas rare de s’y perdre. Le nom Anodyne est en lui-même plutôt révélateur. Lorsque nous pensons à quelque chose d’anodin en français, c’est souvent un évènement avec peu d’importance. Or, anodyne en anglais se réfère plutôt à l’effet d’une drogue que l’on prend pour calmer la douleur.

Il y a plusieurs débats quant à la signification et le symbolisme qu’Anodyne essaie de nous partager et les créateurs aiment nous laisser en suspens. Cependant, plusieurs joueurs et spécialistes s’entendent pour dire que le personnage principal souffre de dépression clinique. Les thèmes troublants tels que l’apathie, le suicide et la dérision/destruction de soi reviennent souvent. Il y a des moments très sombres. À un certain moment, vous tuez un pêcheur sans défense et vous sautez dans son sang afin de vous téléporter dans un autre royaume. Normalement, votre principale arme dans le jeu est un balai. Par contre, à un certain moment, votre balai se transforme en couteau. Au lieu de parler aux gens sans défense, vous les tuez sans remords.

**Alerte aux divulgâcheurs**

À la fin d’Anodyne vous devez vous battre contre une copie de vous-même qui a été prise par la noirceur. Votre copie vous dit qu’elle n’en peut plus d’être prise dans un cycle sans fin. Lorsque vous êtes victorieux, ce n’est pas une finale grandiose qui attend le joueur. Seulement le bruit de quelques cloches et l’impression d’avoir vaincu un moment difficile. Cependant, notre personnage n’est pas guéri, car la dépression est un cycle qui part et revient sans crier gare. Par contre, il s’est maintenant fait des amis pour aller chercher de l’aide quand il en aura besoin. Lorsqu’il regarde à l’horizon, c’est un signe qu’il y a toujours de l’espoir quand on prend la peine de regarder au-delà de la montagne qui nous obscurcit la vue. Fait intéressant, le personnage ne meurt jamais dans Anodyne. Au lieu, il se retrouve toujours dans son lit. Une métaphore qui signifie que même si certaines journées sont plus difficiles, il y a toujours un lendemain pour se relever plus fort.

La maladie mentale dans Hellblade : Senua’s Sacrifice

Hellblade : Senua’s Sacrifice est un titre qui a marqué de nombreux joueurs dès sa sortie. On aurait tendance à croire que ce serait dû à ses graphismes à couper le souffle. C’est plutôt l’histoire, l’ambiance et les valeurs que le jeu exploite qui l’ont rendu aussi populaire. Réalisé avec des psychiatres spécialisés en psychoses et des patients qui en souffrent, la petite équipe du studio Ninja Theory a su produire une oeuvre artistique qui choque tout autant qu’elle émerveille.

L’histoire consiste en Senua, une guerrière des Orcades, qui est en quête pour sauver l’âme de son amoureux défunt, Dillion. Senua croit qu’elle est atteinte d’une malédiction. Elle entend sans cesse des voix dans sa tête commentant chacune de ses actions. Elle est également suivie par la Noirceur, une entité qui serait au coeur de sa dite malédiction. L’histoire de Senua se dévoile avec les nombreuses hallucinations mettant en scène sa mère, Galena, qui aurait la même malédiction qu’elle. Le père de Senua, Zynbel, un extrémiste religieux, brûla Galena vivante. Alors seulement âgée de cinq ans, notre héroïne est convaincue que la mort de sa mère est de sa faute. Zynbel convainc Senua que sa condition était anormale, et profite d’elle psychologiquement et physiquement. Il l’isola du reste du monde. Senua s’exila en croyant que tout ce qui arrivait de mal à son village était de sa faute.

Ultimement, elle se battra contre la Noirceur qui était en fait l’incarnation des croyances et des abus de son père. Au dernier moment du jeu, Senua se bat contre la légion d’Hela, mais apprend que parfois, il faut abandonner un combat perdu d’avance. Elle se souvient de Dillion, qui lui avait montré l’importance d’apprendre de nos défaites. Ayant accepté qu’il était impossible de ramener son amoureux à la vie, Senua apprend à vivre avec la Noirceur en elle. Elle accepte aussi les voix comme étant une partie intégrante de son individualité. Elle invite les joueurs à la suivre et c’est ainsi que l’histoire se termine.

En fait, il faut comprendre que Senua était atteinte de psychose. Les gens qui font de la psychose sont, la plupart du temps, schizophrènes, dépressifs ou bipolaires. Ils ont souvent des hallucinations auditives et visuelles. La ligne entre la réalité et la fiction n’existe plus. Le jugement de la personne devient souvent injustifié et elle se croit persécutée. Le jeu nous montre qu’il est possible d’apprendre à vivre avec ces hallucinations, sans les voir comme étant un problème. Souvent la guérison n’est pas de se débarrasser de ces hallucinations, mais plutôt d’accepter sa condition. Les gens qui font de la psychose ont tendance à s’isoler ou à recevoir de mauvais traitements de la part de la population en général.

C’est un peu ça, la morale de Hellblade : Senua’s Sacrifice. Le joueur est derrière Senua tout au long de l’aventure et ne la juge pas pour ce qu’elle est. Au contraire, il l’aide à passer par-dessus toutes ses épreuves. C’est pourquoi elle nous demande de la suivre. Parce que c’est avec le support de quelqu’un qui la comprend, qui est capable de la voir pour ce qu’elle est réellement, que Senua réussira à accepter sa condition et vivre en paix.

Il est à noter que Ninja Theory fait équipe avec Cambridgeshire and Peterborough NHS Foundation Trust pour lancer Senua’s Scholarship afin d’aider les étudiants avec leur santé mentale et les aider à avoir une vie de qualité.

La maladie mentale dans Neverending Nightmares

Neverending Nightmares est un jeu d’horreur développé par Infinitap Games en 2014. Les joueurs prennent le rôle de Thomas, qui n’arrête pas de faire des cauchemars. Le personnage fait souvent la rencontre de sa soeur, Gabby, qu’il retrouve morte ou qui lui laisse des messages. Chaque fois que Thomas meurt d’une source extérieure ou par suicide, il se réveille toujours dans un autre cauchemar encore plus affreux que le précédent.

L’inspiration derrière Neverending Nightmares est très importante à considérer. Matt Gilgenbach, développeur du jeu, souffre de dépression et d’un désordre compulsif excessif. Gilgenbach veut faire sentir au joueur tout l’inconfort et le désespoir intense qu’une personne atteinte de maladie mentale peut ressentir. C’est une véritable expérience horrifique et interactive qui donne froid dans le dos. Tout aussi troublant, les cauchemars que vous vivez tout au long du jeu sont directement liés à ceux du producteur. En effet, Gilgenbach les prenait en note et chaque niveau du jeu en est une copie.

Il y a trois fins possibles à Neverending Nightmares et chacune d’elles représente une fin possible avec Gabby qui symbolise la cause de la dépression de Thomas. Premièrement, il embrasse le front de Gabrielle, synonyme qu’il accepte la dépression et qu’il a besoin d’aide. Par la suite, il se réveille près d’elle et Gabby commence à se rendre compte que Thomas n’est plus l’homme qu’il était. Nous trouvons alors une lettre de Gabrielle qui explique qu’elle l’a quitté. C’est pour cette raison que Thomas la voit souvent comme une version plus jeune et comme étant sa soeur et non sa femme tout au long du jeu.

Ensuite, nous voyons Thomas qui s’ouvre les veines et Gabby qui saute sur lui, symbolisant qu’il n’est pas capable de passer par-dessus cette perte. Finalement, Gabrielle revient en se rendant compte qu’elle n’aurait pas dû l’abandonner alors qu’il avait besoin d’aide. La dépression est souvent très difficile à vivre dans un couple, car il y a une grande incompréhension des deux côtés. C’est ce que le jeu essaie d’expliquer. Il y a une descente aux enfers assez drastique quand la lumière se fait rare. À force de se relever et de surmonter des épreuves qui parfois peuvent faire terrifiantes, il est toujours possible de s’en sortir.

Aider la maladie mentale avec #SelfCare

Sur une note plus légère, je vous présente un jeu qui pourrait bien vous aider à vous sentir mieux. #SelfCare est un jeu, ou plutôt une expérience, développée par deux femmes : Brie Code (anciennement Ubisoft) et Eve Thomas, écrivaine de magazines. En quoi consiste ce jeu ? Vous apprendre à ne rien faire et relaxer ! Vous jouez à des mini-jeux comme, par exemple, séparer des vêtements, flatter un chat ou même jouer aux cartes. Ce n’est pas un jeu difficile mais il est très satisfaisant. Vous créez des plages de couleurs très plaisantes à l’oeil.

#SelfCare est le premier jeu créé par TruLuv Studio et vise plus particulièrement ceux qui ne jouent pas, ou rarement, aux jeux vidéo. Code a travaillé pendant des années pour Ubisoft sur Assassin’s Creed et Child Of Light. Cependant, elle trouvait que la manière conventionnelle de créer des jeux vidéo présentait de nombreuses lacunes. Toujours axés sur l’action, les jeux deviennent répétitifs et ont tendance à rendre les joueurs anxieux. Code a donc tourné  son regard vers des jeux comme Journey et Dear Esther. Même si ces jeux sont différents de la norme, ils manquent leur cible quant au public visé. Ils ne vont pas chercher les gens qui pourraient être changés par leur expérience.

Code a donc créé #SelfCare avec minimalisme et douceur en tête. C’est un jeu qui se veut de courte durée. Une simple séance de 5 à 10 minutes est suffisante et vous ne ressentez pas le besoin urgent de toujours recommencer. Au lieu de stimuler l’adrénaline et la dopamine comme dans la plupart des autres jeux vidéo, #SelfCare stimule l’ocytocine et l’opioïde. Cela brise l’anxiété vécue au quotidien et nous fait réfléchir sur les émotions que l’on vit avec les autres jeux se résultant habituellement en frustration. Aucune microtransaction et sans publicité, #SelfCare représente peut-être le premier pas vers une nouvelle génération de jeux. Des jeux qui font du bien et nous poussent à voir la simplicité comme étant positive et non pas rétrograde.

La maladie mentale dans les jeux vidéo, et alors ?

Plus un sujet est abordé, plus la majorité des gens vont le côtoyer et l’adopter. Nous parlons plus souvent de l’addiction des jeux vidéo comme étant un problème et les joueurs en sont de plus en plus conscients. Il n’est pas rare d’entendre encore parler d’une personne qui a honte d’avouer qu’elle fait une dépression ou qui la minimalise. C’est à force d’en parler que les individus vont y être sensibilisés. Le jeu vidéo est une plateforme à grande échelle qui permet d’atteindre une grande partie de la population. Elle permet de s’éloigner des tableaux de statistiques et de créer une oeuvre vivante qui va réellement faire vivre une expérience marquante aux joueurs. Ne manquez pas la deuxième partie de cet article qui proposera une vision sur les maladies physiques dans les jeux vidéo.

Si vous vivez des moments difficiles, de l’aide est toujours disponible :

Centre de prévention du suicide  |  Mouvement santé mentale du Québec

À propos de Antoine Gaumont

Bonjour la compagnie! Je suis un véritable mordu de jeux vidéo, films et nouvelles technologies. Designer UX/UI, technicien, artiste, enseignant, criminologue, boulanger... je suis un passionné et c'est avec plaisir que je vais partager mes passions avec vous.

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Un commentaire

  1. Hellblade Senua’s Sacrifice ahhhh…mon meilleur jeu à vie. <3

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